Droit à l'information
Parcours du combattant pour les héritiers de l'ayant droit économique
Endrit Poda
Un récent arrêt du Tribunal fédéral (arrêt 5A_434/2012 du 18 décembre 2012, non destiné à la publication) revient sur la situation d’un intermédiaire financier dans un litige successoral concernant une structure patrimoniale (deux sociétés offshores détenues par un trust). Deux héritiers contestaient les prélèvements faits sur les avoirs de la structure patrimoniale -dont le de cujus était l’ayant droit économique- au bénéfice de la compagne de ce dernier. Ils demandaient à ce que l’autorité compétente genevoise fasse porter à un inventaire conservatoire, au sens de l’art. 553 CC, tant les avoirs détenus par l’entité susmentionnée, que les prélèvements opérés sur les fonds de ladite entité. Pour ce faire, l’autorité compétente était donc contrainte d’obtenir les renseignements de la part de l’intermédiaire financier genevois qui servait d’intermédiaire pour la structure patrimoniale et qui effectuait des versements au bénéfice de la compagne du de cujus. Ayant eu partiellement gain de cause devant la Cour de Justice du canton de Genève, les demandeurs ont interjeté un recours en matière civile devant le Tribunal fédéral. Les juges fédéraux devaient examiner, dès lors, si l’intermédiaire financier était tenu de donner des renseignements à l’autorité compétente genevoise, en vertu de l’art. 553 al. 1 CC, au sujet de transferts en provenance de comptes dont le de cujus était l’ayant droit économique.
Selon les juges de Mon Repos, l’inventaire conservatoire, relevant de la juridiction gracieuse, constitue seulement une mesure provisoire de sûreté dont le but est d’éviter que des biens ne disparaissent entre l’ouverture de la succession et le partage. L’autorité chargée de l’inventaire conservatoire ne saurait statuer définitivement dans le cadre d’une procédure gracieuse sur la question de l’existence et de l’étendue du droit aux renseignements, car elle priverait l’intermédiaire financier à l’égard duquel les informations sont demandées d’une procédure contradictoire. Et le Tribunal fédéral de préciser que l’intermédiaire financier ne doit renseigner l’autorité compétente que lorsque le droit aux renseignements apparait d’emblée évident, à savoir, notamment lorsque le défunt était titulaire des avoirs.
S’agissant des avoirs dont le défunt était l’ayant droit économique, le droit aux renseignements n’était ici pas d’emblée évident, dès lors que l’intermédiaire financier avait affirmé ne détenir aucun bien, titre ou avoir dépendant de la succession. L’obtention d’informations au stade de l’établissement de l’inventaire conservatoire aurait eu comme conséquence de rendre toute contestation civile au sujet du droit aux renseignements illusoire. L’autorité compétente n’était donc pas en droit d’obtenir ces renseignements, en invoquant l’art. 553 CC, au sujet de transferts en provenance des avoirs dont le de cujus était l’ayant droit économique.
Notre Haute Cour n’examina pas une éventuelle possibilité d’obtenir des renseignements de l’intermédiaire financier au sujet des avoirs de la structure patrimoniale au moment du décès du de cujus, puisque cette question n’était pas litigieuse devant le Tribunal fédéral. Selon toute vraisemblance, les juges fédéraux auraient écarté également un tel devoir aux renseignements, en s’appuyant sur le raisonnement susmentionné.
Le Tribunal fédéral n’a pas encore tranché la question de savoir si les héritiers peuvent faire une demande de renseignements qui porte sur des comptes tiers dont le de cujus était l’ayant droit économique, en se prévalant des art. 581 al. 2 et 607 al. 3 CC. Par contre, tant la jurisprudence cantonale genevoise que la tessinoise ont accordé un tel droit aux renseignements à l’héritier réservataire à condition que ce dernier rend vraisemblable une lésion de sa réserve et la vocation successorale d’avoirs appartenant à une structure patrimoniale. Les jurisprudences précitées ne se prononcent cependant pas sur les bases légales qui doivent obliger l’intermédiaire financier à fournir des informations concernant des comptes tiers.