Aller au contenu principal

Actualités suisses

Chèques de voyage : le TF déboute un voyageur négligent

Dans un [arrêt du 27 avril 2004-> http://wwwsrv.bger.ch/cgi-bin/AZA/MapProcessorCGI_AZA?mapfile=pull/ConvertDocFrameCGI.map&ri=fr&lang=fr&ds=AZA_pull&d=27.04.2004_4C.20%2f2004&pa=1%7e4c%2b20%2b2004%4073%7e&
] (4C.20/2004, X. c. American Express Inc., destiné à publication au recueil officiel), le Tribunal fédéral (TF) a débouté un acheteur de chèques de voyage American Express. Celui-ci, un commerçant indien, avait acquis les chèques à Genève, pour un montant de plus de USD 20’000.-. Il invoquait se les être fait dérober lors d’un voyage professionnel à New Delhi, dans un bazar. L’institut d’émission Amex refusait de les lui rembourser, car les termes préformulés du contrat exigeaient que l’acheteur sauvegarde ses chèques comme une « personne prudente le ferait pour un montant similaire en argent liquide ». Cet arrêt enrichit une casuistique assez pauvre dans un domaine d’intérêt général.
Le TF s’arrête tout d’abord sur le droit applicable. Il retient que le droit « américain » serait théoriquement applicable au litige, comme droit du lieu du siège de la partie qui a fourni la prestation de services caractéristique (art. 21 al. 3 et art. 117 LDIP). Cette partie est en l’espèce Amex qui a son siège à New York. Toutefois, l’acheteur a préconisé en procédure l’application du droit suisse et l’institut d’émission a expressément déclaré qu’il ne s’y opposait pas. Interprétée selon le principe de la confiance, cette acceptation vaut élection (art. 116 LDIP) du droit suisse. Pour arriver à cette conclusion, le TF écarte notamment un rattachement au droit de la résidence habituelle du consommateur (art. 120 al. 1 LDIP), reconnaissant ainsi que les chèques de voyage ne sont pas acquis par les seuls touristes, mais peuvent aussi l’être par les voyageurs au sens large. Le chèque de voyage apparaît ainsi comme un instrument occasionnel de la vie des affaires.
Le deuxième problème examiné est celui de la légitimation active de l’acheteur. En effet, ce dernier avait cédé ses droits contre Amex à des amis. Le TF confirme qu’il s’agit d’une cession de créance qui prive l’acheteur cédant de son droit de faire valoir en justice sa créance en remboursement des chèques de voyage. En particulier, la vision audacieuse de l’acheteur selon laquelle il n’avait pas cédé sa créance à un tiers, mais avait simplement constitué un gage sur celle-ci (art. 899 CC), n’est pas conforme au principe et aux termes de l’accord de cession. Cette analyse est convaincante.
Le dernier problème tranché par le TF concerne la responsabilité contractuelle de l’institut d’émission pour les postes du dommage non couverts par la cession de créance précitée. Il s’agit des frais prétendument engendrés par le non-remboursement immédiat des chèques de voyage (p.ex. achat de billets d’avion, financement d’un emprunt et frais d’avocat). Le TF analyse les devoirs comportementaux de l’acheteur de chèques de voyage comme des incombances dont le non-respect peut entraîner la perte du droit au remboursement des chèques en cas de perte ou de vol. Il retient qu’en l’occurrence, l’acheteur n’a pris aucune précaution propre à éviter le vol de son sac, malgré la valeur pécuniaire élevée des chèques, encore accentuée par la faiblesse du revenu moyen dans le pays concerné. L’institut d’émission ne peut donc pas se voir reprocher une inexécution du contrat de chèque de voyage pour avoir refusé de rembourser l’acheteur.
Il est dommage que la responsabilité contractuelle n’ait représenté qu’une dimension périphérique du litige. C’est ce caractère secondaire, et un contexte et un état de fait particuliers, qui ont probablement conduit le TF à adopter une interprétation insatisfaisante d’un point de vue général. Car l’étendue des incombances imposées à l’acheteur par les conditions contractuelles d’Amex paraît difficilement conciliable avec le fondement même des chèques de voyage. Leur caractère indéterminé est en outre discutable dans le cadre de conditions générales préformulées.