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Devoir d'information de la banque dépositaire dans le cadre d'un mandat de gestion confié à un tiers gérant

Dans un arrêt rendu le 4 novembre 2005, le Tribunal fédéral avait à juger, dans le cadre d’un recours en réforme, d’une action en dommages-intérêts intentée par un client contre d’une part une société de gestion de fortune qu’il avait chargée d’un mandat de gestion de devises, et d’autre part la banque auprès de laquelle ses actifs étaient déposés.
Le client avait en effet enregistré des pertes importantes à la suite d’opérations sur devises malheureuses.
La société de gestion de fortune avait fautivement violé le droit de son client à une information correcte et dépourvue d’ambiguïté sur la situation de ses avoirs ; par ailleurs, le client avait subi un dommage important. Cela étant, faute – dans le cas d’espèce – de lien de causalité entre la violation contractuelle commise par la société de gestion de fortune et le dommage subi par le client, ce dernier a été débouté de son action à l’encontre de la société chargée de gérer ses devises. Notre Haute Cour n’a donc pas consacré de longs développements à la responsabilité éventuelle du tiers gérant.
En revanche, l’examen des obligations de la banque dépositaire vis-à-vis de son client – parties dont on sait qu’elles sont liées par un contrat de dépôt et de mandat même lorsqu’un tiers est chargé de la gestion – a donné l’occasion au Tribunal fédéral de rappeler les grands principes applicables en la matière. C’est ainsi que, selon notre Haute Cour, la banque qui, sans être au bénéfice d’un mandat de gestion, s’engage uniquement à exécuter des ordres en bourse confiés sporadiquement, n’est pas tenue à une sauvegarde générale des intérêts de son mandant. Comme l’a exposé à plusieurs reprises le Tribunal fédéral, un devoir général d’information n’existe pas en pareille hypothèse. En principe, la banque ne doit renseigner son client que si celui-ci le demande ; toutefois s’il apparaît que le client n’a aucune idée des risques qu’il court, la banque doit l’y rendre attentif. Le devoir de fidélité n’impose pas non plus à la banque chargée d’exécuter des ordres déterminés de conseiller spontanément le client sur les développements probables des investissements choisis et sur les mesures à prendre pour limiter les risques.
Notre Haute Cour a également profité de cet arrêt pour rappeler que ces principes s’imposaient encore plus strictement lorsque la gestion est confiée à un gérant indépendant. En présence d’un gérant externe au bénéfice d’une procuration très large, la banque dépositaire des avoirs n’a pas à rendre le client attentif aux risques élevés qu’il encourt, ni à requérir son autorisation avant de procéder aux opérations dont la réalisation lui a été confiée par le gérant. Autrement dit, – et il s’agit là d’une formule déjà utilisée par le Tribunal fédéral en matière de responsabilité de la banque dispensatrice de crédit – « le banquier n’est pas le tuteur de son client ». La banque doit donc en principe exécuter les ordres licites qui lui sont donnés. Enfin, le Tribunal fédéral a rappelé qu’il n’y avait de devoir d’information que dans des situations exceptionnelles, soit lorsque la banque, en faisant preuve de l’attention requise, a reconnu ou aurait dû reconnaître que le client n’a pas identifié un danger lié au placement, ou lorsqu’un rapport particulier de confiance s’est développé dans le cadre d’une relation d’affaires durable entre le client et la banque, en vertu duquel le premier peut, sur la base des règles de la bonne foi, attendre conseil et mise en garde du second même s’il n’a rien demandé.
Dans le cas d’espèce, ces principes n’étaient cependant d’aucun secours au client. Celui-ci n’était en effet pas en mesure de démontrer l’existence d’une relation d’affaires durable entre les parties propre à justifier une mise en garde particulière fondée sur les règles de la bonne foi. Par ailleurs, aucun rapport particulier de confiance ne pouvait être déduit du fait qu’un des directeurs de la société de gestion l’était également de la banque dépositaire, puisqu’en effet ce directeur n’avait pas géré les avoirs du client en sa qualité de directeur de la banque, mais bien en sa qualité de directeur de la société de gestion, laquelle était liée au client par un mandat de gestion de fortune.
Enfin, le Tribunal fédéral relevait que rien ne permettait de retenir que la banque aurait manqué à son devoir d’information. En effet, le client connaissait les mécanismes du marché financier dont notamment les opérations sur produits dérivés et ses risques de pertes. La banque n’avait dès lors pas à intervenir spontanément pour rendre son client attentif aux risques et aux pertes subies en relation avec les activités de la société de gestion, d’une part, ou le conseiller sur ses investissements, d’autre part.