La Commission européenne autorise les aides octroyées aux institutions financières
Pranvera Këllezi
Début Octobre, la Commission européenne a autorisé les aides accordées à Bradford & Bingley (Grand Bretagne, cf. IP/08/1437) et Hypo Real Estate (Allemagne, [IP/08/1453-> http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/08/1453&format=HTML&aged=0&language=EN&guiLanguage=en
]) dans les 48 heures suivant leur notification. Ces deux décisions et les autres procédures pendantes concernant l’Irlande, la banque Dexia et Fortis, rappellent que l’intervention des Etats membres pour maîtriser et limiter la propagation de la crise financière est soumise au contrôle communautaire des aides d’état. Soucieuse de préserver les prérogatives de la Commission, Neelie Kroes rappelle que les règles européenne de concurrence seront appliquées en soulignant qu’elles font partie de la solution, et pas du problème. La Commission européenne examine actuellement des mesures telles que la recapitalisation des banques (voire leur « nationalisation » temporaire), la garantie des prêts interbancaires ainsi que la garantie des dépôts des épargnants.
Du point de vue juridique, la Commission a considéré ces mesures comme des aides au sauvetage (voire lignes directrices communautaires concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté, JO 244 du 01/10/2004, p. 2). Ces aides sont temporaires et limités à une période maximum de six mois, et consistent en un soutien financier réversible sous la forme de garanties de prêts ou de prêts. Elles doivent être justifiées par des raisons sociales graves et être limitées au montant nécessaire pour maintenir l’entreprise en activité pendant cette période. En principe, l’aide ne peut consister en mesures financières structurelles liées aux fonds propres de la banque, à l’exception des mesures qui visent à respecter les règles prudentielles. Les mesures prises par la GB dans le cas de Bradford & Bingley consistaient à nationaliser la banque pour vendre ensuite les dépôts des particuliers et les succursales de la banque à Abbey National dans un processus d’enchères concurrentielles. Les activités restantes devront être liquidées. Le Hypo Real Estate, qui a connu un déficit de liquidités dû à la difficulté d’obtenir du crédit dans le marché de prêts interbancaires à court terme, bénéficiera de garanties de crédit d’un montant total de 35 milliards d’euros octroyées par le gouvernement fédéral allemand, en accord avec un groupe d’établissements financiers privés. À titre de sûretés, la banque fournit des titres et crédits d’une valeur nominale de 42 milliards d’euros, ainsi que les actions de ses banques filiales. Le sauvetage de la banque française Dexia prévoit un mécanisme similaire.
Toutefois, l’autorisation de l’aide au sauvetage ne concerne que la première étape de l’examen de l’aide. Comme dans les autres secteurs, la Grande Bretagne et l’Allemagne doivent transmettre à la Commission, dans un délai maximal de six mois à compter de l’autorisation de l’aide au sauvetage, un plan de restructuration ou de liquidation, lequel sera examiné de manière approfondie par la Commission. Les aides accordées à Roskilde Bank (cf. IP/08/1222 du 31 juillet 2008), à Northern Rock (cf. IP/08/489-> http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/08/489] du 2 avril 2008) et à IKB (cf. IP/08/314 du 27 février 2008) ont toutes respecté ce scénario : la Commission a ouvert des procédures approfondies pour examiner la compatibilité des mesures de restructuration prises par les Etats membres. A l’issue de ces procédures la Commission peut imposer des mesures correctives structurelles ou comportementales, comme par exemples celles imposées à l’Allemagne en relation avec le sauvetage et la liquidation de Sachsen LB (vente ou cessation de divers activités bancaires, cf. [décision finale du 4 juin 2008).
Dans les affaires examinées au cours de l’année 2008, la Commission s’est montrée peu convaincue de l’existence d’un risque systémique en refusant ainsi d’appliquer l’Article 87(3)(b) CE au secteur bancaire. Ce dernier permet de déclarer compatible les aides destinées à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre. Toutefois, dans son discours devant le Parlement européen, Mme Kroes annonce que la Commission appliquera cette disposition si elle s’avère nécessaire. Elle rassure ensuite que les épargnants ne doivent pas subir de dommages de cette crise, ce qui indique qu’une interdiction des garanties des dépôts des particuliers et des aides au sauvetage des banques n’est pas une option. Enfin, pour assister les Etats membres, la Commission a annoncé la publication de lignes directrices sectorielles pour les aides au sauvetage (cf. MEMO/08/608 du 7 octobre 2008)
Dans un contexte de crise de confiance où les autorités de surveillance et les gouvernements européens mettent en place des mesures complexes pour soutenir les marchés financiers, la question se pose dans quelle mesure l’application des règles européennes sur les aides d’état contribue à la gestion de cette crise qui empare et bloque les marchés financiers. La difficulté de trouver des mesures efficaces et proportionnelles montre la spécificité du secteur bancaire et des marchés financiers. Une étude ultérieure des décisions permettra d’analyser l’utilité des mesures de restructuration et de liquidation imposées par la Commission.