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Stablecoins

La FINMA clarifie sa pratique

Le 26 juillet 2024, la FINMA a publié la communication sur la surveillance 06/2024 sur les stablecoins. Cette communication porte sur la catégorisation juridique des stablecoins, l’application du dispositif de lutte contre le blanchiment d’argent, la pratique de la FINMA en matière de garantie du risque de défaillance et les risques afférents. Cette communication, qui ne contient pas véritablement de nouveauté, constitue néanmoins un compendium utile de la pratique de l’Autorité développée depuis la publication du Complément au guide pratique pour les questions d’assujettissement concernant les initial coin offerings (ICO) du 11 septembre 2019.

Classification des stablecoins

La FINMA rappelle que la relation entre les détenteurs des jetons et l’émetteur peut être soit qualifiée de dépôt au sens du droit bancaire (art. 5 al. 1 OB) soit de placement collectif de capitaux au sens de la LPCC (art. 7 LPCC). La distinction entre ces deux qualifications dépend en substance de la partie supportant le risque sur les actifs auxquels le stablecoin est rattaché. Si ces actifs sont gérés aux frais et aux risques du détenteur du stablecoin, l’émetteur tend à être un placement collectif, alors que si les frais et risques sont à la charge de l’émetteur, la figure du dépôt doit plutôt s’imposer.

Lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme

Les règles de la LBA s’appliquent généralement aux stablecoins, en particulier lorsque ces derniers sont qualifiés de dépôts. La FINMA souligne, en accord avec le GAFI, les risques accrus en la matière, y compris de contournement des sanctions, et la nécessité d’appliquer les mécanismes d’identification des détenteurs des jetons et de leurs ayants droit économiques soit directement par l’émetteur en sa qualité d’intermédiaire financier affilié à un OAR, soit par l’entremise d’un autre intermédiaire financier conformément à la LBA. La FINMA rappelle ainsi l’interdiction des transferts anonymes. Les stablecoins fondés sur les protocoles Zero-knowledge permettant l’anonymat devrait donc être prohibés.

Exigences en matière de garantie bancaire et risques

L’intérêt de recourir à une garantie du risque de défaillance émise par une banque (garantie) est de permettre à l’émetteur d’un stablecoin de bénéficier de l’exception prévue par l’art. 5 al. 3 let. f OB et d’éviter ainsi la qualification de dépôt bancaire pour les actifs attachés au stablecoin.

La FINMA a défini cinq conditions minimales visant à encadrer l’exception de l’OB dans le but de protéger les déposants et applique ces conditions aux garanties émises en lien avec des stablecoins sur la base du principe de neutralité technologique :

  1. En cas de faillite de l’émetteur, chaque client doit disposer d’une prétention propre envers la banque qu’il doit pouvoir faire valoir au plus tard au moment de l’ouverture de la faillite de l’émetteur ; en outre les clients doivent être informés de la garantie.
  2. La garantie doit couvrir a minima la somme de l’ensemble des dépôts du public, intérêts compris.
  3. La somme des dépôts comptabilisés pour l’exigence de couverture ne doit jamais dépasser la limite supérieure de la garantie.
  4. Les dispositions formelles et matérielles de la garantie ne doivent pas être conçues de sorte à entraver la possibilité pour un déposant de demander un remboursement rapide et sans complication.
  5. Les réclamations et les exceptions de la banque sont autorisées dans les limites prévues par la loi.

La FINMA rappelle à juste titre que si ces exigences augmentent la protection des déposants, elles ne sauraient être comparables au niveau de protection attaché à une autorisation bancaire. En particulier, les déposants ne bénéficiant, entre autres, ni de la protection des dépôts au sens de l’art. 37a LB ni de l’étendue d’une surveillance prudentielle pleine et entière, l’affiliation d’un émetteur auprès d’un OAR au sens de la LBA ne pouvant être assimilée à une telle surveillance.

La FINMA rappelle enfin que les banques qui fournissent ce type de garantie s’exposent à des risques réputationnels notamment en cas de faillite d’un émetteur, sans compter les risques réglementaires et juridiques qu’un défaut d’identification des détenteurs des stablecoins est susceptible de faire courir à tout le moins indirectement aux banques. Cette précision de la FINMA qui semble enfoncer des portes ouvertes peut être lue comme un appel à la prudence lancé aux banques et un encouragement ferme à sélectionner avec soin les projets après une due diligence en bonne et due forme.

Conclusion

A l’avenir, la structuration des stablecoins par le biais de l’exception pour garantie du risque de défaillance prévue par l’OB pourrait ne pas faire long feu ou à tout le moins être soumise à des conditions plus strictes inspirées de la pratique de la FINMA. Le Conseil fédéral a appelé de ses vœux dans son rapport du 16 décembre 2022, expressément cité par la FINMA dans sa communication, à une évaluation des exceptions de l’OB afin de déterminer si elles prennent suffisamment en compte la notion de protection qui est au cœur de la loi sur les banques. Un durcissement des conditions d’émission des stablecoins en Suisse s’inscrirait dans la droite ligne de MiCA dans l’UE (qui distingue au demeurant en matière de stablecoins les jetons se référant à un ou des actifs, des jetons de monnaie électronique), étant ici souligné que la Suisse possède encore à ce jour une réglementation plus flexible en matière de cryptoactifs que les pays membres de l’UE, cette flexibilité n’étant cependant pas synonyme de permissivité comme en témoigne la pratique de la FINMA.