Criminalité économique
Les scellés sont levés sur un rapport de la FINMA

Katia Villard
Dans le cadre de son instruction contre une banque, le Ministère public peut utiliser un rapport de la FINMA effectué lors d’une procédure d’enforcement contre l’établissement financier. Le Tribunal fédéral rejette ainsi le recours de la banque qui, dans le cadre d’une procédure de mise sous scellés, s’opposait à la levée de ceux-ci sur le document du régulateur (TF, 1B_59/2020 du 19 juin 2020, non destiné à la publication). Pour mémoire, une telle procédure vise à soustraire à la connaissance des autorités de poursuite pénale des moyens de preuve inexploitables en raison d’un droit de refuser de déposer ou de témoigner (art. 248 CPP).
Le Ministère public genevois mène depuis plusieurs années une procédure pénale contre une banque pour blanchiment d’argent (art. 305bis cum art. 102 CP), dans le contexte de diverses malversations commises par l’un de ses collaborateurs contre des clients de l’établissement.
En septembre 2018, la FINMA, dans un communiqué de presse, révèle la clôture d’une procédure d’enforcement à l’encontre de la banque pour divers manquements dans le dispositif de lutte anti-blanchiment en lien avec une relation d’affaires qui était précisément gérée par l’employé indélicat.
Le Ministère public obtient de la FINMA une copie de son rapport d’enquête. Suite à une requête de la banque, il met le rapport sous scellés. Le Tribunal des mesures de contrainte fait droit à sa demande de levée des scellés. La banque porte, sans succès, l’affaire au Tribunal fédéral, invoquant notamment le secret des affaires et le principe nemo tenetur se ipsum accusare (droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination).
Le premier grief est – sans surprise – rejeté en deux phrases par les juges fédéraux : le secret des affaires ne prime pas la recherche de la vérité (cf. art. 173 al. 2 CPP) ; au besoin les données sensibles peuvent être caviardées, voire soustraites à la connaissance des parties plaignantes (cf. art. 102 et 108 CPP).
Le deuxième grief porte sur une question centrale notamment en matière de criminalité financière : le principe nemo tenetur s’oppose-t-il à l’exploitation, par les autorités pénales, d’informations que le prévenu a fournies en vertu d’une obligation de collaborer (par exemple fondée sur le droit administratif) ?
En l’espèce, la banque faisait valoir que, dans le cadre de la procédure d’enforcement, elle avait dû produire des documents à la FINMA sous menace de sanctions pénales (cf. art. 29, art. 45 et art. 48 LFINMA).
Le Tribunal fédéral lui rétorque qu’elle n’indique pas en quoi l’établissement du rapport de la FINMA résulterait – cas échéant exclusivement – des pièces fournies sous la contrainte.
Dès lors, la violation du principe nemo tenetur n’apparait pas manifeste. Or, de jurisprudence constante, la question de l’exploitabilité d’un moyen de preuve appartient au juge du fond, « autorité dont il peut être attendu qu’elle soit en mesure de faire la distinction entre les moyens de preuve licites et ceux qui ne le seraient pas, puis de fonder son appréciation en conséquence » (p. ex. ATF 141 IV 284). Au stade des scellés, seuls les documents manifestement inexploitables seront ainsi soustraits à la connaissance des autorités pénales.
À partir du moment où l’on admet la prémisse – qui ne nous semble cela étant pas aller de soi – de la capacité d’occultation du juge, la décision du Tribunal fédéral n’est pas surprenante. La problématique n’ayant pas encore été clairement tranchée, l’inexploitabilité du rapport n’est pas évidente.
Au vu de l’incertitude actuelle, reste à espérer que le Tribunal fédéral soit prochainement saisi de la question et rende une décision de principe dotée de lignes directrices généralisables. À terme, on peut légitimement se demander si le législateur ne devrait pas prendre le problème à bras-le-corps.