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Droit boursier

Compétence du tribunal arbitral de la SIX

En date du 1er décembre 2010, le Tribunal fédéral a rendu un arrêt 4A_533/2010 (destiné à la publication), qui amène une précision bienvenue s’agissant de la procédure de recours contre les décisions – dont, comme en l’espèce, les décisions de décotation – de la bourse SIX Swiss Exchange (SIX). Cette jurisprudence a pour objet la compétence du tribunal arbitral de la SIX dans une affaire opposant cette dernière à un actionnaire titulaire d’une participation de 3 % dans le capital d’une société cotée auprès de SIX. L’actionnaire en question avait recouru à l’Instance de recours contre la décision du Regulatory Board autorisant, à la demande de l’émetteur, la décotation de ses titres de participation. Il avait ensuite porté la décision de l’Instance de recours devant le tribunal arbitral de la SIX. Celui-ci avait admis sa compétence dans une décision incidente, ce que la bourse a contesté par recours cantonal puis par devant le Tribunal fédéral. Ce dernier a donné droit aux arguments de la bourse.
Dans son arrêt, le Tribunal fédéral rappelle qu’un tribunal arbitral ne peut connaître des litiges que si les parties à la procédure sont valablement liées par une convention d’arbitrage. Il examine si la compétence du tribunal arbitral de la SIX peut en l’occurrence se fonder sur (i) la nature juridique du Règlement de cotation de la bourse ou (ii) un compromis arbitral valable entre celle-ci et l’actionnaire.
En première analyse, le Tribunal fédéral considère la nature juridique du Règlement de cotation de la bourse (SIX Exchange Regulation 10/10, RC, version révisée 11/10 dès le 1er avril 2011) lequel prévoit, à son art. 62 al. 2 RC, la compétence du tribunal arbitral de la bourse après épuisement des voies de recours internes. Le RC relève-t-il d’un contrat ou d’un acte normatif ? Notre Haute Cour rappelle que la doctrine majoritaire accrédite la seconde hypothèse. Elle ne tranche toutefois pas véritablement cette épineuse question, bien que certains passages de sa décision semblent la montrer favorable à une qualification du RC comme norme générale et abstraite. Le Tribunal fédéral précise néanmoins que même si tel devait être le cas, le RC n’aurait de validité que pour autant qu’il respecte le cadre de la délégation législative dans lequel il s’inscrit.
L’instance cantonale a fondé la compétence du tribunal arbitral sur l’art. 8 LBVM, au motif que la nature de droit public fédéral de l’art. 62 al. 2 RC l’emportait sur les exigences de forme prévues par le Concordat d’arbitrage du 27 mars 1969), de droit cantonal, de sorte que la conclusion d’une convention d’arbitrage écrite s’avérait accessoire. Au contraire, le Tribunal fédéral a considéré que la procédure en relation avec la décotation de titres était régie par l’art. 9 LBVM, lequel réserve, en son alinéa 3, la compétence du juge civil lorsque la procédure de recours a été menée à son terme. Il a donc jugé que la bourse n’était pas habilitée à modifier une procédure déjà réglée par la loi, pas plus qu’à assouplir les conditions relatives à la conclusion d’une convention d’arbitrage.
Le Tribunal fédéral rejette également la possibilité d’une saisine du tribunal arbitral de la SIX en vertu d’une convention d’arbitrage conformément au Concordat d’arbitrage, lequel dispose, à son art. 6 al. 1, que « la convention d’arbitrage est passée en la forme écrite ». Dans le cas d’espèce, aucune convention signée des parties (art. 13 ss CO) n’était venue à chef, la bourse ayant en effet décliné l’offre de l’intimé d’en passer une.
Le Tribunal fédéral examine enfin si l’art. 6 al. 2 du Concordat peut fonder une compétence en faveur du tribunal arbitral de la SIX. A rigueur de texte, la convention d’arbitrage « peut résulter d’une déclaration écrite d’adhésion aux statuts d’une personne morale, à condition que cette déclaration se réfère expressément à la clause compromissoire contenue dans les statuts ou dans un règlement qui en découle ». L’intimé fait valoir que le principe d’égalité de traitement consacré à l’art. 1 LBVM permet d’inférer de l’art. 8 al. 1 LBVM, qui donne compétence à la bourse pour l’adoption de son RC, l’existence d’une compétence analogue à celle d’une personne morale dont les statuts contiendraient une clause compromissoire. Il en conclut que sa seule qualité d’investisseur, destinataire du RC, lui permet de saisir le tribunal arbitral pour établir la compétence de celui-ci.
Ces arguments n’ont pas convaincu le Tribunal fédéral, pour qui l’introduction d’une procédure arbitrale ne saurait être assimilée à l’adhésion aux statuts d’une personne morale. Notre Haute Cour explique que l’introduction d’une procédure par devant le tribunal arbitral de la SIX ne poursuivait d’autre but que celui de contester la décotation des valeurs de la société. Il était par conséquent exclu que l’art. 6 al. 2 du Concordat ne serve de fondement à la compétence du tribunal arbitral de la SIX.
En conclusion, la compétence du tribunal arbitral de la SIX ne pouvait en l’espèce ni se fonder sur la nature juridique du RC, ni même sur une convention d’arbitrage valablement conclue. Le Tribunal fédéral a renvoyé l’intimé à agir par devant le juge civil, en application de l’art. 9 al. 3 LBVM.