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Pertes résultant d'une activité boursière privée : déduction fiscale ?

Un gestionnaire de fortune employé de banque a déduit des pertes résultant de ses activités boursières privées accessoires. L’administration fiscale a refusé la déduction, décision qui a été confirmée par le Tribunal fédéral dans un arrêt du 13 décembre 2003 (2A.272/2003/sch).
Selon l’art. 27 al. 2 let. b LIFD, les pertes sont déductibles lorsqu’elle portent sur des éléments de la fortune commerciale, ce qui implique l’exercice d’une activité indépendante au sens de l’art. 18 LIFD, et à condition qu’elles aient été comptabilisées.
Concernant la qualification juridique de l’activité indépendante, le Tribunal fédéral a confirmé sa jurisprudence (notamment les ATF 125 II 113, 122 II 446 et la décision plus récente du 17 avril 2003, 2A.328/2002). Il rappelle d’abord que toute activité qui consiste à vendre ou acheter des éléments de fortune dans le but de réaliser un profit et dépasse le cadre d’une simple administration de la fortune privée doit être qualifiée d’indépendante. Le Tribunal fédéral précise ensuite qu’il faut tenir compte des circonstances concrètes du cas, à l’aide d’indices non cumulatifs développés par la jurisprudence, à savoir le caractère systématique et planifié des activités, la fréquence des opérations et la courte durée de possession, le lien avec l’activité professionnelle du contribuable, l’utilisation de connaissances spéciales, l’utilisation de fonds étrangers et l’utilisation des recettes, respectivement le réinvestissement. Enfin, le Tribunal fédéral ajoute qu’il n’est pas nécessaire que le contribuable apparaisse sur le marché ou que l’activité soit exercée comme une véritable entreprise commerciale, industrielle ou artisanale organisée.
En l’espèce, l’activité boursière du recourant était étroitement liée à son activité professionnelle de gérant de fortune au sein d’une banque. Il a pu en effet user de ses connaissances, de ses contacts et de l’infrastructure de son employeur pour son propre commerce de titres. En outre, le volume des transactions ainsi que les montants en jeu étaient considérables. Enfin, le recourant a utilisé des fonds étrangers pour financer ses investissements. Compte tenu de ces éléments de fait et au regard des indices développés par la jurisprudence, le Tribunal fédéral a admis l’existence d’une activité indépendante.
Le Tribunal fédéral a cependant exclu le droit de déduire les pertes subies par le recourant sur la fortune commerciale liée à son activité indépendante, car les pertes n’ont pas été dûment comptabilisées. Il est vrai que le recourant n’était pas dans l’obligation de tenir une comptabilité commerciale au sens de l’art. 957 CO (en liaison avec l’art. 934 al. 1 CO). Toutefois, en l’absence d’une telle comptabilité, les contribuables demeurent tenus de joindre à leur déclaration un état des actifs et des passifs, un relevé des recettes et des dépenses ainsi que des prélèvements et apports privés (art. 125 al. 2 LIFD). Ces documents doivent permettre de procéder i) à l’établissement conforme et complet du montant de la fortune et des revenus commerciaux et ii) à des contrôles par les autorités fiscales. Or, selon le Tribunal fédéral, des pièces justificatives de ventes et d’achats de titres produites par le recourant ne remplissent pas ces conditions. Elles ne donnent en particulier aucune indication quant à l’état de la fortune commerciale au début et à la fin de l’année, pas plus que le montant des fonds étrangers mis à contribution, éléments nécessaires pour établir la perte invoquée par le recourant. Le recours a donc été rejeté par le Tribunal fédéral.
Cet arrêt illustre bien l’exigence posée par l’art. 125 al. 2 LIFD pour justifier la déductibilité des pertes subies dans le cas particulier d’une activité accessoire de commerçant de titres considérée comme indépendante au sens de l’art. 18 al. 1 LIFD.