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Droit des sociétés

La responsabilité en cas de remboursement d’un prêt d’actionnaire

Dans un arrêt 4A_496/2010 rendu le 14 février 2011, le Tribunal fédéral a décidé à quelles conditions le remboursement d’un prêt d’actionnaire par des actifs libérés lors d’une augmentation du capital social est contraire à l’art. 680 al. 2 CO.
En 2000, X SA était confrontée à de sérieuses difficultés financières et une évaluation provisoire des postes comptables effectuée laissait croire que la société était surendettée. Dans ce contexte, X SA s’est entendu avec trois banques pour qu’elles lui consentent un moratoire et un crédit dans le cadre d’un plan d’assainissement prévoyant une augmentation de capital importante. Cet apport devait être effectué par certains actionnaires dont C qui s’était engagé à concurrence de Frs. 400’000 et G SA (détenue à 94 % par C) à concurrence de Frs. 600’000. En même temps, le plan prévoyait de rembourser deux prêts de Frs. 600’000 et Frs. 406’400, faisant l’objet de poursuites intentées par C et G SA. Convaincues par la viabilité des mesures présentées, les banques ont augmenté leur limite de crédit de Frs. 15,4 Mio. à Fr. 16.4 Mio. Moins d’un an plus tard, les mesures d’assainissement n’ayant pas mené au résultat escompté, la société a requis sa liquidation par la voie d’un concordat par abandon d’actifs en 2001.
Dans le cadre de sa liquidation, la société reprocha au conseil d’administration d’avoir violé l’art 680 al. 2 CO ainsi que son devoir de fidélité, en remboursant les crédits à C et G SA alors que, selon la recourante, la société était toujours surendettée et que le conseil d’administration ne pouvait pas sérieusement estimer que la situation financière de X SA allait s’améliorer à long terme. La demande fut rejetée par les deux instances cantonales ainsi que le Tribunal fédéral.
Selon notre Haute Cour, si l’art. 680 al. 2 CO interdit à la société de rembourser aux actionnaires leur apport, il reste possible d’utiliser les fonds résultant d’une augmentation du capital social pour rembourser un prêt d’un actionnaire qui était déjà dû avant cette augmentation et qui devait, de toute manière, être remboursé par la société. Le Tribunal fédéral considère ainsi que les prêts d’actionnaires doivent être traités de la même manière que les fonds des tiers. L’élément clé semble donc être le fait que la dette existe et soit due. D’ailleurs, c’est cette même condition qui permet aussi de distinguer cette constellation de fait d’une libération fictive du capital.
Au-delà de la question limitée du remboursement d’une créance d’actionnaire, cette décision éclaire également indirectement la question controversée de la validité d’une libération par compensation en cas de surendettement. En effet, en considérant que la société peut rembourser une dette exigible due à un actionnaire sans violer l’interdiction de l’art. 680 al. 2 CO, le Tribunal fédéral s’est référé positivement à l’ATF 87 II 170 où il avait admis cette pratique, indiquant qu’il s’éloigne de la position contraire qu’il avait évoqué dans l’arrêt non publié du 11 juillet 2002, en la cause 2A.169/2002 c. 6. Cette conclusion s’inscrit dans la même ligne que le projet d’art. 634b al. 2 P-CO qui, contrairement à ce qu’envisageait l’avant-projet, prévoit de reconnaître explicitement de la libération par compensation dans ces circonstances, même s’il propose de restreindre cette possibilité aux seules créances issues d’une prestation susceptible d’un apport en nature ou en espèces.