Avant-projets LSFIN, LEFIN et LIMF
Quels impacts pour les GFI ?
Stéphanie Hodara El Bez
Le 26 juin 2014, le Conseil fédéral a ouvert la procédure de consultation, très attendue, concernant la LSFIN et la LEFIN.
Alors qu’on envisage de soumettre les gérants de fortune indépendants (« GFI ») à un régime d’autorisation et de surveillance prudentielle depuis près de 15 ans maintenant, ces projets de loi instaurent enfin ce type de régime. La nouvelle réglementation occasionnera de nombreux changements pour ces acteurs du marché financier qui seront très probablement amenés à repenser leur modèle d’affaires.
Sans prétendre à l’exhaustivité, les principaux changements auxquels les GFI devront faire face sont présentés ci-dessous :
- Autorisation : les GFI devront obtenir une autorisation de l’autorité de surveillance. A cette fin, outre les garanties d’une activité irréprochable, les GFI auront l’obligation de présenter une organisation adéquate et de disposer d’un système de contrôle interne. A ce stade, il n’est pas possible de déterminer ce que cela impliquera en pratique en termes de nombre d’employés et de fonctions requises. Ces exigences seront vraisemblablement posées par voie d’ordonnance.
Il sera également requis des GFI qu’ils disposent des garanties financières ou qu’ils concluent une assurance en responsabilité civile professionnelle. Là encore, tant le montant de ces garanties que la somme à assurer devront être précisés.
Afin de préserver les droits acquis, la LEFIN introduit une clause d’antériorité pour les GFI existants. Ils seront ainsi dispensés de l’obligation d’obtenir une autorisation pour autant qu’ils disposent d’une expérience suffisante (15 ans minimum) et qu’ils n’acceptent pas de nouveaux clients. La question de l’utilité de l’introduction d’une telle clause peut néanmoins se poser. En effet, il est probable qu’un nombre limité de GFI renoncera volontairement à servir une nouvelle clientèle.
S’agissant des GFI pratiquant exclusivement le conseil en placement, ils devraient pouvoir continuer leur activité sans agrément, à condition de ne pas avoir de pouvoir de disposition sur les valeurs patrimoniales de leurs clients.
- Surveillance : Les GFI, définis dans la LEFIN comme des gestionnaires de fortune « non qualifiés » (par opposition aux gérants de placements collectifs et d’institutions de prévoyance), seront dorénavant soumis à une surveillance prudentielle. Dans cette optique, deux options sont proposées au stade de la consultation : (i) soit les GFI seront soumis à la surveillance directe de la FINMA, (ii) soit ils seront soumis à la surveillance d’un organisme de surveillance indépendant constitué spécialement à cet effet.
- Obligation d’enregistrement et de formation : A l’ avenir, tout conseiller à la clientèle, c’est-à-dire toute personne physique qui entre en contact avec les clients pour leur proposer un service financier et, de ce fait, les GFI, devra s’inscrire dans un registre, semblable à celui des avocats. A cette fin, ils devront au préalable non seulement avoir conclu une assurance responsabilité civile professionnelle mais également s’être affiliés à un organe de médiation. En outre, ils devront démontrer qu’ils connaissent les règles imposées par la LSFIN et qu’ils disposent des connaissances techniques nécessaires à leur activité.
- Indépendance et rétrocessions : Dorénavant, les GFI ne pourront se présenter comme « indépendants » qu’à des conditions très strictes. En effet, la LSFIN prévoit qu’un service ne pourra être qualifié d’indépendant que lorsque le GFI prend en considération un nombre suffisant d’instruments financiers proposés sur le marché et qu’il ne perçoit pas de rétrocessions ou qu’ils les restituent à ses clients.
Par ailleurs, par le biais de la LSFIN, les principes découlant de la jurisprudence et de la Circulaire FINMA 2009/1 en matière de rétrocessions sont enfin ancrés dans la loi. Ainsi, la LSFIN prévoit qu’une renonciation préalable et expresse du client est exigée ainsi que la communication du type et de l’ampleur de ces rétrocessions, ce avant la fourniture du service financier ou la conclusion du contrat. Dans les cas où cette information ne peut être communiquée par avance, le GFI renseigne son client sur les critères de calcul et l’ordre de grandeur des rétrocessions.
- Obligation de documentation : La LSFIN introduit, dans une optique de protection des clients, une nouvelle obligation de documentation pour les GFI qui devront consigner par écrit, notamment toutes les vérifications effectuées dans le cadre du « Suitability and appropriatness test ». L’ensemble de ces documents devra être transmis aux clients. A noter que ces obligations s’appliqueront tant dans le cadre d’un mandat de gestion de fortune que dans celui d’un contrat de conseil en placement. Elles entraîneront inévitablement un surcroit de la charge administrative des GFI.
- Distribution de placements collectifs de capitaux : La nouvelle classification des clients prévue par la LSFIN (clients professionnels versus clients privés) devrait avoir des conséquences intéressantes pour les GFI, s’agissant de la notion de distribution de placements collectifs de capitaux. En effet, selon notre interprétation des projets de lois, les GFI devraient être qualifiés de clients professionnels, de sorte que, contrairement à ce qui prévaut actuellement, toute publicité de placements collectifs qui leur serait adressée ne devrait à priori plus être considérée comme de la distribution.
- Conformité fiscale : Enfin, la LEFIN prévoit que les GFI auront pour tâche de vérifier s’il existe un risque élevé que les valeurs patrimoniales gérées ne soient pas fiscalisées. Dans l’affirmative, un refus de nouer la relation d’affaire concernée est exigée. A noter que cette vérification est imposée uniquement lorsque les clients sont domiciliés dans un Etat avec lequel la Suisse n’a conclu aucun accord concernant l’échange automatique de renseignements en matière fiscale.
Même si à la lecture de ces projets de lois, le mode de surveillance des GFI et les exigences organisationnelles ne sont pas encore clairement posés, le constat est évident : les GFI vont devoir faire face à un changement de paradigme. Il reste à espérer que lors de la mise en œuvre de ces nouvelles réglementations, il sera tenu compte du principe de proportionnalité afin que l’entrée en vigueur de la LSFIN et de la LEFIN ne constitue pas un obstacle à la continuation des activités des GFI.