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Entraide en matière fiscale

Vers un échange automatique de renseignements fiscaux

A l’issue du sommet londonien de 2009, les dirigeants des Etats membres du G20 proclamaient la fin d’une ère : celle du secret bancaire. A l’occasion des rencontres subséquentes, ces déclarations furent suivies d’engagements, puis d’actes. La Suisse naturellement a entamé d’importantes réformes législatives et réglementaires sous le contrôle du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales. Elle n’est pas la seule à s’être mise en mouvement (sur la Peer Review du Forum Mondial, voir Commentaire n° 892). En septembre 2013, c’est encore sur le terrain fiscal que les chefs d’Etats et de gouvernements rassemblés à Moscou ont affiché les principaux résultats de leur rencontre.

– L’annonce phare de ce sommet, c’est le développement d’un standard de coopération international jugé plus efficace pour lutter contre la soustraction d’impôt : l’échange automatique de renseignements (voir « G20 Leaders’ Declaration » et ses annexes).

– Parallèlement à cela, les mêmes ont déclaré vouloir se saisir du problème de l’érosion de la base imposable (tax base erosion) qui résulte des techniques de planification fiscale internationale.

Il serait hâtif de considérer ces mesures comme les prémices d’une entreprise d’harmonisation fiscale à l’échelle internationale. Mais, on peut observer que la fiscalité, premier et dernier bastion de la souveraineté des Etats, tend à être pensée également dans une perspective globale. Sans s’aventurer davantage sur cette question, on se limitera ici à une présentation sommaire de quelques-uns des éléments caractéristiques de l’échange automatique (I.) et des sources à partir desquelles les autorités devraient pouvoir opérer (II.).

I. Sur le plan conceptuel, l’échange automatique suppose la transmission systématique de renseignements entre autorités fiscales. Concrètement, le pays de la source des revenus achemine les renseignements vers le pays de résidence du contribuable sur une base régulière et continue. A cet égard, l’échange automatique se distingue de l’échange sur demande. Pour le reste, l’autorité compétente de l’Etat de résidence reste tenue au secret de fonction et s’engage en principe à n’utiliser les renseignements reçus qu’aux fins de la procédure fiscale.

L’échange automatique, tel qu’envisagé au sein de l’OCDE, se distingue du mécanisme prévu dans le cadre de l’Accord FATCA entre la Suisse et les Etats-Unis dans la mesure où les renseignements ne sont pas communiqués directement à l’autorité fiscale étrangère (p. ex. IRS) par le débiteur du revenu (p. ex. établissement financier ou employeur). Les renseignements sont échangés entre autorités fiscales. L’autorité compétente de l’Etat de la source du revenu doit ainsi dans un premier temps se procurer les renseignements pertinents auprès des débiteurs situés dans sa juridiction. Cela fait, elle les transmet à l’autorité fiscale de l’Etat de résidence du contribuable. En pratique, les renseignements peuvent concerner aussi bien des revenus issus de la fortune ou du capital (p. ex. dividendes, loyers ou intérêts), que des revenus du travail (p. ex. salaires ou tantièmes). L’échange automatique implique en conséquence de traiter un nombre considérable d’informations et de les organiser. Celles-ci étant parfois diffuses, d’importants moyens logistiques doivent pouvoir être déployés. Le soutien d’informaticiens travaillant sur la conception de logiciels intelligents et de plus en plus performants devrait permettre aux autorités fiscales de réaliser ces tâches avec une efficacité croissante.

II. Sur le plan juridique, l’Union européenne connaît déjà un texte qui prévoit l’application de l’échange automatique de renseignements. Il s’agit de la Directive du Conseil du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal (Directive 2011/16/UE). Celle-ci prévoit que les Etats membres échangent à compter du 1er février 2014 des informations portant sur les revenus professionnels, jetons de présence, certains produits d’assurance sur la vie, pensions, propriété et certains revenus immobiliers (art. 8 al. 1). Dès 2017, cette liste devrait s’étendre aux dividendes, plus-values et redevances (art. 8 al. 5 let. b). La Directive 2011/16/UE règle aussi les conditions auxquelles un échange spontané de renseignements peut intervenir entre autorités fiscales (art. 9), ainsi que les délais dans lesquels la transmission doit être effectuée (art. 10). L’assistance spontanée suppose qu’une autorité fiscale transmette les renseignements dont elle présume qu’ils présentent un intérêt pour sa contrepartie étrangère. Ces informations sont en principe obtenues dans un cas précis.

Au niveau international, il existe également un texte qui prévoit l’application d’une procédure d’échange automatique de renseignements. Il s’agit de la Convention concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale de l’OCDE et du Conseil de l’Europe de 1988. Cette convention multilatérale est ouverte à l’ensemble des Etats depuis le mois de juin 2011. Elle a notamment la particularité de prévoir non seulement les trois formes traditionnelles d’échanges de renseignements (sur demande, automatique, spontanée), mais aussi la possibilité de pratiquer des contrôles fiscaux simultanés. Les « leaders » du G20 ont ainsi affiché leur volonté de promouvoir cet instrument juridique qu’ils considèrent comme susceptible d’assurer une mise en œuvre « rapide » du nouveau standard à l’échelle mondiale.

On constate çà et là un certain scepticisme sur la « faisabilité » des engagements pris à l’occasion des récents G20 (au moins depuis 2009 et jusqu’en 2013). Une chose est sûre, il y a une continuité dans la volonté des Etats « les plus riches » d’aller vers davantage de transparence fiscale. Ceux qui défendent ce projet global de lutte contre la soustraction d’impôt soulignent que Rome ne s’est pas faite en un jour. Si la Chine est parfois moins lisible, les Etats-Unis et l’Union européenne sont ainsi déterminés à renforcer les outils à disposition de leurs autorités fiscales. Celles-ci doivent pouvoir suivre la trace de contribuables susceptibles de transférer des fonds n’importe où dans le monde en l’espace d’un clic. La progression des technologies a en effet amplifié le phénomène de mobilité des capitaux depuis plus d’une dizaine d’années. Lorsqu’une autorité fiscale soupçonne l’un de ses contribuables de disposer d’un compte bancaire dans un Etat étranger, sans pour autant disposer des détails sur le compte, il se peut qu’elle renonce à déposer une demande d’assistance. Avec l’échange automatique, cette limitation tombe puisque les revenus crédités sur un compte sont régulièrement communiqués par l’autorité de l’Etat de la source des revenus. L’échange automatique épargne ainsi à l’autorité fiscale de l’Etat de résidence certaines démarches liées à l’identification du contribuable. Il a en outre un fort effet dissuasif.

Enfin, s’agissant de la problématique de l’érosion de la base imposable, laquelle concerne principalement les multinationales et la répartition de leurs profits, l’étude et la redéfinition de certaines règles du droit fiscal international seront nécessaires. Ces questions figureront sans doute à l’agenda des prochains sommets et seront entre-temps examinées de façon approfondie au sein de l’OCDE.