Procédure de scellés
Confirmation de la jurisprudence en matière de scellés et d’activités de l’avocat

Lionel Jeanneret
Dans l’arrêt 7B_691/2024 et 7B_796/2024 du 7 février 2025, rendu à cinq juges mais non destiné à la publication, le Tribunal fédéral (« TF ») confirme sa jurisprudence récente en matière de scellés en application du nouveau droit (art. 264 al. 1 let. d cum 248 al. 1 1ère phrase CPP, cf. en particulier Villard, cdbf.ch/1368).
Le Ministère Public de la Confédération (« MPC ») diligente une procédure pénale contre deux prévenus. Dans ce cadre, le MPC procède à une perquisition dans l’étude de l’avocat d’un partenaire d’affaires de l’un des prévenus. Après la perquisition, l’avocat transmet encore quelques documents supplémentaires. L’avocat puis son client demandent la mise sous-scellés de toutes les pièces saisies.
L’avocat indique que les documents saisis sont notamment des contrats originaux d’apporteur d’investisseurs qui lui avaient été adressés au fil du temps par son client pour « conservation, pour d’éventuelles questions d’ordre juridique ou des litiges avec l’une ou l’autre des contreparties concernées ». L’avocat précise encore avoir participé à la rédaction des modèles des contrats concernés mais non à chacun d’entre eux. Les contrats indiquent toutefois l’étude de l’avocat comme domicile de notification.
Le MPC recourt au TF contre le refus du Tribunal des mesures de contrainte du canton de Vaud (« TMC ») de lever les scellés. L’avocat et son client déposent des requêtes d’anonymisation.
Dans cet arrêt, le TF :
- Juge que la remise à un avocat et la conservation par celui-ci d’un document ne constituent pas en soi une activité typique, l’avocat n’étant pas le seul à pouvoir assumer une telle mission (c. 5.4.1).
- Confirme sa jurisprudence selon laquelle un document existant préalablement ou indépendamment d’une procédure judiciaire ne peut bénéficier du secret professionnel du simple fait qu’il ait été par la suite remis à un avocat, respectivement discuté avec celui-ci (c. 5.2.2).
- Rappelle que lorsqu’une information couverte par le secret professionnel de l’avocat est communiquée volontairement à un tiers, la protection conférée ne s’applique en principe plus, sous réserve des cas prévus par les art. 171 et/ou 264 CPP (c. 5.2.3).
- Considère que les moyens de preuve remis à l’avocat puissent dans certaines circonstances être saisis auprès de celui-ci, particulièrement lorsque la remise n’avait pour autre objectif que de dissimuler le moyen de preuve, ce qui est alors constitutif d’un abus de droit (c. 5.2.3).
- Considère qu’aucune activité typique de l’avocat n’avait été démontrée en lien avec les contrats établis sur la base de son modèle (qualifiés de « dérivés », c. 5.4.3). L’avocat n’avait participé ni à leur négociation, ni à leur rédaction, ni à leur correction. Par ailleurs, l’avocat avait indiqué ne pas avoir été sollicité pour d’éventuelles questions juridiques concernant les contrats. Le TF exclut qu’une (hypothétique) intervention future de l’avocat ayant justifié la transmission de documents préalablement à tout litige permette, à elle seule et sans explications supplémentaires, de les considérer comme soumis au secret professionnel de l’avocat.
- Considère que la conservation des contrats dérivés ne pouvait être rattachée au mandat précédent, soit celui de rédiger le(s) contrat(s) source(s), car la reprise par le client du contenu des contrats avait pour objectif de construire des relations contractuelles avec des tiers, et ce, sans l’intervention de l’avocat (c. 5.4.3). De plus, le secret professionnel de l’avocat ne protège pas les échanges directs et volontaires du client avec des tiers. En l’espèce, il y a eu divulgation du contenu à des tiers lors des pourparlers transactionnels relatifs auxdits contrats.
Le TF rappelle sans équivoque au TMC que les parties ont le droit de décider si elles souhaitent ou non se prononcer sur toute nouvelle prise de position ajoutée au dossier (c. 3.3.1). Le TMC doit notifier ces nouvelles prises de position aux parties, tout en veillant à ce que les pièces sous scellés ainsi que les observations ou annexes qui y font référence ne soient pas transmises à l’autorité de poursuite pénale.
En revanche, le fait que le TMC ait refusé la demande du MPC de tenir (après deux échanges d’écritures) une audience sur les pièces nouvellement versées ne viole pas le droit d’être entendu du MPC.
Le TF considère que le caractère atypique de l’activité déployée par l’avocat est établi et qu’il n’existe pas d’intérêt à l’anonymisation de la décision (cf. c. 7.2.2), faute de lien (suffisant) entre les personnes concernées et la procédure pénale menée par le MPC.
Toutefois, cette appréciation semble sévère dès lors que l’avocat confronté à une perquisition ne semble avoir d’autre choix que de demander la mise sous-scellés de l’ensemble des documents saisis auprès de lui, tant la frontière entre activité typique et atypique n’est pas une science exacte. Ce n’est que dans un second temps et avec l’accord de son client que l’avocat pourra consentir à une levée partielle des scellés en rapport avec les documents qu’il estime ne pas être soumis au secret.
En outre, pour des motifs légitimes et d’intérêt public, l’existence même de la relation entre l’avocat et son client est protégée par le secret professionnel ce qui pourrait justifier d’anonymiser le dispositif de l’arrêt du TF. La motivation de l’arrêt ne précise pas en quoi la publication du dispositif non-anonymisé répond en l’espèce à un intérêt public important, a fortiori prépondérant. Cela est d’autant plus vrai que plusieurs médias ont désormais tendance à publier sans restriction le nom des personnes concernées.
L’avocat devrait donc veiller à ségréguer dans ses dossiers les pièces reçues du client de celles produites par l’avocat, la mention de « soumis au secret professionnel » n’apparaissant désormais pas suffisante à elle seule.
L’auteur remercie Me Allana Buu-Hoang et Me Louis Muskens pour leur contribution au présent commentaire.