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Rapport de la commission d'experts pour une loi fédérale sur le droit pénal fiscal et sur l'entraide administrative internationale en matière fiscale

Ce rapport fait suite à un mandat du chef du Département fédéral des finances qui portait sur l’opportunité d’une harmonisation du droit pénal fiscal suisse d’une part et la nécessité de se doter d’une loi en matière d’entraide fiscale internationale d’autre part.
Selon la commission, une harmonisation en profondeur de l’ensemble des règles de droit pénal fiscal n’est pas indispensable et comporte le risque de ne pas être « une véritable simplification de la matière en raison du système fédéraliste suisse et des différentes catégories d’impôts ». En revanche, la commission a estimé que certaines règles de procédure relatives à la violation d’obligations de procédure et à la soustraction d’impôts directs (LIFD/LHID) doivent être révisées afin de mieux garantir le respect des droits découlant de l’art. 6 CEDH (cf. arrêt CEDH J.B. c. la Suisse, 3 mai 2001). On relèvera en particulier que :
-le contribuable doit avoir le droit de refuser sa coopération en procédure de soustraction et il doit en être informé ;
-l’administration pourra entendre des tiers à titre de témoins, étant précisé que le secret bancaire est expressément réservé dans la nouvelle disposition.
Concernant l’entraide fiscale internationale, il faut rappeler que jusqu’à récemment, les Conventions de double imposition (CDI) conclues par la Suisse ne prévoyaient l’échange de renseignements entre administrations fiscales que pour permettre la correcte application de la CDI. En présence d’une fraude fiscale (condition nécessaire), la Suisse n’accordait une coopération en matière d’impôts directs que sous la forme de l’entraide judiciaire (EIMP). Seule la CDI avec les Etats-Unis (révisée en 1996) prévoyait depuis 1951 une entraide entre administrations fiscales en cas de fraude fiscale. Depuis 2000 et l’adoption par la Suisse du rapport de l’OCDE sur l’amélioration de l’accès des administrations fiscales aux renseignements bancaires à des fins fiscales, la Suisse a modifié sa politique et entend négocier sur le plan bilatéral avec d’autres Etats une clause qui permet une entraide administrative en matière de fraude fiscale au sens du droit suisse. Ainsi, en 2003, une telle clause a été prévue dans la CDI avec l’Allemagne et des négociations dans le même sens sont en cours avec d’autres Etats européens. Dans les rapports avec l’Allemagne, la procédure d’entraide est prévue dans un Protocole à la CDI ainsi que dans une ordonnance d’application. Dans les rapports avec les Etats-Unis, la procédure est décrite dans une ordonnance d’application.
Afin de régler de manière uniforme la procédure d’entraide administrative pour toutes les CDI qui prévoiraient à l’avenir une telle coopération, la commission propose un projet de loi qui reprend dans une large mesure les dispositions de procédures contenues dans les textes mentionnés (ordonnances, Protocole). Quand à son contenu matériel, le projet s’inspire des dispositions de la EIMP. Il est subdivisé en trois parties qui correspondent aux trois catégories d’entraide administrative que la Suisse se propose d’introduire dans ses CDI. On relèvera notamment ce qui suit.
-S’agissant de l’entraide pour la correcte application de la CDI, la procédure prévue par le projet est pour l’essentiel celle qui a été suivie jusqu’à ce jour.
-Dans le cadre de l’entraide en relation avec des délits fiscaux (dans la mesure prévue par une CDI), l’AFC ne possède pas toujours d’informations suffisantes pour répondre à la demande d’entraide et doit par conséquent pouvoir disposer de mesures coercitives que l’EIMP ne lui confère pas (l’AFC n’est pas une autorité judiciaire au sens de l’EIMP). Le projet prévoit donc des mesures de contrainte (perquisition et saisie) qui doivent bien entendu respecter le principe de proportionnalité. A noter que le projet ne fait que reprendre les mesures qui sont déjà prévues dans les ordonnances relatives aux CDI avec l’Allemagne et les Etats-Unis. S’agissant des tiers détenteurs de renseignement (soit souvent les banques), ils sont informés de l’existence de la demande et des renseignements qui leur sont demandés. Le secret bancaire n’est pas réservé (la levée du secret est prévue expressément dans la CDI avec l’Allemagne et dans le Protocole à la CDI avec les Etats-Unis). Ces tiers détenteurs doivent inviter la personne concernée qui serait domiciliée à l’étranger de désigner un mandataire en Suisse. En cas de refus de communiquer les renseignements, une décision ordonnant formellement la remise de documents est notifiée au détenteur. Dans la règle, le tiers détenteur n’est pas légitimé à recourir, « à moins qu’il ne puisse démontrer, à titre exceptionnel, que ses intérêts propres sont touchés ». Selon la commission, ce ne sera généralement pas le cas d’un intermédiaire financier. Enfin, si le tiers détenteur refuse de transmettre les documents, il doit supporter les frais occasionnés par le recours aux mesures de contrainte.
-Enfin, concernant l’entraide pour l’application du droit interne des Etats contractants (dans la mesure prévue par une CDI), l’administration fédérale ne dispose pas de plus de moyens que le droit suisse ne lui octroie, sous réserve de disposition contraire contenue dans une CDI. A noter que les CDI actuelles conclues par la Suisse ne prévoient pas une telle entraide, mais il n’est pas exclu que cela change à l’avenir (entraide concernant les sociétés holding).