Rémunération au sein des banques
L'Autorité bancaire européenne publie son premier rapport relatif aux pratiques européennes en matière de rémunération

Ilias Pnevmonidis
Le 12 avril 2012, l’Autorité bancaire européenne (ci-après “ABE”) a publié son premier rapport révélant les résultats de son étude sur l’application des “[Guidelines on Remuneration Policies and Practices” par les 27 Etats membres et leurs secteurs bancaires. D’une manière générale, l’ABE s’est déclarée satisfaite de la transposition des Guidelines aux ordres juridiques nationaux et des efforts positifs entrepris par les établissements bancaires de l’UE afin d’améliorer leurs pratiques de rémunération. Néanmoins, le rapport met aussi en évidence de grandes disparités en matière d’interprétation et de mise en œuvre de ces Guidelines parmi les différentes banques de l’Union. Par ailleurs, l’ABE pointe du doigt les techniques sous-développées qu’utilisent les banques européennes afin de calculer les bonus de leurs employés, techniques qui sont très peu alignées avec les risques pris par les banquiers.
Le prédécesseur de l’ABE, le Comité européen des contrôleurs bancaires (ci-après “CEBS”), issu de la procédure Lamfalussy, a publié les Guidelines en question le 10 décembre 2010. En réalité, l’objectif ultime du CEBS était de faciliter, avec ses Guidelines, la mise en œuvre des règles contraignantes de l’Annexe V de la Directive européenne dite CRD III (Capital Requirements Directive III), concernant les politiques de rémunération globale dans le secteur des services financiers. La CRD III est entrée en vigueur en janvier 2011.
En premier lieu, le rapport constate que la marge de flexibilité laissée aux Etats membres concernant l’interprétation de certains principes de la CRD III peut conduire à une non-uniformité de leur application. Parmi les Etats membres (exemples cités dans le rapport : l’Italie, le Royaume-Uni et l’Allemagne), il y a une divergence importante concernant le champ d’application des lois et des ordonnances transposant les règles de la Directive. Par conséquent, ces pratiques divergentes peuvent nuire aux efforts entrepris pour aligner et améliorer les politiques de rémunération au sein de l’Union, ainsi que porter préjudice aux principes généraux du droit de la concurrence. Par ailleurs, ces politiques de régulation divergentes rendent quasi-impossibles les efforts visant à assurer une cohérence accrue quant aux pratiques de rémunération au sein des groupes bancaires effectuant des opérations transfrontières.
D’un autre côté, selon l’ABE, les banques européennes utilisent de nombreux critères, qualitatifs et quantitatifs, afin d’identifier les catégories d’employés dont les activités professionnelles peuvent avoir une incidence significative sur leur profil de risque. Dans la majorité des cas, les banques ont tendance à désigner un nombre très limité d’employés comme étant susceptibles d’influencer leur profil de risque (moyenne entre 0.5 et 5 % du nombre total d’employés). Un grand défi pour les banques par rapport à la mise en œuvre des Guidelines reste toujours l’interprétation du terme ambigu « preneurs de risque » utilisé dans la CRD III.
La CRD III a introduit l’obligation pour les banques d’établir un équilibre approprié entre les composantes fixes et variables de la rémunération. La composante fixe doit représenter une part importante de la rémunération globale. Dans la plupart des cas, ce sont les banques elles-mêmes qui fixent le ratio exprimant cet équilibre selon des critères peu clairs et rarement divulgués. Ainsi, la conclusion générale de l’étude de l’ABE montre clairement que la part variable reste toujours beaucoup plus importante que la composante fixe, presque dominante dans la rémunération. Parmi les Etats membres, la moyenne de ces ratios est de 122 % pour les cadres et de 139 % pour d’autres « preneurs de risque » identifiés par les banques, avec des valeurs maximales signalées de 220 % et de 313 % respectivement. Le plus grand ratio signalé dans un Etat membre seulement allait jusqu’à 429 %, respectivement 940 %.
Suite à ces constatations, le commissaire aux services financiers de l’Union, Michel Barnier, s’est dit très inquiet et partage pleinement l’évaluation de l’ABE selon laquelle de telles pratiques pourraient inciter le personnel à prendre trop de risques afin d’assurer un certain niveau minimum de rémunération.
Selon la CRD III, une part importante d’au moins 50 % de la composante variable de la rémunération doit être composée d’un équilibre approprié entre actions et autres produits dérivés. L’ABE souligne que la majorité des banques européennes ne respecte toujours pas cette règle.
Par ailleurs, la rémunération variable garantie et les golden parachutes doivent rester des pratiques limitées aux cas décrits dans l’Annexe V de la CRD III. L’étude de l’ABE met toutefois en exergue des politiques de classification douteuses et peu claires entreprises par les banques, eu égard aux politiques de rémunération susmentionnées.
Enfin, malgré le fait que tous les Etats membres de l’Union ont transposé les règles de la CRD III en matière de publication des informations sur les pratiques de rémunération dans le droit interne, cette obligation se heurte à de nombreuses règles nationales et européennes sur la protection du traitement des données à caractère personnel. Par conséquent, tout progrès dans ce domaine reste limité.
Après ce premier rapport, l’ABE s’est engagée à publier d’ici la fin de l’année 2012 des informations quantitatives agrégées sur les rémunérations, ventilées par domaine d’activité, et des Guidelines relatives à la collection des données des salariés, dont le montant de la rémunération excède € 1 million.