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Terra (LUNA)

Blockchain publique (Terra) open source et cryptomonnaie native (le LUNA) fondées en 2018 par Daniel Shin et Do Kwon, via la société Terraform Labs, une société de capitaux basée en Corée du Sud, qui s’effondra en mai 2022. Le développement du protocole Terra était coordonné par la Luna Foundation Guard, entité basée à Singapour. Ce protocole permettait le déploiement de smart contracts via le mécanisme de consensus de la preuve d’enjeu déléguée (DPoS), ce avec l’annonce d’une scalabilité permettant de gérer 5’000 transactions par seconde. Suite à différentes levées de fonds successives, le projet avait récolté plus de 130 millions de dollars américains (USD), son mainnet ayant vu le jour le 23 avril 2019.

Le protocole Terra visait à être un réseau de création de stablecoins décentralisés et à mécanismes de stabilisation algorithmiques (voir l’entrée « stablecoin »), par ailleurs indexés sur des monnaies fiat et sensés être garantis par un système de double pool, l’un constitué par le stablecoin concerné et l’autre par des LUNA. Une douzaine de ces stablecoins avait vu le jour, le plus connu étant le TerraUSD (UST), indexé sur l’USD (d’autres ayant donc été créés comme le TerraKRW, indexé sur le Won coréen, et même un TerraCHF, indexé sur le franc suisse).

La cryptomonnaie native de Terra, le LUNA, servait en outre autant en tant que 1) moyen de paiement des commissions prélevées par l’utilisation de la chaîne, 2) actif collatéral pour la création de stablecoins, 3) jeton de gouvernance, voire 4) investissement en direct.

Du fait de l’utilisation du mécanisme de consensus de la preuve d’enjeu, la blockchain Terra utilisait 130 validateurs (les 130 plus gros détenteurs de LUNA pouvant prétendre à ce rôle), lesquels fonctionnaient également comme oracles pour la collecte d’information off-chain. L’écosystème Terra-LUNA comprenait en outre plus de 60 projets, dont des protocoles de prêts et des Automated Market Makers, voir finance décentralisée (DeFi).

En septembre 2021, Terraform Labs et son CEO, Do Kwon, furent assignés par la Securities and Exchange Commission (SEC) des Etats-Unis en relation avec l’un des projets construits sur Terra et appelé le Mirror Protocol. Ce projet visait à échanger des « actions synthétiques », soit des versions miroirs d’actions cotées au New York Stock Exchange (NYSE), dont par exemple les actions Apple, Airbnb, Amazon, Microsoft, Netflix ou encore Tesla, payables avec des TerraUSD.

Trois mois plus tard, soit en décembre 2021, Terraform Labs et de Do Kwon déposèrent une requête judiciaire dans laquelle ces derniers s’opposaient à leur coopération à l’enquête ouverte par la SEC au grief que l’assignation originale avait été faite oralement et donc irrégulièrement. Saisi de cette requête, et dans la mesure où l’enquête de la SEC devait notamment déterminer si les actions concernées seraient échangées avec une prime en dehors des marchés financiers régulés, un juge de district new-yorkais ordonna, le 17 février 2022, à Terraform Labs et à Do Kwon de se conformer scrupuleusement à l’enquête en cours.

Le 9 mai 2022 vit le début de ce qui allait devenir l’équivalent d’un bank run dans l’économie centralisée : une attaque sur le pool d’UST conduisit à un retrait de quelques 150 millions d’USD (contrevaleur d’UST) sur l’Automated Market Maker Curve Finance, de sorte que l’UST commença à se négocier légèrement en dessous de la parité du dollar (aux alentours de 0,94 USD). Il s’agissait toutefois là d’une situation normale, avant l’intervention de mécanismes de stabilisation (en l’occurence, ici, algorithmiques), lesquels incitèrent les utilisateurs à brûler des TerraUSD et à créer des LUNA – voir l’entrée TerraUSD (UST). Un effet mouton et des spéculateurs amenèrent l’UST à s’effondrer jusqu’à 0.63 USD dans la même journée. Après un rebond, le 11 mai, en partie grâce à l’injection à perte par la Luna Foundation Guard de près de 3 milliards de dollars en bitcoins, le de-peg (éloignement de la parité) continua inexorablement jusqu’à provoquer le bank run et la suspension de l’activité de la blockchain Terra, du LUNA et de tous les stablecoins liés, dont évidemment, l’UST.

A ce jour, certains enquêteurs estiment qu’un wallet interne à la Luna Foundation Guard ou à Terraform Lab serait responsable de l’effondrement de tout l’écosystème.

Depierre/Lapinte/Morin/Reymond, Lexique de la blockchain, https://cdbf.ch/lexique/terra/, 1 février 2024.
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