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Aides d'état

Refonte de la Communication de la Commission européenne consacrée aux aides d’Etat accordées au secteur bancaire

En date du 10 juillet 2013, la Commission européenne (la « Commission ») a annoncé avoir procédé à une refonte de sa communication relative aux aides d’Etat dans le secteur bancaire. La nouvelle communication est destinée à entrer en vigueur le 1er août 2013.
Afin de mieux appréhender les conséquences de ce changement, un bref rappel du régime légal communautaire en matière d’aides d’Etat s’impose. Le cœur de la matière se trouve à l’article 107 al. 1 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (le « TFUE ») qui prohibe, en principe, « les aides accordées par les Etats […] qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ».
En droit communautaire, la notion d’aide d’Etat comprend les quatre éléments suivants :

  • Il doit s’agir d’une intervention de l’Etat ou au moyen de ressources d’un Etat.
  • Cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre Etats membres de l’UE.
  • Cette intervention doit accorder un avantage à son bénéficiaire.
  • Cette intervention doit fausser, ou menacer de fausser, la concurrence.

La Commission peut autoriser certaines formes d’aides d’Etat, notamment celles « destinées à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un Etat membre » (article 107 al. 3 lit. b TFUE).
La crise financière de 2008/2009 a amené de nombreux Etats membres de l’UE à mettre en œuvre des plans de soutien en faveur de leur secteur bancaire. Confrontée à des appels pressants de suspendre l’application des règles sur les aides d’Etat pour la durée de la crise financière, la Commission indiqua (i) que « the state aid rules are part of the solution, not part of the problem » et (ii) que la crise financière pouvait constituer une « perturbation grave de l’économie » (au sens de l’article 107 al. 3 lit. b TFUE) qui rend certaines aides d’Etat admissibles. Sur cette base, la Commission procéda à un examen individuel des mesures de soutien au secteur bancaire afin de garantir leur caractère ciblé, proportionné et propre à minimiser les distorsions de concurrence induites par toute intervention de l’Etat dans l’économie.
En sus, la Commission publia quatre communications destinées à formaliser sa pratique en la matière : (i) la Communication de 2008 concernant le secteur bancaire (publiée le 13 octobre 2008), (ii) la Communication concernant les mesures de recapitalisation (publiée le 8 décembre 2008), (iii) la Communication concernant les actifs dépréciés (publiée le 25 février 2009) et (iv) la Communication concernant les mesures de restructuration (publiée le 23 juillet 2009).
Les trois premières communications abordent les trois principales mesures de soutien étatiques, à savoir (i) la garantie de certains engagements (notamment afin de relancer le marché des prêts interbancaires), (ii) la souscription de capital ou d’instruments analogues (afin de renforcer la base de fonds propres des banques concernées) et (iii) le transfert d’actifs dépréciés vers une structure de défaisance (bad bank). La quatrième communication présente les mesures de restructuration (e.g., limitation de la taille du bilan, abandon de certaines activités) que chaque Etat membre de l’UE doit exiger du bénéficiaire d’une aide d’Etat afin d’atténuer les distorsions de concurrence (e.g., aléa moral (moral hazard) inhérentes à une intervention sélective de l’Etat dans l’économie.
La nouvelle communication, qui fait l’objet de la présente actualité, reflète la future pratique de la Commission en la matière et constitue une mise à jour des communications citées ci-dessus :

  • Plan de restructuration/liquidation : Compte tenu de l’urgence qui prévalait durant la crise financière, la Commission avait accepté d’autoriser provisoirement des aides d’Etat en matière de recapitalisation ou de transfert d’actifs dépréciés avant la présentation d’un plan de restructuration du bénéficiaire. La motivation à procéder à une restructuration une fois l’aide d’Etat allouée s’en est ressentie. La détente observée sur les marchés financiers amène la Commission à exiger dorénavant que toute requête en autorisation d’une mesure étatique de recapitalisation ou de transfert d’actifs dépréciés soit accompagnée d’un plan expliquant les mesures de restructuration destinées à limiter les distorsions de concurrence.
  • Répartition des charges entre les secteurs privé et public : Avant de pouvoir bénéficier d’un soutien étatique par le biais d’une recapitalisation ou d’un transfert d’actifs dépréciés, toutes les solutions permettant de générer des fonds propres par le biais de mécanismes du marché – y compris la conversion forcée d’emprunts subordonnés (mais pas la conversion des créances des déposants) – doivent avoir été épuisées. Ces mesures doivent être détaillées dans un plan de mobilisation de capitaux qui doit être remis à la Commission. Au plus fort de la crise, la Commission appréciait cette exigence de répartition des charges (burden sharing) de manière flexible afin d’éviter que sa mise en œuvre n’accélère la déstabilisation des marchés financiers.
  • Organes : La Commission annonce que l’octroi d’une aide d’Etat implique en principe le remplacement des organes dirigeants du bénéficiaire. Par ailleurs, la rémunération de chaque employé ou organe du bénéficiaire d’une aide d’Etat doit être plafonnée à 15 fois le salaire national moyen observé de l’Etat concerné (selon les statistiques de l’OCDE) ou à 10 fois le salaire moyen des employés de la banque concernée. L’on remarquera ici un certain parallélisme avec un objet de l’actualité politique suisse.

L’examen des règles d’Etat en vigueur dans l’UE revêt un intérêt pour la Suisse. Dans ce domaine, le cadre légal suisse est encore embryonnaire (cf. toutefois certains principes généraux figurant dans la Loi fédérale sur les aides financières et les indemnités). La question d’un éventuel comblement de ce vide réglementaire est loin d’être académique si l’on songe que la Confédération et la Banque nationale suisse ont engagé un montant correspondant à plus de 8 % du PIB suisse pour soutenir UBS SA en octobre 2008. La question des aides d’Etat (accordées en Suisse et dans l’UE) est également l’un des volets du dialogue en matière fiscale actuellement en cours entre la Suisse et l’UE (cf., par exemple, le rapport du Département fédéral des finances du 7 novembre 2007).