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Réaménagement intégral de la réglementation en matière de révision

« Il paraît donc urgent de remédier aux lacunes et inconvénients nombreux et parfois significatifs du droit en vigueur » [ndlr: en matière de révision]. Cet extrait (p. 7) du Message du Conseil fédéral du 23 juin 2004 concernant la modification du code des obligations (obligation de révision dans le droit des sociétés) et la loi fédérale sur l’agrément et la surveillance des réviseurs est à la fois un mea culpa et une sonnette d’alarme. Il a ainsi été décidé de scinder le projet de « LECCA » de 1998, plaçant sur une fast track les questions qui font l’objet de la présente note et reportant pour l’instant sine die la présentation d’un projet concernant le renouvellement des règles comptables et d’établissement des comptes annuels (Message, p. 11 et 12). S’il est adopté, le projet aura une portée considérable. Il poursuit un triple objectif :

  • une profonde réforme des dispositions applicables en matière de révision ;
  • l’agrément et la surveillance des réviseurs ;
  • l’application de ce régime à toute entreprise de droit privé, quelle que soit sa forme juridique.

L’intervention est urgente, notamment en raison des pressions exercées sur la Suisse par les Etats-Unis. Cette initiative législative trouve ses principales origines dans les récents scandales financiers en Suisse et à l’étranger. Le Conseil fédéral propose en conséquence :
Une modification profonde du Code des obligations en matière de révision

  • Sur le plan des principes, les mêmes obligations, ayant le même contenu, seront applicables quelle que soit la forme juridique de l’entreprise. Elles incomberont donc autant aux sociétés anonymes, qu’aux sociétés à responsabilité limitée, aux sociétés coopératives, aux associations et aux fondations. Les sociétés de personnes bénéficieront en revanche d’un régime particulier.
  • Il existera deux types de révision, le premier, ordinaire, et le second, allégé (dit restreint), en fonction de l’importance de la société du point de vue économique. C’est ainsi que l’on distinguera :

–  les sociétés « ouvertes au public » (public companies), ainsi que les « autres entreprises ayant une certaine importance économique« , qui devront se soumettre à un contrôle dit « ordinaire« . Sont considérées « ayant une certaine importance économique » les entreprises qui, en l’espace de deux exercices consécutifs, dépassent les critères suivants : (i) un total de bilan de CHF 6 millions, (ii) un chiffre d’affaires de CHF 12 millions et (iii) 50 emplois à plein temps en moyenne annuelle. S’il s’agit d’une société ouverte au public, l’organe de révision devra être une « entreprise de révision sous surveillance de l’Etat ». Les entreprises « ayant une certaine importance économique » qui ne sont pas « ouvertes au public » pourront se limiter à désigner un « expert-réviseur agréé » ;
toutes les autres entreprises pourront se contenter d’un contrôle dit « restreint« . Dans ce cas, l’organe de révision pourra être un (simple) « réviseur agréé ».
– Ce régime de base sera toutefois assorti d’un système assez complexe d’options qui permettra, dans certains cas et à certaines conditions, d’accentuer ou de réduire les exigences en matière de révision (opting up, opting out, opting down et opting in).
– Pour remédier aux fausses attentes (audit expectation gap) qui découlent actuellement du caractère flou ou en tout cas mal compris de la mission des réviseurs, leur mandat légal sera précisé et, dans une certaine mesure, étendu. En matière de contrôle ordinaire, le réviseur sera notamment tenu de s’assurer de l’existence d’un contrôle interne efficace et de ce que les risques sont dûment évalués. D’une manière générale, les normes comporteront également des exigences plus sévères en matière d’indépendance du réviseur. Des mesures seront prises à cet égard afin d’éliminer définitivement tout risque de conflit d’intérêts.

Un projet de loi sur l’agrément et la surveillance des réviseurs

  • Le régime mis en place à l’occasion de la réforme du droit de la société anonyme de 1991 visait à garantir une qualité accrue des réviseurs : il est aujourd’hui admis que les résultats escomptés n’ont pas été atteints. Le système actuel n’est donc pas satisfaisant et a contribué à décrédibilisé l’institution (Message, p. 30). Depuis le Sarbanes-Oxley Act américain de 2002, ce constat interne s’accompagne de pressions exercées par les Etats Unis, dont les autorités compétentes entendent contrôler directement les réviseurs de toute société dont ces autorités estiment qu’elle a des liens avec le marché boursier américain. Conformément à un accord de principe récemment passé entre les Etats Unis et l’Union Européenne (cf. la proposition de la Commission européenne du 16 mars 2004 concernant une nouvelle directive relative au contrôle des comptes annuels et des comptes consolidés) une exception a toutefois été ménagée dès lors que le pays tiers concerné dispose d’un régime considéré par les Etats Unis comme de qualité acceptable.
  • En conséquence, outre les modifications susdites du Code des obligations, le Conseil fédéral propose d’édicter une nouvelle loi, dite « Loi sur l’agrément et la surveillance des réviseurs » (LSR). En substance, le projet prévoit les principes suivants :

– par analogie avec ce qui se fait en matière d’audit dans d’autres pays, les réviseurs seront sujets à agrément. Ce dernier sera délivré si le réviseur concerné démontre qu’il satisfait aux exigences en matière de formation et de pratique professionnelle, et qu’il jouit d’une réputation irréprochable. Cet agrément pourra être retiré si les conditions d’octroi ne sont plus satisfaites ;
– les organes de révision des sociétés ouvertes au public seront soumis à une surveillance étatique. Concrètement, celle-ci entraînera des modalités d’agrément particulières, ainsi qu’un certain nombre de charges supplémentaires. Une nouvelle autorité fédérale de surveillance en matière de révision sera créée à cette fin. Il est probable qu’elle sera à terme rattachée à la FINMA, future autorité suisse en charge de la surveillance intégrée des marchés financiers. Cette autorité de surveillance disposera d’importants moyens d’action et de sanction.

  • Seront ainsi créées différentes catégories de réviseurs. On notera incidemment que l’on a renoncé à utiliser le terme « organe de contrôle », lui préférant celui d' »organe de révision ». Selon le degré des exigences et la qualification des personnes exerçant la fonction, on distinguera les simples « réviseurs agréés » (réviseurs autorisés, mais à effectuer seulement des contrôles restreints), des « expert-réviseurs agréés » (autorisés à effectuer des contrôles ordinaires), et enfin des « entreprises de révision sous surveillance de l’Etat » (habilitées à procéder aux contrôles ordinaires des sociétés ouvertes au public).

En considération de l’importance et de l’urgence du sujet, le projet devrait être traité par les commissions des chambres fédérales lors de la session d’automne 2004.