Aller au contenu principal

Règles de comportement selon la LSFin

La FINMA ouvre une audition sur la nouvelle circulaire

La FINMA a publié un projet de nouvelle circulaire « règles de comportement selon la LSFin et l’OSFin ». Ce projet vise à renforcer la sécurité juridique, deux ans après la fin du délai transitoire qui a suivi l’entrée en vigueur de ces normes et le premier cycle d’audit prudentiel sur ce sujet. Dans l’ensemble, il s’agit d’un projet relativement modeste. Plutôt que d’étendre le champ d’application ou offrir un commentaire général, il a vocation à clarifier le champ d’application sur des questions ponctuelles. Toutefois, sur certaines questions, il faut craindre un effet de bord.

Sur la question de la délimitation entre corporate finance et service financier (art. 3 al. 3 let. a OSFin), le projet propose de qualifier les services selon le but poursuivi par le client : si le client a recours à des prestations principalement soit à des fins industrielles, stratégiques ou entrepreneuriales, il s’agit de services de corporate finance. Au contraire, si la prestation est fournie à des fins de placement ou de couverture, il s’agit de services financiers (Cm 3). Toutefois, le Rapport explicatif sème le doute puisqu’il suggère plutôt de considérer s’il s’agit d’un particulier ou d’une entreprise puis, dans le second cas, de distinguer les motifs qui poussent le client à agir. A mon sens, ces clarifications posent plus de problèmes qu’elles n’en résolvent : premièrement, elles méconnaissent le fait que des particuliers peuvent également être mus par des objectifs entrepreneuriaux et, par exemple, chercher à acquérir une entreprise pour la développer. Il nous semble erroné de considérer que, dans un scénario de succession d’entreprises, la LSFin s’applique aux conseillers du vendeur, qui cherche à réaliser son investissement et financer sa retraite. Encore, plus absurde, selon le raisonnement de la FINMA, les services rendus aux sociétés de private equity pourraient être qualifiés de prestations de service financier, car ces acteurs sont par définition des fonds qui visent à investir dans les marchés privés. Il nous semble en effet préférable de déterminer si la prestation se rapporte à la finance d’entreprise, la corporate finance, par opposition aux services d’investissement.

En matière de devoir d’information (art. 8 LSFin), le projet de circulaire demande aux conseillers en placement de préciser s’ils offrent un conseil pour le portefeuille ou un conseil purement transactionnel et le documenter (Cm 4). De plus, il pose des attentes précises concernant les risques liés aux contrats sur la différence (CFD) en leur demandant, non seulement d’informer les clients des risques liés à l’effet de levier, le mode de fonctionnement de la marge ou le risque de contrepartie, le risque de marché et l’écart d’exécution (slippage), mais aussi de publier la part des clients qui perdent de l’argent et qui doivent réinvestir des fonds (Cm 5 à 8). Le projet, s’inspirant du droit européen, instaure ainsi une règlementation particulière de ce type d’instruments financiers qui n’avait pas été prévue ou envisagée lors de l’adoption de la LSFin, qui au contraire entendait créer des conditions cadre harmonisées pour tous les instruments financiers.

Par ailleurs, le projet entend renforcer l’information relative au risque de concentration dans le cadre du conseil en placement sur le portefeuille ou la gestion de fortune, lorsque des indices d’une concentration inhabituelle surviennent que ce soit en raison d’une exposition à un produit déterminé (seuil à 10 %) ou à un émetteur (seuil à 20 %) (Cm 9 à 11). A raison, le projet ne s’applique pas en lien avec les placements collectifs de capitaux (Cm 12).

Dans le contexte de la vérification de l’adéquation ou du caractère approprié (art. 11 et 12 LSFin) d’un conseil en placement ou de la gestion de fortune, le projet de circulaire précise que le gestionnaire doit s’assurer que le client dispose des connaissances et de l’expérience en lien avec chaque catégories de placement en précisant que l’information doit être adaptée à la complexité et au profil de risque des placements susceptibles d’être utilisés (Cm 14). En ce sens, la FINMA va plus loin que la LSFin qui précisait que l’information doit se rapporter au service financier (art. 12 LSFin).

Le projet de circulaire entend également clarifier dans le domaine des conflits d’intérêts (art. 25 LSFin) le régime applicable à la prise en considération des instruments financiers du prestataire de service financier dans le cadre de son offre. Elle admet que ce dernier se limite à ne prendre en considération que ses propres instruments, mais exige dans ce cas que le client soit informé du risque y relatif (Cm 24). Lorsque le prestataire envisage un univers d’investissements plus large, la circulaire rappelle qu’il convient de prendre des mesures afin d’éviter les conflits d’intérêts en particulier par un processus de sélection fondé sur des critères objectifs en usage dans la branche (Cm 25), sans préciser si la FINMA considère que ces mesures suffisent à exclure le risque ou si une information reste nécessaire.

Enfin, la FINMA intervient également dans le contexte controversé des rétrocessions (art. 26 LSFin) : le projet précise que si le montant des rétrocessions (et autres rémunérations de tiers) n’est pas connu avant de fournir le service financier ou conclure le contrat, le prestataire doit communiquer une fourchette concernant les rémunérations compte tenu de différentes catégories de placement (Cm 28) et, d’autre part, dans le contexte de la gestion de fortune ou du conseil en placement pour le portefeuille, en fonction de la valeur du portefeuille (Cm 29). De ce fait, la FINMA va au-delà des exigences de la LSFin et reprend la jurisprudence développée par les tribunaux civils en application de l’art. 400 CO après l’adoption de la LSFin (voir TF 4A_355/2019 du 13 mai 2020, ou encore par exemple : TF 4A_496/2023 du 27 février 2024, résumé in : Fischer, cdbf.ch/1338/).

En raison des limites de la compétence de la FINMA, ce projet de circulaire n’a vocation à s’appliquer qu’aux assujettis soumis à la surveillance de la FINMA ou d’une OS et non aux autres prestataires de services financiers, notamment les acteurs qui se livreraient exclusivement à la vente de produits financiers ou au conseil en placement, ou encore aux prestataires de services financiers qui se limitent à une activité transfrontière, et n’exercent pas une activité soumise à autorisation (voir art. 58 al. 1 LEFin et art. 2 al. 1 OBE-FINMA). Il faut toutefois s’attendre à ce que les autorités pénales, seules compétentes pour s’assurer que ces acteurs respectent leurs devoirs s’en inspireront.