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Devoir d'information en l'absence d'un mandat de gestion de fortune

Dans son arrêt du 2 avril 2007 (4C.385/2006, SJ 2007 I 499), le Tribunal fédéral se penche une nouvelle fois sur le devoir d’information et de mise en garde de la banque en l’absence de mandat de gestion confié par les clients. Ceux-ci étaient, en l’espèce, deux retraités (les époux Y), lui, carreleur de métier et elle, femme au foyer. Toutes leurs économies étaient déposées auprès de la banque Z. A, collaborateur de cet établissement, en assurait la gestion. Par la suite, A a quitté la banque Z pour devenir assistant dans la vente de produits auprès de la banque X. Pour suivre A, les époux Y ont décidé de transférer leurs avoirs auprès de la banque X. Les époux Y n’ont pas signé de mandat de gestion en faveur de la banque X.
Au moment de l’ouverture du compte auprès de la banque X, les époux Y détenaient notamment 200 actions Vivendi Universal. Ces actions étaient toujours présentes dans le portefeuille lorsque, 15 mois plus tard, les époux en ont acquis 1000 autres.
Non contents de l’évolution de leurs biens, les époux Y réclament à la banque X la différence entre le montant de leurs avoirs à l’ouverture et à la clôture du compte. Déboutés en première instance, ils obtiennent partiellement gain de cause devant la Cour de Justice genevoise, qui a retenu une violation par la banque de son devoir d’information en lien avec l’acquisition des 1000 actions Vivendi Universal.
Il s’agissait là de l’un des griefs formulés par les demandeurs, et du seul qui sera examiné par le TF. Statuant sur recours de la banque, notre Haute Cour a tout d’abord rappelé sa jurisprudence (cf. not. ATF 131 III 377 ; 119 II 333) selon laquelle la banque qui s’engage uniquement (en l’absence d’un mandat de gestion) à exécuter des instructions ponctuelles de son mandant, n’est pas tenue de l’informer spontanément des risques qu’il court. Le client qui donne des ordres de manière inconditionnelle, montre qu’il ne veut, ni n’a besoin d’information et de conseils. Le TF réserve cependant toujours des situations exceptionnelles, « soit lorsque la banque, en faisant preuve de l’attention requise, a reconnu ou aurait dû reconnaître que le client n’a pas identifié un danger lié au placement, ou lorsqu’un rapport particulier de confiance s’est développé dans le cadre d’une relation d’affaires durable entre le client et la banque, en vertu duquel le premier peut, sur la base des règles de la bonne foi, attendre conseil et mise en garde même s’il ne formule pas de demande dans ce sens ».
A ce stade, le TF n’innove guère, pas plus de lorsqu’il rappelle les fondements possibles de ce devoir d’information et de conseil : 398 al. 2 CO, 11 LBVM et 2 CC (principe de la confiance).
Le premier intérêt de cet arrêt réside dans le fait que, pour une fois, le TF a reconnu l’existence de circonstances exceptionnelles. Tout d’abord, il a vu un rapport particulier de confiance entre les époux Y et A, celui-ci les ayant régulièrement rencontrés pour discuter de l’évolution de leur dossier auprès de la banque X. Il a ensuite considéré que A, sachant que les époux Y n’avaient aucune connaissance dans le domaine bancaire aurait pu et dû reconnaître qu’ils n’avaient pas conscience des risques qu’ils encourraient.
Le second point intéressant réside dans la réponse que donne le TF à l’objection de la banque X selon laquelle les clients connaissaient le risque lié à la détention d’actions Vivendi Universal, puisqu’ils en détenaient depuis plusieurs mois dans leur portefeuille. Le TF rejette cet argument parce que le risque en l’espèce ne provenait pas de la nature du titre, mais de la concentration excessive sur ce titre. Cette réponse lui permet d’éviter de définir qui supporte le fardeau de la preuve s’agissant du degré de connaissance du client. A ce propos, le TF mentionne – sans prendre position – le courant doctrinal contestant à la banque le droit de présumer que tout client connaît les risques habituellement liés à l’achat, la détention et la vente de titres, soit notamment les risques de solvabilité et de cours (art. 3 al. 2 des Règles de conduite pour négociants de l’ASB (BF 2007, 45-19).
La question est cependant posée et vient rejoindre celle de la pertinence de la limitation – donnée par les Règles de Conduite de l’ASB – du devoir d’information de la banque selon le type d’instrument choisi par le client. Comme certains auteurs l’ont relevé non sans raison, en termes de risques, une obligation de la Confédération n’équivaut pas à une obligation d’un Etat émergent.