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Contentieux fiscal US

Le TF confirme le blocage d’une transmission de données d’employés

Dans un arrêt 4A_73/2017 du 26 juillet 2017, le Tribunal fédéral a confirmé, sans surprise, le blocage d’une communication de données qu’une banque basée à Zurich souhaitait faire au sujet de l’un de ses anciens employés. Cet arrêt fait suite à de nombreuses décisions judiciaires cantonales ayant bloqué des transmissions de données relatives à des employés ou d’autres tiers dans le cadre du contentieux fiscal avec les Etats-Unis (par exemple ACJC/494/2017). Le TF avait également confirmé le blocage de données relatives à des avocats (arrêt 4A_83/2016 du 22 septembre 2016).

Dans le cadre du US Program, une banque basée à Zurich avait conclu un Non Prosecution Agreement (NPA), en décembre 2015, avec le Département de la Justice américain (DoJ). En exécution du NPA, la banque comptait transmettre aux autorités américaines des informations relatives à l’un de ses anciens cadres dirigeants, directeur de la division « Private Banking International  ». Cet ancien directeur était par ailleurs en charge, en tant que « relationship manager », de huit relations avec des clients américains. L’ex-directeur s’est opposé à une telle communication et a obtenu le blocage par les instances cantonales de la transmission de données personnelles le concernant.

Selon l’art. 6 al. 1 LPD, « aucune donnée personnelle ne peut être communiquée à l’étranger si la personnalité des personnes concernées devait s’en trouver gravement menacée, notamment du fait de l’absence d’une législation assurant un niveau de protection adéquat ». L’art. 6 al. 2 LPD prévoit toutefois certains cas dans lesquels une communication est possible.

Le TF a analysé si la communication en question était en l’espèce « indispensable à la sauvegarde d’un intérêt public prépondérant » (art. 6 al. 2 let. d ab initio LPD). Dans son précédent arrêt du 22 septembre 2016,  il avait considéré qu’il y avait un intérêt public à la fin du conflit fiscal avec les Etats-Unis sans escalade supplémentaire, ainsi qu’au maintien de la réputation de la Suisse en tant que partenaire (en particulier au vu des accords conclus entre la Suisse et les Etats-Unis). Il avait toutefois jugé que l’appréciation du caractère indispensable de la transmission à la sauvegarde d’un intérêt public prépondérant devait se faire au moment de la transmission envisagée, à savoir au moment de la décision judiciaire si le tiers concerné avait saisi les tribunaux. Sur cette base, le TF avait confirmé le blocage.

Dans le cas d’espèce, la banque argumentait qu’une non-communication pouvait représenter, aux yeux du DoJ, une violation particulièrement grave des obligations qui lui incombent dans le cadre du NPA, et lui ferait courir le risque d’une révocation de l’accord et d’une action dirigée contre elle. Ce risque serait en l’espèce, s’agissant d’un ancien directeur, plus élevé que s’agissant de la non-livraison de données relatives à des employés moins importants.

Selon le TF, la banque n’a toutefois pas établi les conséquences concrètes qu’aurait une action des autorités américaines dirigée contre elle. Le TF a par ailleurs considéré que l’argument de l’intérêt public, lié à la mise en péril de l’existence d’une grande banque telle qu’UBS, ne pouvait pas être transposé tel quel à n’importe quelle banque plus petite. Il a à nouveau laissé ouverte la question de savoir si l’intérêt privé de la banque au maintien de son existence pouvait être indirectement protégé par l’intérêt public.

Il a ensuite confirmé l’appréciation de l’instance inférieure, selon laquelle la gravité de la situation pour une banque pouvait notamment s’évaluer au regard des montants d’amende payés selon le NPA. Or, en l’espèce, 30 instituts devaient s’acquitter de montants supérieurs à ceux de la banque. Le TF a également relevé que la non-transmission du nom de l’ex-directeur n’empêchera pas la transmission des autres données relatives aux clients américains concernés (N.D.A. : en suivant les voies juridiques appropriées).

Selon le TF, l’instance cantonale n’a par ailleurs pas excédé son pouvoir d’appréciation (art. 4 CC), dans la pesée des intérêts requise pour l’application de l’art. 6 al. 2 LPD. Elle a, en particulier, évalué les désavantages liés à une communication des données personnelles. Or, la transmission pourrait avoir des conséquences désagréables (« Unangenehmlichkeiten ») pour l’employé, difficilement prévisibles, découlant de la protection insuffisante des données aux Etats-Unis (« angesichts des ungenügenden Datenschutzes » ; l’art. 6 al. 1 LPD se réfère lui à l’absence « d’une législation assurant un niveau de protection adéquat »).

Sur cette base, le TF a confirmé que les données relatives à l’ex-directeur ne pouvaient pas être transmises.

Commentaires

Le TF a ainsi eu l’occasion de confirmer à son tour, sans surprise, le blocage de données d’employés.

L’analyse du TF n’a pas porté sur la question de savoir si la communication  était indispensable « à la constatation, l’exercice ou la défense d’un droit en justice » selon  l’art. 6 al. 2 let. d in fine LPD. On relève que l’art. 6 al. 1 let. c ch. 2 de l’avant-projet de LPD vise à résoudre certaines discussions quant à la portée des termes « en justice », en autorisant la communication transfrontière si elle est en l’espèce indispensable « à la constatation, à l’exercice ou à la défense d’un droit devant une autorité administrative ou judiciaire ».

Enfin, la bataille du caviardage se poursuit dans le cadre de l’entraide administrative (CDI CH-US), le TF venant de reconnaître, dans un arrêt 2C_792/2016 du 23 août 2017 (non encore publié, confirmant  un arrêt du TAF), la qualité pour agir aux employés de banque demandant le caviardage de leurs données à l’AFC.