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Adoption de la Loi fédérale sur les placements collectifs par les Chambres fédérales

Le 23 juin 2006, les Chambres fédérales ont adopté la Loi fédérale sur les placements collectifs de capitaux (« LPCC »). Ce vote final marque la fin de la procédure d’élimination des divergences entre le Conseil national et le Conseil des Etats dans le cadre de leur examen du projet de loi préparé par le Conseil fédéral. L’un des derniers points d’achoppement était la question de l’assujettissement des distributeurs de parts d’un placement collectif. Absente du projet du Conseil fédéral, l’obligation pour les distributeurs d’être au bénéfice d’une autorisation a été réintroduite par le Conseil national et acceptée, malgré quelques réticences, par le Conseil des Etats (article 19 LPCC).
La LPCC introduit en droit suisse plusieurs nouveaux concepts pour la plupart issus du droit communautaire :
– La société d’investissement à capital variable (« SICAV », articles 36 et suivants LPCC) : s’inspirant du modèle luxembourgeois, le législateur a introduit en droit suisse une société de capitaux dont le capital-actions n’est pas déterminé à l’avance. Ainsi, les parts de SICAV peuvent être émises (et rachetées par la SICAV) en tout temps, sans qu’une modification des statuts et une inscription au registre du commerce ne soient requises. La forme juridique de la SICAV devrait permettre aux gérants de fortune indépendants de créer des véhicules suisses de placements collectifs pour leur propre clientèle, alors même qu’ils ne disposent pas des ressources organisationnelles et financières requises pour fonder une direction de fonds (private labelling). Ainsi, l’intégralité du travail administratif lié à la SICAV, à l’exception de l’activité de gestion de fortune, peut être déléguée à une direction de fonds. L’absence de passeport européen (dont bénéficie la SICAV luxembourgeoise) risque toutefois de freiner l’éclosion de SICAV suisses dont les parts devraient être distribuées également en Europe.
– La société en commandite de placements collectifs (articles 98 et suivants LPCC) : cette nouvelle entité juridique vise à introduire en droit suisse une forme d’organisation sociale proche des structures anglo-saxonnes de limited partnership. Le législateur a choisi de se fonder sur la société en commandite (articles 594 et suivants CO) dont les caractéristiques sont les plus proches du limited partnership. Il a toutefois été nécessaire d’y apporter des modifications destinées à faciliter son utilisation en tant que véhicule de placements collectifs (i.e. l’associé indéfiniment responsable est une société anonyme ; les commanditaires ne sont pas soumis à une prohibition de concurrence). Acceptant en substance le modèle proposé par le Conseil fédéral, les Chambres fédérales ont toutefois supprimé la durée limitée (12 ans) prévue dans le projet. S’agissant du champ des investissements autorisés, la société en commandite de placements collectifs effectue ses placements dans le capital-risque, le Conseil fédéral pouvant autoriser d’autres placements (article 103 LPCC). Destinée à attirer en Suisse les acteurs du private equity, cette nouvelle forme juridique pourrait se heurter à un régime fiscal peu attractif, notamment eu égard à la taxation de la participation aux gains en capital qui est généralement attribuée à l’associé gérant à titre de rémunération (carried interest).
– La société d’investissement à capital fixe (« SICAF », articles 110 et suivants LPCC) : l’opportunité d’une soumission de la SICAF à la LPCC a donné lieu à d’intenses discussions au sein des Chambres fédérales. Ces débats ont finalement vu l’émergence d’une solution médiane, consistant à sortir du champ d’application de la loi les SICAF qui revêtent la forme de la société anonyme (articles 620 et suivants CO) et (i) sont cotées en bourse ou (ii) disposent d’un actionnariat composé exclusivement d’investisseurs qualifiés. Cela étant, le cadre législatif applicable aux SICAF soumises à la LPCC est relativement réduit, celles-ci demeurant pour l’essentiel régies par le CO et par la réglementation boursière.
– Les investisseurs qualifiés (article 10 al. 3 LPCC) : la protection des investisseurs, l’un des buts de la LPCC, s’effectuera désormais de manière différenciée selon le type d’investisseur (qualifié ou non). Ainsi, la LPCC réserve certains placements collectifs, comme le statut de commanditaire dans la société en commandite de placements collectifs, aux investisseurs qualifiés. Nonobstant le souhait du Conseil national d’élargir le cercle des investisseurs qualifiés, les Chambres fédérales ont finalement adopté une position intermédiaire. Ainsi, la notion d’investisseur qualifié recouvre notamment les intermédiaires financiers soumis à une surveillance (banques, négociants, assurances), les institutions de prévoyance professionnelle, les particuliers fortunés (« high net worth individuals ») et les investisseurs qui ont conclu un contrat écrit de gestion de fortune avec un intermédiaire financier au sens de la LPCC. En revanche, contrairement à la solution initialement retenue par le Conseil national, celui qui fournit la preuve qu’il dispose de suffisamment d’expérience et de connaissances en matière de placements ne sera pas considéré comme un investisseur qualifié. D’un point de vue pratique, l’ancrage dans la LPCC du concept de high net worth individuals entraîne un élargissement de l’exemption de placement privé et devrait ainsi faciliter la distribution de fonds de placement non autorisés en Suisse.
– Les gestionnaires de fortune de placements collectifs (article 13 al. 2 lit. f et 4 LPCC) : le régime d’autorisation applicable aux gestionnaires de fortune de placements collectifs n’a pas suscité de débats significatifs au sein des Chambres fédérales. A compter de l’entrée en vigueur de la LPCC, les gestionnaires de fortune de placements collectifs suisses doivent obligatoirement obtenir une autorisation de la CFB. En revanche, l’assujettissement des gestionnaires de placements collectifs étrangers s’effectue sur une base volontaire et pour autant que (i) une législation étrangère requière une surveillance et (ii) le placement collectif étranger soit soumis à une surveillance comparable à celle existant en Suisse. L’introduction d’un statut intermédiaire entre l’autorisation de négociant en valeurs mobilières et la simple soumission aux règles anti-blanchiment devrait permettre aux gestionnaires suisses de poursuivre leur activité de gestion de placements collectifs eurocompatibles, dans la mesure où, à compter de février 2007, seuls des gérants soumis à une surveillance prudentielle sont habilités à gérer des OPCVM.
La nécessité, pour la place financière suisse, d’une entrée en vigueur rapide de la LPCC a été soulignée à plusieurs reprises au cours des débats parlementaires. Suite au vote final intervenu le 23 juin 2006, une entrée en vigueur au 1er janvier 2007 reste possible, sous réserve de l’adoption des ordonnances d’application.