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Blanchiment d’argent

Publication de l'avant-projet de modification de la LBA prévoyant l'échange d'informations

Le 18 janvier 2012, le Département fédéral de justice et police a publié un avant-projet de modification de la loi fédérale concernant la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme dans le secteur financier (AP-LBA-) accompagné d’un Rapport explicatif de décembre 2011 préparé par l’Office fédéral de la police (fedpol). Cet avant-projet est l’œuvre d’un groupe de travail interdépartemental dirigé par fedpol et comptant des représentants du Secrétariat d’Etat aux questions financières internationales et de l’Office fédéral de la Justice. Pour l’essentiel, il vise à permettre au Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent (MROS) d’étendre sa collaboration avec ses homologues étrangers en l’autorisant en particulier à leur communiquer des informations financières indépendamment de toute procédure d’entraide, contrairement à ce qui prévaut aujourd’hui.
Cet avant-projet s’inscrit dans un contexte international dans lequel la Suisse fait (une nouvelle fois) face à des pressions. Premièrement, il a été rédigé en anticipation des recommandations révisées du Groupe d’Action financière (GAFI) – adoptées depuis par la réunion plénière du GAFI le 15 et publiées le 16 février 2012 – dont les recommandations nos 29 et 40 concernent les compétences des cellules de renseignements financiers (CRF) et préconisent que les CRF soient contraintes d’échanger entre elles toutes les informations dont elles disposent. Or le MROS n’est en l’état actuel du droit suisse pas autorisé à remettre des informations financières dès lors que celles-ci sont soumises au secret bancaire et ne peuvent être transmises qu’au terme d’une procédure d’entraide judiciaire.
Deuxièmement, le Groupe Egmont prône également l’échange d’informations financières entre CRF. Or le MROS est apparemment la seule CRF membre du Groupe Egmont à ne pas échanger d’informations financières pour les raisons décrites ci-dessus. Cette particularité suisse a amené le Groupe Egmont à prononcer en juillet 2011 un avertissement de suspension à l’encontre du MROS pour violation des principes fondamentaux du Groupe Egmont en matière d’échange d’informations, assorti d’un délai à juillet 2012 au terme duquel le MROS sera suspendu sous réserve d’avoir d’ici là engagé les modifications législatives requises.
Troisièmement, l’adoption des modifications proposées permettrait à la Suisse de ratifier sans réserve la Convention du Conseil de l’Europe n° 198 relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme dont l’article 46 § 5 prévoit qu’une CRF requise fournisse toutes les informations pertinentes, y compris les informations financières accessibles sans qu’il soit nécessaire de présenter une demande formelle au titre des conventions ou accords applicables entre les parties.
Dans ce contexte, la position du Conseil fédéral exprimée dans le Rapport explicatif est qu’il est « dans l’intérêt de la Suisse de mettre fin à l’obstacle que constitue le secret bancaire à l’exécution de l’entraide administrative et de donner à la Suisse les moyens de participer pleinement à l’échange de toutes les données disponibles » (Rapp., p. 12).
L’AP-LBA doit ainsi permettre à la Suisse de répondre favorablement aux pressions évoquées ci-dessus et introduit deux nouveautés essentielles. D’une part, un nouvel article 11a LBA prévoit que le MROS puisse réclamer des informations complémentaires non seulement à l’intermédiaire financier auteur d’une communication en vertu de l’art. 9 LBA ou 305ter II CP mais également à un intermédiaire financier tiers lorsque la communication démontre que ce dernier a pris ou prend part à une transaction ou une relation d’affaires suspecte et qu’un lien concret existe avec la communication reçue. Dans les deux cas, l’intermédiaire financier doit fournir des informations immédiatement et pour autant qu’il en dispose. D’autre part, le nouvel article 30 LBA (Collaboration avec les homologues étrangers) constitue l’élément central de l’avant-projet et autorise le MROS à transmettre à ses homologues étrangers les données personnelles et les autres informations financières dont il dispose ou qu’il peut obtenir, au rang desquelles comptent notamment le nom de l’intermédiaire financier, le nom du titulaire du compte, le numéro de compte, le montant des avoirs déposés, l’identité des ayants droit économiques et des indications sur les transactions. L’AP-LBA prévoit toutefois que le MROS ne pourrait fournir ces informations que pour autant que son homologue étranger (i) s’engage à n’utiliser les informations qu’à des fins d’analyse dans le contexte de la lutte contre le blanchiment d’argent, les infractions préalables au blanchiment, la criminalité organisée et le financement du terrorisme – l’utilisation de données comme éléments de preuve supposant toujours leur obtention par la voie de l’entraide judiciaire –, (ii) assure la réciprocité au MROS, (iii) soit soumis au secret de fonction ou au secret professionnel et garantisse que celui-ci est effectivement protégé, (iv) s’engage à ne transmettre les informations à des autorités tierces qu’avec l’autorisation explicite du MROS et (v) respecte les obligations et les restrictions d’utilisation du MROS. Ces conditions sont exhaustives et cumulatives.
Enfin, l’on relèvera du point de vue formel, l’avant-projet rassemble et détaille les modalités concrètes de l’entraide administrative dans la loi (et non plus des ordonnances) dans le souci énoncé « d’améliorer la transparence de cet instrument légal » (Rapp., p. 22) et de tenir compte du fait que la « transmission d’informations financières constitue une atteinte importante au secret bancaire » (Rapp. p. 15-16).