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Echange d’informations fiscales

Le Conseil fédéral adopte son Message concernant la mise en oeuvre du FATCA en Suisse

Suite à l’affaire UBS, les failles du système de Qualified Intermediary (QI) ont été sérieusement étudiées aux Etats-Unis pour permettre à l’administration Obama de proposer une nouvelle loi contre la soustraction d’impôts (tax evasion). Le 18 mars 2010, le Congrès adopta le « Foreign Account Tax Compliance Act » (FATCA), qui repose sur la même idée que celle de son prédécesseur et s’efforce d’en améliorer la réalisation. Le 10 avril 2013, le Conseil fédéral rendait public son message « relatif à l’approbation de l’accord entre la Suisse et les Etats-Unis d’Amérique sur leur coopération visant à faciliter la mise en œuvre du FATCA ainsi qu’au projet de loi fédérale sur la mise en œuvre de cet accord ». Après avoir inscrit ces deux textes législatifs dans le contexte de la loi américaine (I.), on essaiera, dans le format court qui sied aux actualités, de montrer d’abord les spécificités de l’accord conclu par la Suisse (II.), avant d’en présenter les grandes lignes (III.).

(I.) L’idée-force de FATCA est la suivante :

La responsabilité de la récolte et de la communication des renseignements nécessaires à l’établissement correct de la créance d’impôt doit pouvoir être déléguée à des acteurs privés, mieux placés que l’autorité fiscale américaine (IRS) pour accomplir ce type de tâches. Ces acteurs privés, ce sont les établissements qui gèrent ou détiennent des avoirs et occupent de fait une position centrale. La loi les qualifie d’« établissements financiers » (financial institutions). A la différence de la procédure d’échange de renseignements en application des standards de l’OCDE, le FATCA vise à établir une communication directe entre les établissements financiers et le fisc américain.

Son efficacité passe par un champ d’application mondial :

Tant la résidence aux Etats-Unis que la citoyenneté américaine entraînent un assujettissement illimité à l’impôt américain de sorte que le succès (ou l’échec) de cette loi dépend de l’étendue géographique des effets qu’elle déploie : partout où un contribuable américain est susceptible d’ouvrir un compte, il doit pouvoir être identifié et contrôlé. Afin de s’assurer une « coopération » à l’échelle mondiale, le législateur américain a ainsi recouru au mécanisme de la contrainte indirecte : les établissements financiers qui refuseraient de se conformer au FATCA devront supporter un désavantage concurrentiel sous la forme de sanctions pécuniaires, puis commerciales.

En dehors de la question de principe d’une loi fiscale au caractère extraterritorial, le FATCA a essuyé des critiques du Canada à la Chine, en passant par le Luxembourg en raison des coûts administratifs considérables qu’elle entraîne. Sans infléchir leur volonté de lutter contre les fraudeurs, les autorités américaines ont ainsi initié des négociations en vue de la conclusion d’accords bilatéraux facilitant la mise en œuvre du FATCA (avec la Suisse, Joint Statement […] du 21 juin 2012). Le 17 janvier 2013, l’IRS a publié ses dispositions d’exécution définitives sur FATCA (Final Regulations) qui précisent, sur plus de 500 pages, le champ d’application de la loi, les devoirs de vérification des comptes préexistants et nouveaux, ainsi que les obligations de diligence des établissements financiers situés à l’étranger du point de vue américain (FFI). Ces dispositions d’exécution de l’IRS ne peuvent être ignorées, car elles sont susceptibles de devenir du droit suisse.

(II.) Le 14 février 2013, la Suisse et les Etats-Unis d’Amérique ont conclu, sur ces bases, un accord visant à faciliter la mise en œuvre du FATCA (l’Accord FATCA-CH). Celui-ci comporte des spécificités par rapport au modèle utilisé préalablement avec d’autres Etats (Modèle I). L’Accord FATCA-CH prévoit l’instauration d’un mécanisme d’obtention du « consentement irrévocable » du client, au lieu d’un échange automatique de renseignements, pour permettre de lever l’interdiction faite aux banques suisses de communiquer des informations sur leurs clients (Modèle II). En l’absence de consentement (face à un « titulaire de compte non-coopératif), les renseignements sur le compte seront tout de même transmis à l’IRS sous forme « agrégée », avec l’ensemble des autres comptes dans la même situation. Cela permettra à l’IRS de déposer une demande groupée pour obtenir des informations plus détaillées. L’établissement financier suisse devra par ailleurs refuser l’ouverture de tout nouveau compte d’une « personne américaine » qui ne donnerait pas son consentement à la transmission des données. Au reste, tant que la Suisse s’opposera à l’échange automatique de renseignements, les Etats-Unis s’opposeront à assortir cet accord bilatéral d’une clause de réciprocité.

(III.) Sur le fond, l’Accord FATCA-CH prévoit notamment que les « établissements financiers suisses rapporteurs », à savoir ceux qui sont soumis, sans restriction, à l’application du FATCA, devront s’enregistrer auprès de l’IRS avant le 1er janvier 2014. Les mêmes devront en outre conclure un contrat spécifique avec l’IRS (Contrat FFI), duquel naîtront des obligations de diligence vis-à-vis du fisc américain. Parmi ces obligations, il y a l’identification des « comptes individuels préexistants » de « personnes américaines » (U.S. Persons) et la communication de leurs données personnelles (noms, adresse et numéro d’identification fiscal américain [TIN]). L’établissement financier diligent devra en particulier s’assurer qu’il connaît l’identité de l’ayant-droit économique du compte («  beneficial owner »), à savoir celui ou celle qui détient ultimement le pouvoir de contrôle sur les fonds. Par exemple, l’interposition de société(s) écran(s) (« foreign shell entities ») ne devra pas empêcher les établissements financiers d’identifier le détenteur des fonds. Les établissements financiers s’engageront aussi à renseigner annuellement l’IRS sur le solde du compte et les revenus acquis ou réalisés au cours de la période d’examen. Face à un « titulaire de compte non-coopératif », ils devront, si la procédure d’échange de renseignements n’aboutit pas dans un délai de 8 mois, retenir un impôt à la source et en verser le produit à l’IRS. L’Accord FATCA-CH comporte enfin deux annexes importantes. Sans entrer dans le détail, on peut observer ce qui suit : la première décrit notamment les obligations de diligence en relation avec l’identification des comptes des « personnes américaines » (1.) ; la seconde introduit la notion « d’établissements financiers non-rapporteurs » et celle de « produits exemptés » (2.).

S’agissant en particulier des obligations d’identification des « comptes individuels préexistants », une distinction peut être opérée par l’établissement financier en fonction de la valeur du compte : (i.) les comptes dont la valeur est inférieure à USD 50’000 n’ont pas à être identifiés ; (ii.) les comptes dont la valeur se situe entre USD 50’000 et USD 1’000’000 peuvent être identifiés à l’aide de vérifications des données par voie électronique uniquement ; (iii.) les comptes qui franchissent le seuil de USD 1’000’000 doivent être identifiés au moyen de vérifications électroniques, puis physiques si cela s’avère nécessaire.

Quoique l’Accord FATCA-CH contienne des dispositions directement applicables (notamment les annexes I et II), certaines d’entre elles doivent être précisées. Il a donc fallu élaborer un projet de loi fédérale pour en assurer la mise en œuvre (le Projet de loi). Ce dernier indique tout d’abord que « Les obligations des établissements financiers suisses envers l’IRS sont régies par la législation applicable aux Etats-Unis, y compris les Final Regulations de l’IRS, sauf disposition contraire prévue expressément par l’accord FATCA-CH » (Message, p. 15). Il règle en outre l’exécution des obligations des établissements financiers suisses (art. 4 à 10) ; la procédure et la transmission des renseignements sur la base des demandes groupées de l’IRS (11 à 13) et le prélèvement de l’impôt à la source (16 et 17). A l’instar de la loi sur l’imposition internationale à la source mettant en œuvre les « Accords Rubik », le Projet de loi introduit enfin des sanctions pénales et cela en cas de violations des dispositions de l’Accord FATCA-CH ou de la loi elle-même (art. 19 à 22).