Procédure de Run-Off
La FINMA refuse la distribution de dividendes par une entreprise d’assurance

Adrien Alberini
Est-ce à juste titre que la FINMA, puis le Tribunal administratif fédéral, ont refusé la distribution de dividendes par une entreprise d’assurance, dans le cadre d’une procédure d’homologation d’un plan de liquidation et d’un plan d’affaires modifié, au motif que l’assujettie ne s’était pas conformée à son obligation de collaborer avec l’autorité de surveillance ? C’est la question à laquelle le Tribunal fédéral a dû répondre dans un arrêt du 18 février dernier (2C_94/2024).
Le cas d’espèce concerne une entreprise d’assurance qui a souhaité mettre un terme volontaire à ses activités. Son plan de liquidation et son plan d’affaires modifiés ont été approuvés par la FINMA, tout comme plusieurs demandes de distribution de dividendes. Par la suite, l’entreprise a sollicité une modification de ces plans et l’autorisation de verser des dividendes additionnels d’un montant total de CHF 25 millions pour les années 2019 et 2020. Dans ce contexte, la FINMA a requis des informations et la production de documents complémentaires, jusqu’à un point où l’entreprise d’assurance a estimé que l’autorité disposait de toutes les informations nécessaires et a donc demandé qu’une décision formelle soit rendue. Une décision négative a été rendue par la FINMA le 14 août 2020, décision qui a été confirmée par arrêt du Tribunal administratif fédéral B-4592/2020 du 15 décembre 2023.
Après avoir exposé de manière générale le cadre réglementaire applicable à la surveillance des entreprises d’assurances, notamment dans le contexte particulier de la fin des activités d’assurances, le Tribunal fédéral commence par traiter la question intéressante de savoir si le degré de protection des assuré-e-s applicable dans la procédure de liquidation volontaire (procédure dite de Run-Off) est plus élevé que celui qui prévaut en situation ordinaire. A cet égard, il est erroné de considérer, nous dit le Tribunal fédéral et contrairement à ce que soutient la recourante, que seuls les art. 8, 9, 16 et 17 à 19 LSA (qui concernent les exigences de trésorerie, les provisions techniques et la fortune liée) sont applicables dans ce type particulier de procédure ; l’art. 51 LSA relatif aux mesures protectrices des assuré-e-s, avec son arsenal de mesures à la disposition de la FINMA, l’est également. Cela se justifie par le fait que, dans les circonstances particulières du Run-Off, l’entreprise d’assurance voit ses revenus progressivement diminuer, ce qui entraîne un risque accru d’insolvabilité de l’entreprise d’assurance et donc un besoin de protection plus élevé des assuré-e-s. Pour le surplus, les dispositions réglementaires relatives au test de solvabilité (SST) n’y changent rien, ces dispositions ne faisant au demeurant que concrétiser l’art. 9 LSA susmentionné ; il convient en effet, comme indiqué précédemment, de tenir compte de la situation financière particulière d’une entreprise d’assurance en phase de liquidation pour déterminer les exigences spécifiques qui lui sont applicables, dans la perspective de protection des assuré-e-s.
A l’appui de sa position visant la distribution de dividendes, la recourante soutient par ailleurs que, dans le cadre de l’art. 60 LSA relatif à la fin de l’activité d’assurance, il convient d’opérer une distinction entre la procédure de liquidation et celle de libération de la surveillance. Quand bien même l’arrêt est succinct à propos du raisonnement effectué par la recourante, l’on croit comprendre que celle-ci estime qu’elle devrait être libérée de la surveillance (à laquelle elle s’est conformée jusqu’alors) durant la dernière phase de la liquidation volontaire. Pour sa part, le Tribunal fédéral considère que la liquidation et la libération de la surveillance sont intrinsèquement liées. Ce n’est que lorsqu’il y a une certaine garantie qu’aucune créance basée sur un contrat d’assurance ne peut plus être invoquée contre l’assureur que la FINMA clôt la procédure de liquidation, en ordonnant la libération de l’entreprise d’assurance de sa surveillance. Il s’ensuit que l’art. 60 al. 5 LSA, qui exige que les créances contractuelles soient garanties pour distribuer des dividendes, est pleinement applicable durant la procédure de liquidation, contrairement à l’avis défendu par la recourante.
Dans le cas d’espèce, il faut encore relever que la FINMA a refusé la distribution de dividendes non pas en raison d’un risque établi pour les assuré-e-s, mais parce que la recourante n’avait simplement pas fourni les informations permettant d’apprécier si un tel risque existait ; pareille incertitude doit être mise à la charge de l’assujettie et suffit à fonder des mesures protectrices dans l’intérêt des assuré-e-s.
A notre sens, c’est à juste titre que le Tribunal fédéral conclut, au regard du but et de la systématique de la réglementation en matière de surveillance des entreprises d’assurances, qu’une protection particulière des assuré-e-s est requise en cas de procédure de liquidation volontaire, que les créances des assuré-e-s doivent être garanties jusqu’au terme de cette procédure et que ce n’est qu’à ce moment que la surveillance peut prendre fin. Le point qui demeure néanmoins délicat en pratique, et qui n’est en fin de compte abordé que marginalement dans la présente affaire, est celui de l’étendue exacte des informations et documents qui doivent être fournis à la FINMA pour que celle-ci puisse déterminer avec suffisamment de certitude qu’il reste assez de substance dans l’entreprise jusqu’au terme de la liquidation.