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Surveillance des marchés financiers

La FINMA a-t-elle une obligation de collaborer dans le cadre d'une procédure civile ?

Dans un arrêt B-104/2014 du 5 juin 2014, le Tribunal administratif fédéral (TAF) a jugé qu’en l’absence de base légale dans la Loi sur les banques, la FINMA n’a aucune obligation de collaborer dans le cadre d’une procédure civile opposant un client à sa banque.

Suite à la requête introduite par un client de HSBC Private Bank Suisse SA (HSBC), le juge civil a émis un ordre de production de documents à l’égard de la FINMA. Il s’agissait plus particulièrement du rapport de l’enquête administrative que la FINMA a menée dans le cadre du vol de données auprès de la banque. Pour rappel, la FINMA a clôturé cette enquête en prononçant un blâme à l’encontre de HSBC. Elle est arrivée à la conclusion que tant l’organisation interne de la banque que le contrôle des activités informatiques présentaient des lacunes ayant conduit la banque à violer gravement les conditions d’autorisation. Le rapport d’enquête n’a pas été publié.

La FINMA ayant répondu à cet ordre de production par la négative, le juge civil a saisi le TAF sur la base des art. 41 LFINMA et 36a al. 1 LTAF en invoquant les dispositions relatives à l’obligation, respectivement à la dispense de collaborer dans le cadre de l’administration des preuves qui découlent des art. 160 ss. CPC et plus particulièrement de l’art. 166 al. 3 CPC. L’art. 166 CPC consacre un droit de refus restreint à l’obligation de collaborer et introduit à son al. 3 une réserve en faveur des dispositions spéciales du droit des assurances sociales. S’appuyant sur l’art. 166 CPC, le juge civil en déduit que l’obligation de collaborer à l’administration des preuves s’imposait aussi à la FINMA. Or, la FINMA ne se considérant pas directement visée par cette disposition a refusé de collaborer à l’administration des preuves.

Reprenant les arguments de la FINMA et d’une partie de la doctrine, les juges du TAF ont donné tort au juge civil pour les raisons suivantes :

  • la question litigieuse est réglée par l’art. 39 LFINMA qui prévoit que « la collaboration de la FINMA avec les autres autorités suisses [autorités suisses autres que pénales] est régie, en qui concerne la FINMA, par les lois sur les marchés financiers […] ». Dans le domaine bancaire, l’art. 23bis al. 3 LFINMA autorise la FINMA à transmettre les renseignements et les documents non accessibles au public uniquement aux autorités suisses – autres que pénales – chargées de la surveillance des marchés financiers, ainsi qu’à la Banque nationale. Les tribunaux civils n’étant pas visés par cette disposition, l’ordre du juge civil constituait une violation du principe de séparation des pouvoirs ;
  • le juge civil ne pouvait pas se fonder sur l’art. 160 CPC pour justifier son ordre de production. En effet, les documents liés à l’obligation de collaborer doivent servir uniquement à trancher un litige de droit privé. Cela implique l’exclusion des documents relatifs à la surveillance des marchés financiers, acquis dans le cadre d’une procédure administrative et dont le but est la préservation des intérêts publics et non pas la préservation des intérêts des parties à une procédure civile. Même si la surveillance des marchés financiers vise à protéger les créanciers et les investisseurs (art. 5 LFINMA), les tâches de la surveillance relèvent du droit public et de la police économique ;
  • nonobstant le fait que le rapport d’enquête de la FINMA pouvait représenter un intérêt général pour l’ensemble des acteurs du marché financier, le juge civil a omis d’expliquer en quoi ce rapport pouvait servir à la résolution du litige civil ;
  • même si le juge civil pouvait ordonner à la FINMA la production des documents, celle-ci serait légitimée à refuser la production en faisant valoir que la collaboration attendue n’est pas compatible avec les buts de la surveillance des marchés financiers (art. 40 let. c LFINMA). En effet, la participation de la FINMA à une procédure civile pourrait être interprétée par les intermédiaires financiers comme un manque de partialité et ainsi compromettre tant la coopération avec ses assujettis que leur surveillance.

Au final, la position du TAF doit être soutenue dans la mesure où le législateur a volontairement renoncé à une base légale claire visant à imposer à la FINMA une obligation de collaborer à l’administration des preuves dans le cadre de procédure civile.

Au titre des observations générales on relèvera que :

  • la protection des créanciers et des investisseurs constitue un des buts principaux de la surveillance des marchés financiers certes, mais ce but vise l’ensemble des créanciers et des investisseurs. Ce n’est pas à la FINMA de protéger individuellement chaque créancier de la banque dans le cadre de la surveillance des marchés financiers. Rien n’empêche en revanche les parties au procès civil de se référer aux documents qui sont publiés par la FINMA conformément aux art. 22 et 34 LFINMA ;    
  •  le TAF laisse une porte ouverte à la partie au procès civil en indiquant, d’une part, que « le juge civil n’a pas indiqué en l’espèce en quoi le rapport confidentiel de la FINMA pouvait servir à la résolution du litige civil » et, d’autre part, que « face à la demande d’un particulier de consulter un document déterminé, la FINMA peut décider en toute autonomie d’y donner suite si elle estime que ce faisant elle ne risque pas de compromettre les objectifs visés par la surveillance des marchés financiers ». 

Enfin pour conclure, on notera que l’AP-LSFIN – dont un des objectifs principaux consiste à mettre en œuvre les prétentions de droit civil des clients des prestataires des services financiers- ne prévoit aucune disposition imposant à la FINMA une obligation de collaborer à l’administration des preuves dans le cadre de la procédure civile.