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Arrêt du TAF

Entraide administrative avec les USA

Le Tribunal administratif fédéral (TAF) a admis, dans un arrêt du 5 avril 2012 n°A-737/2012, le recours d’un client du Credit Suisse qui s’est opposé à ce que ses données bancaires soient transmises aux autorités fiscales américaines.
Le 26 septembre 2011, l’Internal Revenue Service (« IRS ») a déposé une requête d’entraide administrative fondée sur l’art. 26 de la Convention du 2 octobre 1996 entre la Confédération suisse et les Etats-Unis d’Amérique en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu (CDI-US 96 ; RS 0.672.933.61) ainsi que sur le protocole et l’accord y relatifs. L’IRS soupçonnait des collaborateurs du Credit Suisse d’avoir activement assisté des clients de la banque à dissimuler leur revenu et fortune au fisc américain. La requête d’entraide concernait des contribuables fiscalement assujettis aux USA ayant des relations auprès du Credit Suisse Group AG ou de ses filiales. Il est précisé que certains des montants concernés provenaient d’anciens clients d’UBS ayant transférés leurs fonds entre 2008 et 2009 auprès du Credit Suisse. Les autorités américaines ont requis la transmission d’informations sur les clients/contribuables qui ont eu un pouvoir de disposition sur des relations bancaires ouvertes dans les livres du Credit Suisse entre 2002 et 2010.
L’IRS a notamment été alerté par le fait que plusieurs clients avaient volontairement annoncé avoir des valeurs non déclarées auprès du Credit Suisse dans le cadre de programmes de divulgation volontaire mis en place par les USA. Les autorités américaines reprochent entre autres aux employés du Credit Suisse de ne pas avoir respecté les accords QI (« Qualified Intermediary ») en omettant de faire remplir aux clients le formulaire IRS W-9, ce qui aurait permis à l’IRS d’identifier les contribuables concernés.
Afin de motiver sa demande, l’IRS se fonde notamment sur le chiffre 10 du protocole 96 ainsi que sur les chiffres 4(c) et 4(d) de l’accord 03 relatifs à la CDI-US 96. La demande d’entraide ne contient toutefois pas de coordonnées de clients et seul le comportement des collaborateurs du Credit Suisse y est décrit.
Le 27 et 31 octobre 2011, l’AFC a requis du Credit Suisse la transmission des documents demandés et l’information des clients concernés par la banque. Elle a également publié une annonce dans la Feuille fédérale relative à cette demande d’entraide le 29 novembre 2011 et a rendu une décision de clôture et de transmission des documents à l’étranger le 6 janvier 2012.
Le 8 février 2012, un client du Credit Suisse a recouru au TAF contre la décision de clôture de l’AFC. Celui-ci dénonce une violation de son droit d’être entendu, du fait qu’il n’a pas pu se prononcer avant que l’AFC ne rende sa décision de clôture. Le TAF précise alors que la violation de ce droit peut en principe être réparée lors d’un recours auprès de l’instance administrative compétente.
Le TAF estime que l’AFC a respecté la procédure applicable en matière de notification par la publication dans la Feuille fédérale de l’annonce relative à cette procédure d’entraide, conformément aux articles 36 PA et 20l al. 4 de l’Ordonnance relative à la CDI-US 96 et que, par conséquent, le droit d’être entendu du client a été respecté.
Le tribunal rappelle ensuite les principes généraux applicables à l’interprétation des traités internationaux, dont celui de la bonne foi, et précise que la notion de « fraude fiscale ou délit semblable » inscrite à l’art. 26 CDI-US 96, nécessaire à l’échange d’informations, doit être interprétée conformément au droit suisse. Nous rappelons que de jurisprudence constante, la fraude fiscale se distingue de la simple soustraction d’impôts par le comportement astucieux de son auteur qui se traduit par l’usage de faux documents en vue de dissimuler ses avoirs.
Le TAF indique que le principe de proportionnalité doit également être respecté dans le cadre de l’entraide administrative internationale, ce qui implique en particulier un intérêt public prépondérant à la transmission des informations requises et un descriptif des faits pertinents par l’autorité requérante. Il n’est toutefois pas essentiel que l’autorité requérante indique les noms des clients concernés par la demande.
Selon le TAF, l’autorité d’exécution de la demande d’entraide se doit d’examiner si, selon les faits décrits par l’autorité requérante, il existe des soupçons raisonnables de commission de l’infraction susceptibles de déclencher la transmission des informations. En cas de doute raisonnable, la demande d’entraide doit être refusée.
En l’espèce, le TAF relève en particulier que, selon la demande d’entraide, seules les activités des employés du Credit Suisse semblent pouvoir être constitutives de « fraude et délits semblables » selon la CDI-US 96. Le TAF précise également que le fait de ne pas avoir complété un formulaire (IRS W9) ne peut pas non plus être constitutif de « fraude et délits semblables » mais pourrait uniquement constituer, dans les cas les plus graves, une soustraction d’impôts ne permettant pas l’octroi de l’entraide. Par ailleurs, la condition de l’astuce nécessaire à la commission, par le client, d’une fraude au sens de la CDI-US 96 ne peut pas non plus être établie selon les faits énoncés par l’IRS ; les soupçons d’une éventuelle fraude fiscale commise par le client ne peuvent en l’espèce qu’être déduits du comportement des employés de la banque selon la demande de l’IRS.
Au vu de ce qui précède, le TAF conclut que l’octroi de l’entraide dans un tel cas serait constitutif d’une violation du principe de proportionnalité et admet ainsi le recours du client. Le jugement rendu ne peut pas faire l’objet d’un recours au Tribunal fédéral en application de l’art. 83 let. h LTF.
Cet arrêt constitue une confirmation par le TAF de sa jurisprudence selon laquelle le seul soupçon de simple soustraction d’impôts ne permet pas d’accorder l’entraide administrative sur la base de la CDI-US 96, et cela également lorsque des montants importants sont en jeu. Un tel arrêt ne peut que nous réjouir du point de vue de l’application du droit dans le cadre de requêtes d’entraide étrangères.