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Blanchiment d’argent

Adoption de la révision du dispositif anti-blanchiment

Le 26 septembre 2025, les Chambres fédérales ont adopté la dernière révision du dispositif anti-blanchiment, amorcée en été 2023. Pour mémoire, le projet du gouvernement comportait deux volets. Le premier était relatif à l’introduction d’un registre électronique des ayants droit économiques des sociétés, par le biais d’une nouvelle loi sur la transparence des personnes morales et l’identification des ayants droit économiques (LTPM). Le second était composé de plusieurs modifications de la LBA dont la plus controversée était l’extension du champ d’application de la loi « aux conseillers ». Le Conseil des Etats a toutefois décidé, en décembre 2024, de « sortir » cette dernière mesure du paquet législatif et de la traiter à part, les autres modifications de la LBA restant greffées sur le projet LTPM. Contre toute attente (en tout cas celle de l’autrice de ces lignes), les deux projets ont finalement été adoptés en même temps.

En ce qui concerne le registre de transparence, les débats au Parlement ont mené à la restriction du champ d’application de la loi sur deux points par rapport au projet du Conseil fédéral (commenté in : Villard, https://cdbf.ch/1354). Premièrement, les associations et les fondations ne seront pas assujetties à la loi (art. 2 a contrario LTPM). Secondement, les rapports de fiducie n’auront pas besoin d’être annoncés. Par ailleurs, les débats aux Chambres se sont largement articulés autour des effets du registre. Si le projet du Conseil fédéral prévoyait (juste) le caractère déclaratif (et non constitutif) des inscriptions, certains députés souhaitaient aller un pas plus loin et conférer au registre une « présomption d’exactitude ». L’idée – à notre sens erronée – était qu’une telle clause permettrait d’alléger les vérifications exigées des intermédiaires financiers par l’art. 4 LBA en matière d’identification des ayants droit économiques. Finalement, c’est un faux compromis helvétique qui a été trouvé. La règle de l’effet déclaratif du registre, prévue à l’art. 23 al. 1 LTPM, est adjointe d’un alinéa 2 qui rappelle que l’identification de l’ayant droit économique est régie par la LBA, tout en précisant que les assujettis à cette dernière peuvent se fier au registre, pour autant que leur examen, mené avec la diligence requise par les circonstances, ne révèle aucune anomalie. A notre avis, cette clause alambiquée n’apporte rien. Le traitement de ce projet a par ailleurs conduit à l’adoption, sans discussion, des autres amendements à la LBA, en particulier l’élargissement de l’objet de la loi aux mesures de coercition fondée sur la loi sur les embargos (art. 1 nLBA), l’abaissement, respectivement la suppression, des seuils des paiements en espèces pour l’assujettissement des négociants en métaux et pierres précieux et des négociants en immeubles (art. 8 al. 2bis et 4 nLBA), ainsi que la renonciation à la poursuite pénale en cas d’une violation par négligence de faible gravité à l’obligation de communiquer (art. 37 al. 2 nLBA).

En ce qui concerne l’extension du champ d’application de la LBA aux conseillers telle que finalement dessinée par le Parlement, la montagne semble avoir accouché d’une souris. Les activités désormais assujetties ont été drastiquement réduites par rapport au projet du Conseil fédéral, dans le cadre d’une norme – l’art. 2 nLBA – à la lisibilité difficile.

En (très) résumé, seules sont visées les activités, exercées à titre professionnel, de création et gestion de sociétés non opérationnelles, de création de sociétés étrangères ou de vente/achat d’immeubles (art. 2 al. 3bis  nLBA). Conformément au nouvel art. 2a al. 6 LBA, une société holding n’est pas considérée comme une entité non opérationnelle. La loi exige en outre que le conseiller « participe pour les compte de tiers à des transactions financières » dans le cadre de ces activités. L’expression doit évidemment aller au-delà d’un pouvoir de disposition sur les fonds d’autrui – qui est le critère permettant de qualifier l’activité d’intermédiation financière – et soulève son lot d’incertitudes, notamment quant au degré d’implication exigé pour l’assujettissement. Aux alinéas 4 et ss, l’art. 2 nLBA prévoit en outre toute une série d’exceptions à la soumission à la loi dont notamment : la représentation en procédure et l’activité de conseil qui la précède, les transferts d’immeubles ou d’entités juridiques d’un montant inférieur à CHF 5 millions lorsque le paiement s’effectue par le biais d’un intermédiaire financier ou encore des transactions en lien avec le droit de la famille ou des successions. Certaines de ces activités – indique expressément le législateur à son article 2 al. 4ter nLBA – ne représenteraient en effet qu’un « risque limité de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme ». Nous ne sommes entièrement convaincue ni par le procédé qui consiste à se justifier, dans la loi même, de l’adoption d’une clause, ni par l’appréciation en elle-même. Reste à savoir si les secteurs privés concernés qui, selon le nouvel art. 41a nLBA, devront être systématiquement associés aux discussions avec le GAFI, pourront convaincre ce dernier de l’efficacité de la novelle, lors de la prochaine évaluation de la Suisse qui devrait intervenir en 2027.