Développement durable
Le Conseil fédéral et l’ASB prennent position sur la finance durable

Hristina Stoyanova
Le Conseil fédéral a publié, le 26 juin 2020, un rapport et des lignes directrices portant sur le développement durable dans le secteur financier suisse. Notre gouvernement fixe comme objectif de rendre notre place financière « l’un des principaux centres mondiaux de services financiers durables ». Selon ce rapport, la finance durable consiste en la prise en considération, par les acteurs des marchés financiers, des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Cela implique un accroissement de la transparence quant au choix de ces critères, des normes élevées en matière de reporting et la gestion appropriée des risques au niveau des produits (rapport, p. 27).
Le 4 juin 2020, l’Association suisse des banquiers (ASB) a, pour sa part, publié un Guide portant sur l’intégration des critères ESG dans le processus de conseil auprès des clients privés. Ce Guide s’articule autour de six principes fondamentaux, à savoir (1) déterminer les attentes du client quant aux placements ESG et les documenter dans le processus de conseil ; (2) présenter une vue d’ensemble adéquate des facteurs ESG ; (3) décrire la palette des solutions de placement ESG ; (4) faire coïncider les caractéristiques des solutions ESG et les attentes du client ; (5) développer des solutions de placement ESG conformes aux attentes du client ; et (6) fournir les services avec diligence et transparence.
Le Guide de l’ASB recommande dans un premier temps aux prestataires de services financiers de déterminer et documenter les attentes ESG des clients, ainsi que de les présenter d’une manière adéquate. Dans un deuxième temps, il préconise l’intégration des facteurs ESG dans le processus de conseil, chose qui n’est, à l’heure actuelle, pas prévue par la loi. L’entrée en force d’ici le 1er janvier 2021 de l’art. 12 LSFin aura pour conséquence que les prestataires de services financiers devront procéder à un test d’adéquation (suitability test) avant de fournir un conseil en placement ou des services de gestion de fortune auprès de clients privés. Ce test impliquera de se renseigner sur la situation financière et les objectifs de placement du client, ainsi que sur ses connaissances et son expérience en matière d’instruments financiers. La prise en compte des préférences ESG des clients n’étant pas envisagée, les recommandations formulées par l’ASB vont au-delà des futures exigences légales.
Le Guide s’inscrit par ailleurs dans la lignée des derniers développements législatifs en droit de l’UE, et plus particulièrement du point 4 du Plan d’action de la Commission européenne. Ce dernier prévoit la modification du test d’adéquation figurant dans la Directive MiFID II, en obligeant les prestataires à se renseigner de manière systématique sur les préférences ESG des clients dans le cadre d’un conseil en investissement ou d’une gestion de portefeuille. Les lignes directrices de l’ASB poursuivent ainsi, à tout le moins en partie, un objectif de faciliter l’accès au marché européen des acteurs suisses dont les pratiques se voient alignées à celles de leurs homologues européens.
Les travaux de la Commission européenne portent également sur la création d’une taxonomie verte. Le 9 mars 2020, le Groupe d’experts techniques (TEG) a publié son rapport final sur la création d’un système de classification unique permettant d’identifier les activités économiques durables. La taxonomie liste six objectifs, applicables dans 70 activités économiques différentes, à savoir (1) l’atténuation du changement climatique ; (2) l’adaptation au changement climatique ; (3) la protection de l’eau et des ressources marines ; (4) la transition vers l’économie circulaire ; (5) le contrôle et la prévention de la pollution ; et (6) la restauration et la protection de la biodiversité et des écosystèmes. Une activité économique est durable si elle contribue à au moins un des six objectifs et ne nuit pas d’une manière significative aux autres. Le terme significatif n’étant pas défini, nous discernons déjà aisément certains problèmes que le champ d’application de la durabilité posera.
Le Guide de l’ASB ne contient pas une telle liste. Les acteurs suisses seraient ainsi amenés à déterminer s’il s’agit d’une activité durable sans pouvoir s’appuyer sur une taxonomie. Ils pourraient s’inspirer de la classification européenne.
Une modification des règles relatives à la transparence et aux obligations de diligence est également proposée. Selon le Guide, l’exécution optimale (best execution) des ordres des clients devrait tenir compte des préférences ESG dès lors que le client a exprimé de telles préférences dans le cadre de l’évaluation par la banque de ses potentielles restrictions de placement.
Enfin, l’ASB propose des modifications au niveau des règles de comportement. En vertu de l’art. 8 al. 1 let. d LSFin, dont l’entrée en force interviendra d’ici au 1er janvier 2022, le prestataire de services financiers doit mentionner les risques généraux liés aux instruments financiers. Le Guide de l’ASB recommande d’élargir cette obligation en intégrant les risques ESG liés aux instruments financiers dès lors qu’ils ont un effet sur les risques financiers inhérents à un placement particulier.
Outre l’ASB, la SSF et la SFAMA travaillent également à l’élaboration de recommandations destinées à intégrer les critères de développement durable dans le processus d’investissement, non seulement au niveau de l’entreprise, mais aussi au niveau des produits (cf. commentaire de Vaïk Muller, à paraître). Toutes ces initiatives démontrent la volonté de la Suisse d’apporter une contribution au développement durable, tout en améliorant la compétitivité de notre place financière dans un marché en pleine évolution pour lequel les investisseurs manifestent un intérêt de plus en plus marqué.