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Fonds propres supplémentaires

Pratique de la FINMA et pouvoir de cognition du juge

Dans un arrêt du 30 mars 2023 (B-4004_2021), le Tribunal administratif fédéral (TAF) a estimé que les exigences de fonds propres supplémentaires imposées par la FINMA à PostFinance SA (PostFinance) sur la base de l’art. 131b cum 45 let. b de l’Ordonnance sur les fonds propres (OFR) et sa pratique établie dans la Circulaire FINMA 2019/2 « Risques de taux – banques » (la Circulaire) pour faire face au risque de hausse des taux étaient conformes au droit. Cet arrêt fait suite à une précédente décision du Tribunal fédéral (TF) qui avait renvoyé l’affaire à l’autorité de première instance pour nouvelle décision prise conformément à l’art. 9 al. 1 lit. b LFINMA. La décision initiale visant PostFinance avait en effet été rendue par la direction de la FINMA, qui, de l’avis du TF, n’était pas compétente, une décision relative aux fonds propres étant une « affaires de grande portée » de la compétence du Conseil d’administration de la FINMA (cf. cdbf.ch/1042/).

Dans cet arrêt relativement fourni et technique, PostFinance a fait valoir différents arguments au nombre desquels les suivants méritent d’être relevés :

  1. La FINMA n’a pas démontré que PostFinance était un établissement « hors norme » au sens du chiffre I de l’Annexe 1 de la Circulaire, soit en particulier un établissement présentant potentiellement des risques de taux d’un niveau inapproprié dans le portefeuille bancaire (permettant à la FINMA d’exiger des fonds propres supplémentaires en raison de la structure/gestion du risque de taux réputée particulièrement élevée) faute d’avoir été classée dans une catégorie adéquate, la catégorie des « banques de détail » n’étant selon PostFinance pas adéquate au regard de la structure de son bilan.
  2. La FINMA ne s’est pas basée sur la situation concrète de PostFinance en procédant à une évaluation « au cas par cas » conformément au chiffre II de l’Annexe 1 de la Circulaire, mais a, au contraire, fixé arbitrairement les taux sans démontrer en quoi les mesures empiriques de PostFinance, au demeurant non contestées par les auditeurs prudentiels, étaient impropres à couvrir les risques de l’établissement.
  3. La FINMA a violé le principe de légalité. Selon PostFinance, ni le libellé de l’art. 45 OFR, ni aucune autre disposition du droit suisse ne permettaient à la FINMA de prescrire un taux d’intérêt fixe déterminé par le droit de la surveillance pour mesurer les « risques encourus ».

Le TAF rejette un à un les arguments de PostFinance en relevant que :

  1. L’identification des établissements « hors normes » décrit dans la Circulaire est conforme aux standards internationaux et les critères selon lesquels PostFinance a été classée dans le groupe « banques de détail » résulte de la décision attaquée, à défaut d’être mentionné dans l’Annexe 1 de la Circulaire. Les critères utilisés par la FINMA sont des critères objectifs respectant l’égalité de traitement entre les établissements bancaires, et de surcroît PostFinance ne fait pas valoir en quoi une affectation à un autre groupe serait plus appropriée (par exemple « banques de gestion de fortune »).
  2. Le TAF souligne que la FINMA ne saurait se baser exclusivement sur des mesures internes à la banque considérée, mais qu’au contraire l’Autorité de surveillance doit pouvoir valider les mesures internes par une appréciation objective basée sur des hypothèses d’autres établissements et des facteurs de marché, dans le but de pouvoir procéder à une comparaison objective. À cet égard, le TAF souligne que la fixation par la FINMA de taux d’intérêts standardisés permet d’atténuer les risques résultant des modèles et mesures internes aux banques en raison de la nature externe des exigences imposées par la FINMA et de contribuer à renforcer la capacité des banques à supporter des pertes en présence d’événements imprévisibles. Le TAF rejette aussi le caractère arbitraire de la décision de la FINMA en rappelant au passage que l’autorité de recours peut restreindre son libre pouvoir de cognition si la nature de l’affaire le justifie ou l’impose. Tel est généralement le cas lorsque l’application du droit requiert des connaissances techniques particulières dont dispose l’autorité qui a statué (en l’occurrence la FINMA), dès lors que cette autorité a examiné et pris en compte les éléments essentiels du cas. Le TAF rappelle que la FINMA doit disposer d’une certaine marge d’appréciation technique pour ce qui a trait à la détermination des « risques encourus » et la question de savoir si les fonds propres existants garantissent ou non « une sécurité suffisante », qui n’exclut pas la fixation d’une durée des taux à des fins prudentielles (cf. TAF B-19/2012).
  3. Le TAF, contre l’avis de PostFinance, estime que l’art. 45 let. b OFR constitue une base légale suffisante fondée sur une loi au sens formel (art. 4 al. 3 LB). L’approche multicritères suivie par la FINMA, la nécessité de modéliser les risques et donc de délimiter des durées de taux dans ce cadre, ainsi que le nécessaire besoin d’une marge d’appréciation en raison du caractère technique de la réglementation et de l’évolution de l’environnement réglementaire international requièrent une certaine latitude à laquelle contribue une norme générale et abstraite comme l’art. 45 let. b OFR.

En conclusion, la décision du TAF rappelle l’important pouvoir d’appréciation de la FINMA et les limites de l’examen sous l’angle de l’arbitraire en présence de normes techniques. La décision du TAF souligne également que le cadre réglementaire suisse est conforme aux normes internationales, lesquelles ont un caractère non-contraignant (soft law) sauf transposition en droit interne, lequel peut poser des exigences plus élevées.