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Réglementation financière

L’indice de réglementation financière GFRTCI : atouts et faiblesses

Le Global Financial Regulation, Transparency, and Compliance Index (GFRTCI) est un nouveau classement en matière de réglementation financière développé par une équipe du Swiss Finance Institute (SFI). Dans quelle mesure les pays adoptent-ils les standards internationaux en matière de réglementation financière ? Ces règles sont-elles mises en œuvre et respectées ? L’indice adresse ces deux questions en comparant 31 pays membres du Comité de Bâle et de l’OCDE. L’exercice comporte des atouts et des faiblesses.

Méthodologie

Le GFRTCI est un indice composite basé sur sept sources préexistantes. Il est structuré en trois parties :

1. Le « sous-indice A » se focalise sur la reprise de standards internationaux en matière de réglementation financière. Il s’appuie sur trois sources :

  • Les rapports du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire relatifs aux progrès dans la mise en œuvre de ses normes sur les fonds propres et la liquidité des banques.
  • Les évaluations du Forum mondial de l’OCDE sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales. Celles-ci renseignent sur la reprise des exigences de l’OCDE en matière d’échange de renseignements sur demande (c’est-à-dire sans échange automatique de renseignements).
  • Le classement sur le risque de blanchiment d’argent développé par le Basel Institute on Governance (Basel AML Index). Celui-ci est un indice composite basé sur 15 indicateurs pour mesurer la qualité du dispositif anti-blanchiment (sur la base des évaluations mutuelles du GAFI et de l’indice d’opacité financière de la Tax Justice Network, parmi d’autres), mais aussi les niveaux de corruption (Transparency International), la transparence des gouvernements et le respect de l’état de droit.

2. Le « sous-indice B » vise à mesurer des aspects spécifiques du « contexte politique et de l’application générale des réglementations ». Cette deuxième partie pondère les résultats de quatre classements élaborés par différentes organisations : l’indice de démocratie de l’Economist Intelligence Unit, l’indice de perception de la corruption de Transparency International et les indices de liberté d’entreprise et d’efficacité de la justice de la Heritage Foundation.

3. Enfin, l’indice global GFRTCI combine les sous-indices A et B.

Atouts et faiblesses

L’indice GFRTCI présent une série d’atouts. Il offre des réponses aux questions qui reviennent régulièrement dans le débat sur la réglementation des marchés financiers.  Les trois domaines (stabilité financière, lutte contre l’évasion fiscale et règles anti-blanchiment) dans lesquels les standards internationaux sont développés sont couverts. La méthodologie de l’indice est également claire et transparente. En particulier, un certain nombre de tests de robustesse montrent comment les résultats changent (ou non) en fonction de différentes pondérations.

Un certain nombre de points critiques ou de limitations sont toutefois à noter. Il y a un certain décalage entre le nom et l’objectif de l’indice et ce qui est effectivement mesuré. Le problème ciblé est pertinent : il faut compléter l’analyse de l’adoption des normes internationales (« law in the books ») avec leur mise en œuvre et application (« law in action »). Néanmoins, la réponse donnée ici est pour le moins insatisfaisante. Premièrement, le « sous-indice B » mesure la qualité de la gouvernance et l’environnement des affaires de manière générale. La valeur pour le débat sur les standards internationaux en matière de réglementation financière est limitée car aucune des sources ne concernent l’application du droit bancaire et financier en particulier. La considération de sources non officielles ouvre toute une série d’interrogations sur celles-ci. Par exemple, pourquoi privilégier les données générales de la Heritage Foundation ou sur la corruption de Transparency International plutôt que l’indice d’opacité financière de la Tax for Justice Network ? En résumé, la « sous-partie B » semble informer sur l’attractivité des pays comme cible d’investissement plutôt que sur la mise en œuvre et l’application des standards internationaux en matière de réglementation financière.

Le point fort de l’indice est à notre avis la synthèse qu’il offre par le biais du « sous-indice A ». À l’exception des règles anti-blanchiment, celui-ci est basé sur les évaluations organisées par les institutions responsables des standards internationaux. Un choix discutable est celui du Basel AML Index, qui est déjà un indice composite comprenant différentes sources et dimensions. Cette asymétrie pourrait être corrigée en remplaçant le Basel AML Index par les résultats des évaluations mutuelles du GAFI, qui ont des démarches comparables à celles du Comité de Bâle et du Forum mondial de l’OCDE. Les évaluations officielles peuvent aussi être critiquées, mais de cette manière le « sous-indice A » gagnerait en cohérence et éviterait le chevauchement avec certains enjeux capturés par le « sous-indice B ».

Mérites et questions ouvertes

Le GFRTCI a le mérite de poser de bonnes questions sur la réglementation financière et les normes internationales. La reprise, la mise en œuvre et l’application de standards internationaux sont certainement inégales d’un pays à l’autre. Toutefois des données comparables et spécifiques sur la mise en œuvre et l’application effective du droit bancaire et financier en particulier font toujours défaut. Le GFRTCI, par le biais de son « sous-indice A », a probablement atteint la limite du possible avec les données existantes. Aura-t-il un écho dans le débat politique suisse ? Quid de son impact à l’étranger ? D’autres questions importantes pour le débat politique, telles que l’existence d’une surrèglementation (par exemple, le Swiss Finish), restent également ouvertes.

Résultats et position de la Suisse

Quels sont les principaux résultats du GFRTCI ? En particulier, où se situe la Suisse par rapport aux autres places financières ? La Suisse occupe la première place de l’indice global. Elle est également classée en tête du « sous-indice A » et occupe la sixième place dans le « sous-indice B ». La Suisse se trouve bien devant d’autres places financières, comme les Etats-Unis (29ème), le Royaume-Uni (18ème) et le Luxembourg (25ème). Hong Kong et Singapour ne sont pas inclus dans l’étude car ils ne sont pas membres de l’OCDE. Les responsables politiques de la place financière suisse seront certainement et à juste titre satisfaits de ce résultat. Pas de surprise vu la provenance de l’étude ? Une telle critique serait prématurée sans évaluer les forces et les faiblesses de l’exercice.