Placements collectifs
Le Conseil fédéral approuve la révision de la LPCC
Olivier Stahler
Le 2 mars 2012, le Conseil fédéral a approuvé le message concernant la révision partielle de la Loi fédérale sur les placements collectifs de capitaux (LPCC). Le projet de révision de la LPCC (le « Projet ») sera prochainement examiné par le Parlement de sorte que la LPCC révisée devrait entrer en vigueur début 2013.
Dans son message, le Conseil fédéral souligne que la LPCC n’offre pas une protection adéquate des investisseurs et ne répond pas aux exigences internationales. Le Projet a pour but de combler les lacunes de la réglementation actuelle en matière d’administration, de garde et de distribution de placements collectifs, soit les domaines connus des juristes germanophones sous la dénomination des « 3V » (Verwaltung, Verwahrung, Vertrieb). S’agissant des exigences internationales, on se rappellera que la Directive européenne sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs (« Directive AIFM »), a pour conséquence qu’à partir de mi-2013, l’administration de fonds non-traditionnels ne pourra être déléguée à des gestionnaires non-européens que si ces derniers sont soumis à une surveillance équivalente à celle découlant de la Directive AIFM. La révision de la LPCC vise à répondre à ce critère d’équivalence dicté par la Directive AIFM (cf. actualité n° 718). Le Projet ne se limite toutefois pas à satisfaire aux exigences internationales. Sous le couvert de la protection des investisseurs, le Projet introduit en effet un Swiss finish déjà vivement critiqué par la place financière suisse.
Sous l’angle de l’administration (Verwaltung) de placements collectifs, le Projet prévoit un assujettissement obligatoire de tout gestionnaire suisse de placements collectifs étrangers. A cet égard, le Projet du 2 mars 2012 est moins strict que la version initiale du Département fédéral des finances du 6 juillet 2011. En ligne avec les seuils de la Directive AIFM, le Projet prévoit en effet que le Conseil fédéral pourra faire bénéficier les « petits » gestionnaires d’un régime allégé. Dans un souci de compétitivité de la place financière suisse, il serait souhaitable que le Conseil fédéral calque son régime d’exemption sur celui de la Directive AIFM.
Afin de satisfaire au critère d’équivalence ancré dans la Directive AIFM, le Projet prévoit que les décisions en matière de placements ne peuvent être déléguées à des gestionnaires de placements collectifs à l’étranger que si une convention de coopération et d’échange de renseignements a été conclue entre la FINMA et les autorités étrangères de surveillance concernées. Cette exigence s’applique quelque soit la structure considérée, et indépendamment de l’application de la Directive AIFM. Afin de préserver la compétitivité de la place financière suisse, il faudrait toutefois permettre la gestion de fonds étrangers non-européens sans exiger de convention de coopération avec les autorités de surveillance des juridictions extracommunautaires. A défaut, cette exigence de conventions de coopération risquerait d’entraver les relations avec les autorités de surveillance étrangères et inciterait certains gestionnaires à quitter la Suisse.
Quant à la question de la garde (Verwahrung) de la fortune des placements collectifs, le Conseil fédéral souligne à juste titre que la réglementation des tâches de la banque dépositaire ancrée à l’actuel article 73 LPCC est rudimentaire. Le Projet prévoit que la banque dépositaire ne peut confier la garde de la fortune collective à un tiers que si celui-ci est soumis à une surveillance en Suisse ou à l’étranger. Le Projet renforce également la responsabilité de la banque dépositaire en cas de délégation, sans toutefois introduire de responsabilité causale.
La réglementation de la distribution (Vertrieb) des placements collectifs préconisée par le Projet est particulièrement stricte. Le Projet se distancie de la notion bien connue d’ »appel au public » (cf. actualité n° 748). Le Projet se fonde désormais sur le concept de « distribution » à des investisseurs qualifiés, respectivement non-qualifiés. On relèvera que le Projet, contrairement au premier projet du 6 juillet 2011, ne restreint plus la distribution aux clients sous mandat de gestion discrétionnaire. L’acquisition de placements collectifs dans le cadre d’un contrat de gestion n’est en effet pas considérée comme de la « distribution » soumise à la LPCC.
Une des principales nouveautés en matière de distribution apportées par le Projet, concerne la réglementation de la distribution de placements collectifs étrangers à des investisseurs qualifiés. Le Projet prévoit en effet la désignation d’un représentant suisse tant pour la distribution à des investisseurs qualifiés, qu’à des investisseurs non-qualifiés. Les placements collectifs étrangers distribués à des investisseurs qualifiés ne devront certes pas être approuvés par la FINMA, mais le représentant légal devra s’assurer que les placements collectifs qu’il représente remplissent diverses conditions. Ces conditions sont particulièrement contraignantes. Elles comprennent notamment une exigence d’équivalence entre la LPCC et la réglementation étrangère applicable ainsi que l’existence de conventions de coopération et d’échange de renseignements entre la FINMA et les autorités étrangères de surveillance concernées par la distribution. De nombreux placements collectifs étrangers ne pourront pas remplir ces conditions et leur distribution à une clientèle qualifiée, dont le besoin de protection est moindre, serait dès lors prohibée. Il devrait en résulter une réduction substantielle de l’offre de produits financiers sur le marché suisse et ce alors même que la diversité des véhicules de placements disponibles a contribué à l’essor de la place financière.
Si une révision rapide de la LPCC s’impose eu égard à l’échéance européenne de mi-2013, on regrettera toutefois que le Conseil fédéral ait dans son Projet du 2 mars 2012 introduit un Swiss finish. Ces exigences, qui ne découlent pas de la réglementation internationale, affecteront les intermédiaires financiers et les investisseurs qualifiés et n’amélioreront certainement pas la compétitivité de la place financière suisse. Le dernier mot sur ces questions cruciales appartient toutefois au Parlement.