Loi sur les placements collectifs de capitaux : publication du message du Conseil fédéral

Lionel Aeschlimann
Le 23 septembre 2005, le Conseil fédéral a publié son message concernant la loi fédérale sur les placements collectifs de capitaux (LPCC), destinée à remplacer l’actuelle loi sur les fonds de placement (LFP). Le projet de LPCC fait suite à l’accueil favorable qui avait été donné lors de la procédure de consultation, achevée en décembre 2004, à l’avant-projet de loi élaboré par la Commission d’experts présidée par le Prof. Forstmoser (cf. actualité n° 143 et actualité n° 282).
Le projet de LPCC confirme le changement fondamental d’approche de l’avant-projet, d’une part en élargissant le champ d’application de la loi à toutes les formes de placement collectif, qu’ils soient ouverts (open-end) ou fermés (closed-end), et d’autre part en ancrant dans la loi le principe d’une protection différenciée des investisseurs. Ainsi, à l’exception des fondations de placement (qui feront l’objet de projets séparés relatifs aux institutions de prévoyance professionnelle dont la mise en consultation devrait intervenir d’ici 2007), la nouvelle LPCC s’appliquera non plus aux seuls fonds contractuels, mais également à la société d’investissement à capital variable (SICAV), à la société d’investissement à capital fixe (SICAF) et à la société en commandite de placements collectifs. Par ailleurs, il prévoit une protection différenciée des investisseurs, en distinguant entre investisseurs ordinaires et investisseurs « qualifiés ». Ces derniers, qui se verront réservés certains placements collectifs par la loi ou la documentation du produit, comprendront désormais, outre les investisseurs institutionnels à trésorerie professionnelle, les particuliers fortunés (high net worth individuals). A ce stade, cette notion paraît cependant ne s’appliquer qu’aux placements collectifs de droit suisse. Sans nul doute, la place financière suisse verrait d’un bon œil que la Commission fédérale des banques, une fois la LPCC adoptée, intègre également cette notion dans le cadre de l’appel au public de fonds de placement étrangers et modifie en conséquence sa Circulaire 03/1 « Appel au public ». Les projets d’ordonnances, attendus pour cet automne, pourraient également apporter quelques précisions sur ce point qui revêt une importance pratique si grande.
Enfin, on rappellera que le projet de LPCC vise également à achever la transposition en droit suisse des directives européennes 2001/107/CE sur les services et 2001/108/CE sur les produits, transposition déjà initiée lors des dernières révision de la LFP (2003), de l’OFP (2004) ainsi que de l’OFP-CFB (2004).
Pour le surplus, les principales nouveautés ou précisions du projet de LPCC par rapport à l’avant-projet du 1er février 2004 sont les suivantes :
-Une nouvelle disposition (art. 5) vise à définir les conditions que doivent remplir les produits structurés pour ne pas tomber dans le champ d’application de la loi. Ils devraient ainsi notamment être comptabilisés en tant que fonds de tiers au passif du bilan de l’émetteur, avoir une durée fixe et être closed-end (ne pas octroyer à l’investisseur de droit de rachat à la valeur nette d’inventaire avant échéance). Espérons que cet article fera l’objet de débats devant le Parlement dans la mesure où il introduirait, s’il était adopté tel quel, une approche restrictive qui isolerait la Suisse, et donc nuirait à sa compétitivité, sans atteindre l’objectif recherché de protection des investisseurs.
-Abrogation de l’obligation actuelle d’obtenir une autorisation de la Commission fédérale des banques (CFB) pour les distributeurs de fonds. Le projet de LPCC prévoit par contre de soumettre à surveillance, comme c’est le cas actuellement, les directions et les banques dépositaires, et d’étendre la surveillance permanente aux représentants de placements collectifs étrangers. Les distributeurs, quant à eux, devront le cas échéant respecter l’auto-réglementation (les directives de la Swiss Funds Association (SFA) sur la commercialisation de fonds), sous le contrôle des directions et représentants.
-Introduction d’une autorisation de la CFB pour les gestionnaires de fortune de placements collectifs. Le projet de LPCC confirme l’obligation pour les gestionnaires de fortune de placements collectifs de capitaux suisses de demander une autorisation à la CFB, tandis qu’il introduit la possibilité d’un assujettissement volontaire pour les gestionnaires de placements collectifs étrangers. Cette possibilité se limite toutefois aux cas où la loi étrangère requiert une surveillance et où le placement collectif étranger est soumis à une surveillance comparable à celle existant en Suisse. Cette innovation bienvenue vise à permettre aux gérants suisses de continuer à gérer les OPCVM européens y compris après 2007, sans devoir passer par un statut de négociant en valeurs mobilières.
-Contrairement aux propositions initiales, la SICAF continuera à être imposée comme une société anonyme (principe de la double imposition économique) et non comme un fonds de placement contractuel. On ne peut exclure que ce choix, de nature purement politique, aboutisse à condamner la SICAF dès sa naissance. Par contre, la SICAV et la société en commandite de placements collectifs seront elles traitées comme les fonds contractuels (à l’exception comme aujourd’hui des fonds immobiliers) et donc exemptes d’impôt.
Par ailleurs, on lira avec grand intérêt les art. 19 et ss. du projet, qui confirment l’introduction de règles de conduite analogues à celles de l’art. 11 de la Loi sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières (LBVM) et, bien entendu, le détail des dispositions sur la SICAV (art. 35 et ss.) et la société en commandite de placement collectif (art. 97 et ss.), qui amènent plusieurs innovations tout à fait intéressantes par rapport à la société anonyme et à la société en commandite du CO.
On attend avec impatience les débats du Parlement…