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Le Tribunal fédéral confirme l'acquittement d'un banquier inculpé de faux dans les titres (art. 251 CP)

En date du 24 novembre 2006, la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral a rendu un arrêt confirmant l’acquittement, par la Cour cantonale zurichoise, d’un collaborateur dirigeant d’une banque qui avait, à la demande de ses supérieurs hiérarchiques, procédé à l’acquisition d’actions pour compte nostro, dans le but d’influencer leur cours en bourse (Arrêt Oberstaatsanwaltschaft des Kantons Zürich gegen X. ; 6S.156/2006 ; destiné à la publication).
Le 29 décembre 2000, pendant les dernières heures et surtout minutes de négoce de l’année, l’auteur avait placé plusieurs ordres d’achat sur des actions nominales de la B. Holding AG et annulé dans le système des ordres de vente donnés par des collègues pour des clients, dans le but d’obtenir ainsi un redressement du cours boursier de ces titres, qui n’avait cessé de fléchir depuis plusieurs mois. Ce résultat a effectivement été atteint, puisqu’à la clôture du négoce, le cours de l’action avait augmenté de 10,86 % par rapport au début de la journée. C’est ce cours plus élevé qui a été utilisé pour la valorisation des portefeuilles titres des clients qui possédaient des actions de la B. Holding A.G. et a aussi servi de base pour la valorisation dans la comptabilité de la banque des actions acquises pour compte nostro. Cependant, le cours obtenu par les manipulations de l’auteur n’était pas porté par le marché, raison pour laquelle il s’est effondré à l’ouverture de la bourse début 2001.
Le Ministère public zurichois avait estimé, à juste titre, que les manœuvres ciblées entreprises par l’auteur pour obtenir une augmentation du cours des actions ne relevaient ni de l’une ni de l’autre des deux seules formes de manipulations de cours visées à l’art. 161bis CP, les « wash sales » et les « matched orders« , et que l’auteur ne pouvait, par conséquent, être poursuivi sur cette base. Il a, en revanche, rendu une ordonnance de condamnation en application de l’art. 251 CP, estimant que la comptabilité de la banque et les relevés des portefeuilles clients ne reflétaient pas la valeur économique réelle des actions et devaient, dès lors, être considérés comme des faux intellectuels dans les titres. Sur opposition du condamné, celui-ci fut acquitté par les instances cantonales et, sur recours du Ministère public cantonal, par le Tribunal fédéral.
Le Tribunal fédéral confirme que l’art. 251 CP est inapplicable, au motif que la valorisation des titres dans les relevés de portefeuille destinés aux clients reflète le cours des actions à la date indiquée. Ces documents ne prétendant pas établir la valeur « intrinsèque » des titres, ni le fait que le cours n’est pas le résultat de manipulations, ils ne peuvent, par conséquent, être trompeurs sur ces points. De même, estime le Tribunal fédéral, la valorisation des titres achetés pour compte nostro dans la comptabilité de la banque était correcte. Elle était basée sur le cours atteint à la clôture du 29 décembre 2000, mais la banque avait corrigé ce poste pour tenir compte du manque de liquidité du titre.
Cet arrêt confirme ainsi le caractère très étroitement délimité de la répression pénale dans le domaine des manipulations de cours en vertu du droit suisse. Cela ne signifie pas, bien entendu, qu’aucune sanction pénale ne soit envisageable dans un cas de figure de ce genre ; on pourrait imaginer, par exemple, que des clients subissent un dommage patrimonial imputable à une gestion déloyale (art. 158 CP), du fait que des ordres d’achat sont placés pour eux ou des ordres de vente annulés pour des considérations étrangères à la protection de leurs intérêts. La jurisprudence du Tribunal fédéral permet aussi, dans certaines circonstances, une qualification d’escroquerie (art. 146 CP) ou d’atteinte astucieuse aux intérêts pécuniaires d’autrui (art. 151 CP), si la manipulation a déterminé des investisseurs à des actes préjudiciables à leurs intérêts pécuniaires (ATF 122 II 422).