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Directive européenne sur la commercialisation à distance de services financiers : transposition en droit français et effets pour les prestataires suisses

Lors d’un colloque du Club Banque qui s’est déroulé à Paris, le 23 novembre, Marie-Elisabeth Mathieu, Maître de Conférence à la Faculté de droit d’Evry, a donné une conférence sur les transactions bancaires et financières en ligne. Nous en présenterons ci-dessous un bref compte-rendu et évoquerons les répercussions du droit français sur les services financiers offerts par des prestataires suisses.
Alors que la France s’apprête, par le bais d’une ordonnance, à transposer la Directive n° 2002/65 du Parlement et du Conseil relative à la commercialisation à distance de services financiers, plusieurs questions se font jour. Conformément à l’art. 21 (1) de la Directive, les Etats membres avaient jusqu’au 9 octobre 2004 pour se conformer à la Directive. Cette dernière, et par voie de conséquence l’ordonnance qui la concrétisera en droit français, sont très protectrices pour le consommateur. En particulier, l’art. 10 de la Directive interdit la prospection directe non sollicitée et l’art. 6 de la Directive prévoit un droit de rétractation au bénéfice du consommateur.
La prospection directe, dans le cadre de services financiers commercialisés à distance, est interdite sans le consentement préalable du consommateur. Il est intéressant toutefois de relever, qu’en matière de services financiers, le droit français autorise la prise de contact personnalisée non sollicitée hors ligne. L’enjeu principal consiste, par conséquent, à savoir comment obtenir un consentement en ligne sans violer la loi. Deux situations méritent d’être distinguées. Premièrement, l’envoi de courrier électronique ciblé est constitutif de prospection directe et nécessite, par conséquent, une autorisation préalable du consommateur. Cette dernière sera relativement aisée à obtenir lorsqu’une relation contractuelle existe déjà. Deuxièmement, lorsque les services sont proposés, de manière générale, au moyen d’un site Internet et sans envoi de message électronique, il n’y a pas de prospection directe au sens de la directive, puisque le client potentiel se connecte de sa propre initiative. En revanche, si, par la suite, le fournisseur désire démarcher le client qui s’est connecté au site en question, il devra comme dans la première situation, obtenir son consentement préalable. Une solution consisterait donc à prévoir sur le site un volet stipulant que le client donne son accord à l’envoi futur de publicité.
La directive prévoit ensuite un droit de rétractation au bénéfice du consommateur. Ainsi, ce dernier bénéficiera, une fois le contrat conclu, d’un délai de 14 jours pour se départir du contrat. Il convient de relever qu’outre ce délai de rétractation, le consommateur dispose également, selon le type de contrat, d’un délai de réflexion antérieur à la conclusion du contrat. Une telle situation porte préjudice à la sécurité des transactions en laissant le fournisseur de services financiers dans l’incertitude pendant plusieurs semaines. Relevons, par ailleurs, que conformément à l’art. 6 par. 2 lit. a de la Directive, le droit de rétractation ne s’applique pas aux services financiers dont le prix dépend des fluctuations du marché financier sur lequel le fournisseur n’a aucune influence tels que les opérations de change et titres négociables.
Les prestataires de services financiers suisses sont directement concernés par ces nouvelles règles. En effet, du point de vue du juge français en tout cas, les règles du droit de la consommation sont des règles de police qui s’appliquent quel que soit le droit désigné par les règles de droit international privé. Ainsi, les fournisseurs de services financiers suisses prospectant en direction du territoire français pourront faire de la publicité sur un site Internet. En revanche, les envois personnels au moyen d’e-mails, par exemple, seront prohibés s’il n’y a pas eu de consentement préalable de la part du client potentiel. Par ailleurs, à supposer qu’un client français conclut valablement un contrat à partir du site Internet d’une banque suisse, les règles relatives au droit de rétractation s’appliqueront avec ce que cela comporte d’insécurité pour le fournisseur de services financiers.