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Assistance fiscale

Octroi de l'assistance administrative malgré un accord en cours de procédure

Une procédure d’assistance administrative suit son cours même si le contribuable transmet, spontanément ou sur la base d’un accord, des informations que l’autorité fiscale étrangère réclame à la Suisse. L’autorité requérante peut en effet maintenir sa demande sans violer le principe de la subsidiarité dès lors qu’elle a épuisé ses sources habituelles de renseignements au moment où elle formule sa requête. Le dépôt de la demande constitue aussi le point déterminant pour évaluer la pertinence des renseignements sollicités. C’est ce que nous enseigne le TF dans un arrêt du 16 avril 2018 destiné à la publication (2C_28/2017).

Cette décision s’inscrit dans une procédure d’assistance administrative que la Direction générale des finances publiques françaises initie auprès de l’AFC à l’été 2015. L’Etat requérant soupçonne alors une résidente britannique de séjourner en réalité en France et de dissimuler des revenus par l’intermédiaire d’une Société établie aux BVI, titulaire d’au moins un compte bancaire en Suisse.

Quelques mois après le dépôt de la requête d’assistance administrative, la contribuable concernée transmet à l’autorité française une « reconnaissance de revenus ». Elles concluent sur cette base un « Règlement d’ensemble » qui fixe une assiette d’imposition pour les années 2010 à 2013. La contribuable et la Société s’opposent par la suite à toute transmission de renseignements par l’AFC en indiquant que la procédure fiscale s’est soldée par un accord. L’autorité requérante n’est pas de cet avis : pour elle, le contrôle fiscal se poursuit encore.

Les arguments de la contribuable et de la Société ne convainquent pas l’AFC : l’autorité suisse décide d’octroyer l’assistance administrative le 1er avril 2016. Le TAF admet les recours contre ces décisions et retient une violation du principe de subsidiarité : l’Etat requérant n’aurait plus d’intérêt à recevoir les renseignements demandés par la voie de l’assistance administrative puisque, entre-temps, il les a obtenus directement de la contribuable. L’AFC soumet le cas au TF. L’éventuelle influence de l’intérêt des renseignements demandés sur le respect de la subsidiarité appelle une clarification de sa part et pose ainsi une « question juridique de principe » (art. 84a LTF).

Le TF distingue tout d’abord (i) le principe de la subsidiarité (ch. XI du Protocole additionnel à la CDI CH-FR) de (ii) la pertinence vraisemblable (art. 28 para. 1 CDI CH-FR). Le premier veut éviter que l’Etat requis supporte « la charge d’obtenir des renseignements qui seraient à la portée de l’Etat requérant en vertu de sa procédure fiscale interne ». La seconde « circonscri[t] l’assistance administrative aux seuls renseignements matériels qui sont vraisemblablement pertinents ». Il ne s’agit pas là des deux faces d’une même pièce : « ce n’est pas parce qu’une demande d’assistance administrative respecte le principe de la subsidiarité que les renseignements requis remplissent ipso facto la condition de la pertinence vraisemblable », et inversement. En l’espèce, l’autorité française a respecté le principe de la subsidiarité, puisque – au moment de formuler sa demande – « elle avait épuisé les moyens de collecte de renseignements prévus par la procédure fiscale interne et utilisables ».

Reste à examiner la condition de la pertinence vraisemblable, « clé de voûte de l’assistance administrative », « réputée réalisée si, au moment où la demande est formulée, il existe une possibilité raisonnable que les renseignements demandés se révéleront pertinents ». La pertinence vraisemblable peut, à titre exceptionnel, s’effacer en cours de procédure. En l’espèce néanmoins, la « reconnaissance de revenus » n’exclut pas l’existence d’autres comptes bancaires ou de valeurs mobilières. La contribuable ne peut pas non plus invoquer le principe de la bonne foi entre Etats pour se prévaloir d’un engagement que l’autorité fiscale étrangère aurait pris en sa faveur. La bonne foi « interne » peut certes être alléguée dans les relations avec l’Etat requérant, mais elle « ne regarde en principe pas l’Etat requis ». Le TF admet le recours de l’AFC et confirme l’octroi de l’assistance administrative.

Pour éviter que l’AFC n’ait à transmettre des informations, les contribuables étrangers ont intérêt à collaborer avec l’autorité étrangère avant que celle-ci ne formule une demande d’assistance administrative. Après, il est trop tard. Ils doivent savoir que les autorités suisses apprécient les conditions – distinctes – de la subsidiarité et de la pertinence vraisemblable au moment du dépôt de la requête.