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Too big to fail / Too big to be rescued

Renforcement des exigences de fonds propres applicables aux grandes banques

Le 20 avril 2011, le Conseil fédéral a publié son message concernant la révision de la Loi sur les banques en vue de renforcer la stabilité du secteur financier (le « Message« ) . En substance, le Message reprend le projet proposé par la Commission d’experts chargée de limiter le risque systémique dans le secteur bancaire suisse (le « Projet« , cf. Actualité n° 694).
Le Projet s’applique uniquement aux établissements que la Banque nationale suisse aura qualifiés de « banque d’importance systémique ». Selon le Message, si UBS et Credit Suisse sont clairement d’importance systémique à l’heure actuelle, il n’est pas exclu que d’autres banques soient également classées dans cette catégorie à l’avenir. Le Projet vise principalement à durcir les exigences en matière de fonds propres et à contraindre les établissements concernés à prendre des mesures organisationnelles (notamment un plan d’urgence) pour garantir le maintien des fonctions d’importance systémique (notamment le trafic des paiements, l’activité de dépôts et l’octroi de crédits) en cas d’insolvabilité. Le niveau de fonds propres exigé s’élève, dans les conditions actuelles, à 19 % des actifs pondérés en fonction des risques (risk-weighted assets, « RWA« ). Au minimum 10 % des RWA doit être détenu sous la forme de « fonds propres de base de haute qualité » (Common Equity Tier 1, soit le capital libéré, les réserves apparentes et les bénéfices reportés). Au maximum 9 % des RWA peut être couvert par des contingent convertible bonds (« CoCo« ) (cf. ci-dessous).
La présente actualité a pour objectif de présenter brièvement (A) les nouvelles formes d’augmentation de capital mises à disposition des banques concernées et (B) l’étude relative à l’impact économique du Projet, telle que publiée par le Conseil fédéral.
A. Capital de réserve et CoCo (articles 12 et 13 du Projet)
Le capital de réserve est régi par les dispositions du CO relatives au capital autorisé traditionnel (articles 651 et suivants CO). Certaines de ces dispositions sont toutefois déclarées inapplicables afin de permettre une émission rapide des titres. Ainsi, le droit de souscription préférentiel des actionnaires peut être supprimé pour permettre un « placement rapide et sans difficulté des actions », facilitant ainsi les transactions structurées sous forme de PIPE (private investment in public equity). De même, le plafonnement du capital autorisé au double du capital-actions existant n’est pas applicable au capital de réserve. En tant que tel, le capital de réserve (non émis) n’est pas pris en compte dans le cadre du calcul des fonds propres réglementaires, mais constitue un instrument souple dans les mains du conseil d’administration en vue de renforcer les fonds propres de la banque en cas de crise, pour autant naturellement que des investisseurs acceptent de souscrire les titres nouvellement émis.
L’une des principales innovations du Projet est l’introduction des CoCo dans l’ordre juridique suisse. Les CoCo sont des titres de créance qui, en cas de survenance d’un évènement déclencheur (trigger event), sont convertis en fonds propres. Une telle conversion a pour effet de créer un nouveau capital-actions, de réduire d’autant l’endettement et d’améliorer la situation de la banque en termes de liquidités compte tenu de la suppression de l’obligation d’amortir les fonds tiers et de payer des intérêts.
Une première catégorie de CoCo prévoira un seuil de déclenchement élevé (fonds propres inférieurs à 7 % des RWA) et sera destinée à stabiliser une banque confrontée à la menace d’une crise. Un deuxième type de CoCo disposera d’un seuil de déclenchement plus bas (fonds propres inférieurs à 5 % des RWA) et a pour objectif d’assurer la base de fonds propres nécessaire à la mise en œuvre du plan d’urgence, dont la vocation est d’assurer le maintien des fonctions d’importance systémique. En sus, les banques peuvent émettre des CoCo dont les termes prévoient un abandon de créance automatique en cas de survenance d’un évènement déclencheur (write-off bonds). Seuls les CoCo dont les termes ont été approuvés par la FINMA pourront être comptabilisés au sein de la composante « volant de sécurité » et de la composante « progressive » des fonds propres réglementaires (cf. Actualité n° 694 ).
La prime de risque exigée lors d’un investissement dans des CoCo (calculée par rapport au taux d’intérêts applicable à des emprunts convertibles traditionnels) devrait refléter la perception du marché quant à la probabilité de la survenance d’une crise et donc d’une conversion des CoCo. Le régulateur disposera ainsi d’un nouvel outil pour identifier la menace d’une crise affectant les émetteurs de CoCo.
B. Etude de l’impact économique du Projet
En parallèle au Message, le Conseil fédéral a publié une étude des conséquences économiques du Projet. Il en découle que le Projet devrait contribuer à renforcer la stabilité des banques concernées et, ainsi, à limiter les coûts engendrés par de futures crises affectant le secteur bancaire. Un resserrement des exigences en matière de fonds propres provoquera cependant un renchérissement des coûts de refinancement des banques concernées et, probablement, une réduction du volume des crédits octroyés. Selon cette étude, la forte concurrence qui régnerait sur le marché des crédits devrait toutefois permettre de satisfaire la demande globale en matière de crédits. L’étude conclut que les avantages des mesures proposées dans le Projet l’emporteraient sur leur coût, du moins sur le long terme.
Sur un plan international, l’impact (positif et/ou négatif) sur la croissance économique des nouvelles exigences de fonds propres qui seront applicables à toutes les banques en vertu des règles dites de « Bâle III » a fait l’objet de nombreuses études, dont les conclusions divergent sensiblement (pour un aperçu, cf. la prise de position du Prof. Hal S. Scott devant le Committee on Financial Services de la Chambre des Représentants américaine, pp. 14 ss). Ces questions délicates et controversées seront sans doute au cœur des débats lorsque le Conseil national se penchera sur le Projet. Pour sa part, le Conseil des Etats a d’ores et déjà approuvé le Projet (avec des modifications mineures) lors de sa séance du 16 juin 2011.