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Entraide en matière fiscale

De la non-implication « manifeste et au-delà de tout doute »

La lutte contre la fraude fiscale et la soustraction d’impôts aura déjà fait couler beaucoup d’encre et la Suisse, avec son célèbre secret bancaire, aura fait l’objet de fortes pressions. Non sans résultats ! En mars 2009, la Suisse s’est engagée à adhérer aux normes internationales dans le domaine fiscal et elle s’apprête, dans les jours à venir, à signer la convention de l’OCDE concernant l’assistance administrative. Sur le plan international, l’échange automatique est en passe de devenir la norme (voir à ce sujet Commentaire n° 894). Et dans ce paysage en pleine mutation, les demandes d’assistance administrative en matière fiscale, notamment en provenance des Etats-Unis, n’ont cessé de se multiplier. Les personnes concernées par de telles requêtes tentent parfois de s’opposer à la transmission des leurs données. L’exercice s’avère toutefois plus difficile qu’on aurait pu l’imaginer, dans un pays qui a pourtant la réputation de faire passer le besoin de confidentialité de l’individu avant celui de la transparence. Exemple dans un arrêt récent rendu par le Tribunal fédéral.

S’il suffit, dans le cadre de la convention de double imposition conclue entre la Suisse et les Etats-Unis (CDI-USA), que l’autorité requérant l’assistance administrative en matière fiscale décrive un état de fait permettant de fonder un simple soupçon de fraude et délits semblables, le degré de preuve exigé d’une personne touchée par la demande pour contester son implication et empêcher ainsi la transmission d’informations la concernant n’avait pas été clairement établi. Le Tribunal fédéral y remédie dans son arrêt 2C_511/2013 du 27 août dernier.

Après avoir admis que cette question constitue une question juridique de principe, condition sine qua non pour qu’il entre en matière sur le recours depuis l’entrée en vigueur des modifications apportées à la LTF, le Tribunal fédéral se penche sur le problème principal, qui tourne autour de la qualité de « tiers non impliqué » et du degré de preuve nécessaire pour pouvoir se prévaloir d’une telle non-implication. La question est donc de savoir si une personne peut s’opposer à la transmission de ses données au motif qu’elle ne serait pas impliquée dans l’état de fait servant de base à la demande et avec quel degré de vraisemblance elle est tenue de prouver sa non-implication. Tant la CDI-USA que son ordonnance sont muettes à ce sujet. Le Tribunal fédéral s’est donc inspiré des solutions retenues dans le cadre de l’entraide en matière boursière (LBVM) où une preuve claire, résultant de documents, est exigée. La personne en cause ne peut ainsi se disculper que lorsqu’elle est en mesure d’infirmer clairement le soupçon initial, c’est-à-dire établir qu’elle ne présente, « manifestement et au-delà de tout doute », aucun lien avec l’opération suspecte.

Selon le Tribunal fédéral, tel n’est pas le cas, à première vue, de l’ayant droit économique d’une société impliquée dans les faits ayant entraîné la demande. En effet, bien qu’il admette que la valeur probante du formulaire A en matière fiscale soit discutable, le Tribunal fédéral estime que le formulaire A n’en constitue pas moins une indication sérieuse d’un lien direct et réel de la personne désignée à ce titre avec les faits dont on soupçonne la société partie à la relation bancaire. Ainsi, les données relatives à la personne de l’ayant droit économique seront en principe transmises, à moins que ce dernier ne parvienne à apporter une preuve claire et manifeste de sa non-implication, exercice difficile vu le degré de preuve exigé. Le Tribunal fédéral enfonce encore le clou en rappelant que lorsque le client ne crée par une situation claire, il doit en supporter les conséquences.

Cet arrêt a été rendu après l’entrée en vigueur de la loi sur l’assistance administrative fiscale (LAAF), mais la demande d’assistance ayant été déposée avant, la LAAF ne trouvait pas application dans le cas présent. L’issue du litige n’aurait toutefois vraisemblablement pas été différente. En effet, bien que la LAAF prévoie, à son art. 4 al. 2, que la transmission de renseignements concernant des personnes qui ne sont pas concernées par la demande est exclue, il y a fort à parier que le degré de preuve exigé pour démontrer l’absence d’implication soit identique.