Contentieux fiscal US
Qualité de partie de l’employé de banque dans la procédure d’entraide fiscale
Laurent Hirsch
Le Tribunal fédéral a confirmé dans un arrêt du 23 août 2017 (ATF 143 II 506) un arrêt du Tribunal administratif fédéral admettant la qualité de partie d’un ancien employé de banque dans la procédure d’entraide en matière fiscale, dans la mesure où il était prévu de transmettre aux Etats-Unis des documents mentionnant le nom de cet ancien employé.
L’ancien employé de banque était intervenu auprès de l’Administration fédérale des contributions le jour-même où la banque remettait sous scellés des documents non caviardés à l’Administration fédérale des contributions (la banque avait envoyé dans un premier temps des documents dans lesquels les données de son ancien employé étaient caviardées, conformément à une ordonnance de mesures provisionnelles rendue plusieurs mois auparavant dans le cadre du US program). L’Administration fédérale des contributions avait cependant considéré irrecevables les conclusions de l’ancien employé, considérant qu’il n’avait pas la qualité de partie.
L’employé ayant obtenu gain de cause auprès du Tribunal administratif fédéral, l’Administration fédérale des contributions a recouru auprès du Tribunal fédéral, lequel est entré en matière (alors que le recours en matière de droit public n’est en principe pas recevable en matière d’assistance administrative en matière fiscale, selon l’article 84a LTF), considérant qu’il s’agissait bien en l’espèce d’une question juridique de principe.
Le Tribunal fédéral explique très clairement les motifs de sa décision (considérant 5.2) et c’est assez sèchement qu’il rejette les arguments de l’Administration fédérale des contributions.
En termes juridiques, le Tribunal fédéral expose que la question est celle de l’intérêt digne de protection (selon l’article 48 PA) qui détermine si la qualité de partie doit être reconnue à l’employé. Dans la mesure où les noms des employés de banque doivent en principe être caviardés, conformément à l’article 4 al. 3 LAAF (loi fédérale sur l’assistance administrative internationale en matière fiscale, voir par exemple ATF 142 II 161 considérant 4.1, dans lequel les noms des employés de banque avaient été caviardés, sans que cela ait été litigieux dans ce cas-là), le Tribunal fédéral constate que l’employé peut logiquement faire valoir un intérêt digne de protection si ces données ne sont pas caviardées, et qu’il doit donc également pouvoir recourir.
Le Tribunal fédéral ajoute que c’est également sous l’angle de la protection des données que l’employé peut faire valoir un intérêt digne de protection à faire vérifier la conformité à la LPD de la communication de ses données personnelles.
Dans le cas particulier, le Tribunal fédéral relève encore que le fait que l’ancien employé ait obtenu des mesures provisionnelles devant le juge civil ne lie pas l’Administration fédérale des contributions sur le fond, mais impose à tout le moins de reconnaître à l’employé un intérêt digne de protection « à pouvoir saisir les motifs pour lesquels l’Administration fédérale adopte une position contraire et estime que les mêmes données n’ont pas à être caviardées » (considérant 5.2.3).
Finalement, le Tribunal fédéral relève que l’affirmation de l’Administration fédérale des contributions que l’ancien employé « n’est pas un tiers qui n’a manifestement rien à voir avec les agissements faisant l’objet de la demande d’assistance administrative … » (considérant 5.2.4) suffit à démontrer que l’ancien employé dispose d’un intérêt digne de protection et doit se voir reconnaître la qualité de partie.
Le Tribunal fédéral note encore que l’opposition de l’ancien employé ne devrait pas trop entraver la remise d’informations aux Etats-Unis, dans la mesure où l’administration pourrait déjà transmettre les renseignements avec les noms caviardés.
Sur l’essentiel, le Tribunal fédéral précise clairement que le caviardage est la règle et impose ainsi à l’Administration fédérale des contributions une justification d’une implication particulière de l’employé (le nom de l’employé apparaissant vraisemblablement pertinent et sa remise proportionnée) si elle souhaite transmettre des données non caviardées aux Etats-Unis (considérant 5.2.1 in fine).
Le Tribunal fédéral semble favoriser une certaine cohérence entre la position des employés dans la procédure d’entraide en matière fiscale et dans la transmission par les banques dans le cadre du US program (voir en dernier lieu le commentaire d’Alexandre Richa).
On notera que l’employé était représenté par Me Douglas Hornung, qui avait d’emblée exprimé un point de vue favorable aux employés dans ce genre d’affaires. Quoi qu’on ait pu en penser à l’époque, force est de constater que le Tribunal fédéral lui a déjà donné très largement raison.
Finalement, au-delà de l’analyse juridique sous l’angle du droit suisse, la question pratique pourrait être de savoir si les Etats-Unis se contenteront de ce qu’ils reçoivent ou s’ils entendent insister pour recevoir plus d’informations concernant les employés et ex-employés.