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Mise en consultation de la modification de l'article 3a OB

Ainsi qu’elle l’avait annoncé dans son dernier rapport de gestion (2006), la Commission fédérale des banques (CFB) veut mettre fin au régime actuel d’exception pour les négociants en devises. Elle vient ainsi de lancer une consultation, ouverte jusqu’au 20 décembre 2007, quant à un projet de modification de l’art. 3a al. 3 lit. c de l’Ordonnance sur les banques (OB). Si elle devait être adoptée, cette révision de l’OB entraînerait un assujettissement en plein des négociants en devises à la LB, avec pour conséquence que ceux-ci auraient trois mois à compter du 1er avril 2008 pour s’annoncer auprès de la CFB et un an pour déposer une requête en autorisation bancaire.
De nombreux négociants en devises ont vu le jour au cours de ces dernières années. Alors que certains ont investi des sommes importantes pour développer leur propre plateforme de négoce, plusieurs autres se sont lancés à moindre coût, en « louant » des copies blanches (« white-labelling ») de ces plateformes et logiciels. Agissant comme « market-maker », en cotant en temps plus ou moins réel des cours d’achat et de vente de devises, ces négociants offrent à leurs clients la possibilité d’acheter et de vendre, généralement via l’Internet, les devises les plus liquides avec quelques points de base de « spread » seulement, souvent sans commission. Ces opérations s’effectuent au comptant (« spot ») et en pratique seul le dépôt d’une marge, oscillant entre 2,5 % et 10 %, est requis par le négociant. L’effet de levier est ainsi considérable et un mouvement relativement modeste des cours peut aboutir très rapidement à une liquidation de la position et une perte totale de la marge, voire dans des cas exceptionnels à des pertes supérieures.
Tout en contribuant à « démocratiser » les opérations sur devises – ces transactions avec fort effet de levier et seulement deux ou trois points de base de « spread » n’étant généralement offertes qu’aux clients institutionnels ou sur le marché interbancaire – ces négociants ont ouvert un domaine spéculatif à de petits investisseurs pas toujours au fait des risques liés au négoce de devises. Les mises de base minimum pour ouvrir un compte s’élèvent en effet souvent à quelques centaines de francs, lorsqu’elles existent. Les pertes des investisseurs se sont multipliées, et avec elles les plaintes diverses et variées. Bien entendu, en cas de faillite du négociant, ses clients ne bénéficient d’aucun droit de distraction et sont donc traités comme des créanciers ordinaires.
Or, dans l’état actuel du droit, les négociants en devises ne sont ni des banques, ni des négociants en valeurs mobilières, alors même que leurs clients ouvrent des comptes dans leurs livres pour y déposer la marge qui leur servira à spéculer.
Les devises ne sont en effet pas considérées comme des valeurs mobilières et, par conséquent, les négociants en devises ne tombent pas dans le champ de la Loi sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières (LBVM), même s’ils font le commerce, à court terme et à titre professionnel, de devises et conservent chez eux ou auprès de tiers, en leur propre nom, des valeurs de leurs clients. Il en irait autrement s’ils offraient à leurs clients la possibilité de traiter des options ou d’autres instruments dérivés standardisés sur devises, ces derniers étant assimilés à des valeurs mobilières.
Sont des banques en droit suisse les entités principalement actives dans le domaine financier qui acceptent des dépôts du public à titre professionnel ou font appel au public pour les obtenir dans le but de financer, pour leur propre compte, un nombre indéterminé de tiers. Seules les banques au bénéfice d’un agrément de la CFB sont autorisées à accepter des dépôts du public à titre professionnel. Bien qu’ils acceptent des fonds de leurs clients, les négociants en devises échappent en principe à la LB en raison du fait que l’art. 3a al. 3 lit. c OB dispose, à titre d’exception au principe légal, que les soldes en compte de clients auprès de négociants en devises ne constituent pas des dépôts, pour autant qu’ils ne servent qu’à exécuter des opérations de clients et ne sont pas rémunérés (pas d’intérêts).
Ces exceptions ont au fil du temps fait l’objet d’une interprétation restrictive de la CFB, cette dernière estimant ainsi en 2002 déjà que les comptes de clients ouverts auprès de négociants qui se limitaient à les placer auprès de tiers ne constituaient pas des comptes d’exécution, au sens de l’art. 3a al. 3 lit. c OB, mais des comptes d’intermédiation (RG CFB 2002, p. 57 ; cf également, RG CFB 2003, p. 64). Elle avait de même considéré en 2004 qu’une société qui acceptait et gérait des fonds de clients déposés sur un compte global devait être qualifiée de fonds de placement, aucun décompte ou comptabilisation individuelle n’ayant lieu (RG CFB 2004, p. 72).
La CFB franchit désormais un pas supplémentaire, un proposant que l’exception de l’art. 3a al. 3 lit. c OB soit purement et simplement abolie pour les négociants en devises, obligeant ainsi ces derniers à demander une autorisation bancaire.
Si elle est adoptée, cette modification aura vraisemblablement pour conséquence que la majorité des négociants en devises vont soit disparaître, soit devenir des gérants indépendants (mais il s’agit là d’un modèle d’affaires très différent). On peut en effet penser que seul un très petit nombre optera pour la licence bancaire, un statut sans doute trop onéreux en termes de fonds propres, d’organisation et de ressources. Une autre voie, écartée par la CFB dans son projet, aurait pu consister à proposer d’assujettir les négociants en devises à la LBVM uniquement. Sans aborder les quelques complexités législatives que cela aurait entraîné, une telle approche aurait été plus favorable à leur développement et plus conforme aux principes de proportionnalité et subsidiarité. Mais l’objectif poursuivi par la CFB constitue assurément le résultat d’une pesée d’intérêts entre le coût (réglementaire) lié à la surveillance des négociants en devises et l’intérêt social et économique du développement de ces activités pour notre place financière.