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Confiscation (art. 35 LFINMA)

Déductibilité des frais généraux

Un assujetti peut déduire ses frais généraux lors du calcul du gain confiscable (art. 35 LFINMA) ; tel est le principal enseignement de l’arrêt du Tribunal administratif fédéral B-6952/2016 du 3 avril 2018.

A l’été 2016, dans le sillage d’un important scandale financier, la FINMA constate des violations graves de la LBA au sein d’une banque zurichoise. L’autorité ordonne alors la confiscation de CHF 2’523’365.-, soit le gain brut généré par les relations bancaires illicites.

Le 9 novembre 2016, la banque recourt contre cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral. Elle allègue que les frais généraux liés aux relations d’affaires incriminées doivent être déduits. Ne pouvant chiffrer ces coûts avec exactitude, la banque détermine les frais moyens engendrés par chaque type de service sur la base de ses frais généraux totaux encourus lors de l’exercice 2015, et applique ces tarifs aux relations bancaires illicites. Elle estime ainsi le montant de ses frais déductibles à CHF 751’321.-.

A titre liminaire, le Tribunal administratif fédéral rappelle que la confiscation prononcée en vertu de l’art. 35 LFINMA ne revêt pas un caractère pénal. Une telle mesure vise uniquement à rétablir l’égalité entre assujettis, dans la mesure où les comportements illicites ne doivent procurer aucun avantage au détriment de la concurrence. S’il est reconnu par la doctrine et la jurisprudence que la confiscation du gain net répond à cet objectif, la déductibilité des frais généraux demeure contestée.

Dans le cadre de son analyse, le Tribunal administratif fédéral s’inspire de l’ATF 134 III 306, relatif à la gestion d’affaires sans mandat, dont il reprend l’essentiel de l’argumentation. Les juges estiment ainsi que des frais sont déductibles même s’ils n’ont pas été engagés spécifiquement en vue de l’acquisition d’un gain illicite ; l’existence d’un lien de connexité suffit. En effet, lorsqu’il alloue une partie de son capital et de ses ressources humaines à l’obtention d’un gain illicite, l’assujetti renonce à d’autres relations d’affaires lucratives. Il se justifie donc de traiter les salaires et autres coûts fixes y afférents comme des frais déductibles. Le Tribunal administratif fédéral estime que toute autre solution tendrait à favoriser un assujetti instituant une structure exclusivement destinée à l’obtention d’un gain illicite, ce qui ne peut être le but de l’art. 35 LFINMA.

Quant à la méthode de calcul des frais liés aux relations bancaires litigieuses, les juges la déclarent admissible. D’une part, un intermédiaire financier de grande taille et au volume de transactions important se heurte à l’impossibilité de déterminer le montant exact des frais liés à chaque relation bancaire. D’autre part, le chargé d’enquête nommé par la FINMA avait validé ces chiffres sans émettre la moindre réserve. L’art. 35 al. 3 LFINMA, autorisant l’autorité à estimer le gain confiscable, vise précisément à appréhender ce type de situations.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, le Tribunal administratif fédéral admet le recours de la banque et réduit le montant confiscable de CHF 751’321.-.

Cette décision apparaît essentiellement motivée par le principe d’égalité, dont les juges trouvent le fondement dans la ratio legis de l’art. 35 LFINMA, et qui avait été largement invoqué par la recourante. Le Tribunal administratif fédéral estime en effet que la banque ne doit pas être défavorisée par rapport aux intermédiaires financiers déployant des moyens exclusivement destinés à violer gravement le droit de la surveillance et par rapport aux petites sociétés, dont les frais généraux sont plus aisément déterminables. De surcroît, le choix effectué par la FINMA d’accepter la quotité du gain acquis mais de refuser le montant des frais y relatifs, alors que tous deux avaient été validés par le chargé d’enquête, apparaissait pour le moins contestable.

L’on soulignera que l’arrêt aménage une exception à la déductibilité des frais généraux lorsque l’assujetti ne mobilise pas l’entier de ses ressources, de sorte que l’acceptation de nouvelles relations bancaires ne se fait pas au détriment d’autres affaires potentielles. En effet, dans un tel cas de figure, l’assujetti aurait encouru les mêmes frais généraux en tout état de cause, sans possibilité d’obtenir un gain alternatif. L’on perçoit toutefois mal comment la FINMA parviendrait à le prouver, sauf à accuser les employés d’oisiveté sur leur lieu de travail.