Cryptoactifs et lutte contre le blanchiment d’argent

Jeremy Bacharach
Le cadre juridique de la lutte contre le blanchiment a été édifié sur la base d’une poignée de postulats. Parmi ceux-ci, le plus important est sans doute l’existence d’institutions financières – en particulier, des banques – qui assument un rôle d’intermédiaire au sein de la grande majorité des opérations financières. Depuis la fin du XXe siècle, les législateurs du monde entier ont ainsi imposé à ces institutions l’obligation de procéder à une surveillance des flux financiers transitant par leurs livres, avec la charge de détecter les transactions liées à des activités criminelles et terroristes. Ainsi naquit la lutte contre le blanchiment.
Le postulat au cœur de la lutte contre le blanchiment n’a jamais été absolu. L’argent liquide, les papiers-valeurs ou encore les pierres précieuses ont ainsi servi de longue date à effectuer des transactions financières sans passer par le système bancaire. On imaginait toutefois que ces actifs – ou bien leur contre-valeur en monnaie étatique – étaient voués à revenir, un jour ou l’autre, au sein du système financier, et que leur potentielle origine criminelle serait alors découverte et dénoncée.
A la fin des années 2000, une nouvelle catégorie d’instruments de paiement et d’investissement est toutefois apparue. Les cryptoactifs sont des actifs digitaux inscrits sur une blockchain, soit un registre électronique de transaction contrôlé de manière décentralisée par un nombre potentiellement illimité de personnes. Sur les base de cette technologie, les cryptoactifs présentent des caractéristiques qui les distinguant remarquablement des actifs traditionnels : ils permettent d’effectuer des transactions désintermédiées, sans transfert d’objets physiques, à distance, de manière transnationale, rapide et sécurisée. Par ailleurs, ils peuvent également être associées à des actifs financiers traditionnels. Plus qu’une nouvelle catégorie d’actifs, c’est l’émergence d’un système financier parallèle, basé sur la technologie blockchain, qui est désormais envisageable – et sérieusement envisagée. L’apparition de ces cryptoactifs remet en cause l’édifice de la lutte contre le blanchiment, fondé sur un système financier intermédié par des institutions financières.
Ma thèse examine la manière dont le cadre légal relatif à la lutte contre le blanchiment est affecté par l’apparition de ces nouveaux actifs et de leur écosystème. J’y aborde en particulier les questions suivantes :
- Comment le droit de la lutte contre le blanchiment s’applique-t-il aux cryptoactifs ?
- Quels sont les risques de blanchiment propres à ces nouveaux actifs ?
- Le cadre juridique actuel est-il approprié aux cryptoactifs ?
- Si tel n’est pas le cas, devrait-il être réformé ?