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Placements collectifs et distribution

Les structures d'investissement privées et la modification de l'art. 6a al.1 OPCC

Le 5 novembre 2014, le Conseil fédéral a approuvé la révision de l’Ordonnance sur les audits des marchés financiers (OA-FINMA). Introduite au chiffre 4 relatif aux « modifications du droit en vigueur », on trouve également la modification très attendue de l’art. 6a al. 1 de l’Ordonnance sur les placements collectifs de capitaux (OPCC) qui vient préciser le régime applicable aux « structures d’investissement privées » ou « véhicules de détention patrimonial ».

La modification proposée, qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2015, consiste en l’ajout d’une deuxième phrase à l’art. 6a al. 1 OPCC. Dorénavant, lorsqu’une « structure d’investissement privée a été instituée par un ou plusieurs particuliers fortunés », la déclaration d’opting in au sens de l’art. 6 OPCC « peut être effectuée par une personne responsable de la gestion de la structure si les pouvoirs correspondant résultent de la structure d’investissement ».

Pour comprendre l’importance de l’ajout de cette deuxième phrase, il convient, préalablement, de faire un bref rappel sur le statut de particulier fortuné suite à la récente refonte de la LPCC et de l’OPCC.

Sous l’empire de l’ancienne réglementation et de la Circulaire FINMA 08/8 – Appel au public,  étaient au bénéfice du statut de particulier fortuné non seulement les personnes physiques qui remplissait les critères quantitatifs de fortune définis à l’art. 6 al.1 a OPCC mais également « les véhicules de détention patrimoniale constitués pour des particulier fortunés » (cm 19 Circ.-FINMA 08/8). Le statut de particulier fortuné ne se limitait donc pas aux seules personnes physiques et les véhicules de détention patrimonial étaient aussi considérés comme particuliers fortunés. Partant, les règles relatives à l’appel au public ne leurs étaient pas applicables.

Depuis l’entrée en vigueur au 1er mars 2013 de la LPCC et de l’OPCC révisées, est considéré comme particulier fortuné au sens des art.10 al. 3bis LPCC et 6 OPCC, la personne physique qui au moment de l’acquisition de parts de placement collectif :

a) prouve qu’elle dispose des connaissances nécessaires pour comprendre les risques des placements du fait de sa formation personnelle et de son expérience professionnelle ou d’une expérience comparable dans le secteur financier, et d’une fortune d’au moins 500’000 francs ; ou

b) confirme par écrit qu’elle dispose d’une fortune d’au moins 5 millions de francs suisses.

A la différence de l’ancien régime, le particulier fortuné ne devient investisseur qualifié (art. 10 al. 3bis LPCC) que s’il déclare, par écrit, vouloir être considéré comme tel (signature d’une déclaration opting in). Celui-ci ne pouvant être qu’une personne physique, les véhicules de détention patrimoniale constitués par un particulier fortuné ne sont a priori plus considérés comme des investisseurs qualifiés mais comme des investisseurs non qualifiés. Ils sont donc soumis à des règles plus strictes en matière de distribution bien que, paradoxalement, les particuliers fortunés bénéficient de règles plus souples et ont fréquemment recours à ce type de véhicule pour détenir ou gérer leur fortune de manière optimale, que cela soit sous forme de trust, société de domicile, family office etc.

Plus concrètement, si un particulier fortuné peut se voir proposer un univers de fonds plus large, destiné notamment à des investisseurs qualifiés, le véhicule qu’il utilise comme outil de gestion ne le peut pas.

On relèvera à ce stade, que ce critère de personne physique pour les particuliers fortunés a été introduit au moment de la révision de l’OPCC ; plus précisément à la fin de la procédure de consultation, sans que cette nouvelle exigence soit présentée, motivée et a fortiori discutée entre les autorités fédérales et les parties concernées (cf. rapport explicatif de l’OPCC).

L’introduction de cette deuxième phrase à l’art. 6a al.1 OPCC permet, dans une certaine mesure, de répondre au paradoxe relevé ci-dessus et appelle notamment les remarques suivantes :

  • si le concept de « structure d’investissement privée » est différent de celui de « véhicules de détention patrimoniale », il semble recouvrir la même réalité factuelle. Faute d’explication dans le rapport sur l’OA-FINMA, sont probablement visées les entités nationales ou étrangères au bénéficie ou non du statut de personne morale et qui ont pour but la gestion patrimoniale des actifs du particulier fortuné. En pratique cela concernera probablement, les trusts, les sociétés de domicile ou encore les entités ayant des activités de type family office.
  • La déclaration d’opting in n’aura pas besoin d’être directement signée par le ou les particuliers fortunés au bénéficie d’une structure d’investissement privée. L’art. 6a OPCC prévoit que le responsable de la gestion, de l’administration, de la structure pourra le faire directement pour autant que la structure d’investissement lui en confère le pouvoir. Il appartiendra à la personne responsable de la gestion de s’assurer, lorsqu’elle effectue la déclaration d’opting in que les particuliers fortunés remplissent bien les conditions de l’art. 6 OPCC et qu’ils souhaitent effectivement être considérés comme investisseurs qualifiés.
  • La structure d’investissement peut être instituée par un ou plusieurs particuliers fortunés. L’art. 6a al. 1 OPCC ne précise cependant pas si tous les bénéficiaires de la structure doivent être des particuliers fortunés, bien que le rapport de l’OA-FINMA le laisse entendre.
  • Lorsque les structures d’investissement privées détiennent les actifs en direct -par le biais de comptes à leur nom- et que la personne en charge de leur gestion a signé la déclaration d’opting in pour un ou plusieurs particuliers fortunés ; elles pourraient se voir proposer dans le cadre de la distribution des fonds destinés à des investisseurs qualifiés et également souscrire directement à ces fonds réservés à cette catégorie d’investisseur. Dès lors, il ne serait pas nécessaire pour le distributeur de fonds de placement de s’adresser au particulier fortuné, ni à ce dernier d’avoir un compte à son nom puisque l’acquisition de la part de fond se ferait via la structure d’investissement privée.
  • Il convient également de relever que la structure d’investissement peut être un investisseur qualifié si elle remplit le critère de « l’entreprise dont la trésorerie est gérée à titre professionnel » (l’art. 10 al. 3 let. d LPCC). Elle sera alors considérée comme un investisseur qualifié indépendamment des art. 6 et 6a al. 1 OPCC. Sans définir ce que l’on entend par entreprise, à savoir, s’il doit s’agir d’une personne morale ou non, le rapport explicatif précise qu’« une trésorerie est gérée à titre professionnel lorsqu’au moins une personne spécialisée et expérimentée dans le domaine financier s’occupe principalement de la gestion durable des ressources financières ». C’est donc le critère de « trésorerie gérée à titre professionnelle » qui s’avère déterminant dans le contexte de l’art. 10 al. 3 LPCC.

En conclusion, cette modifications de l’art. 6a OPCC doit donc être accueillie favorablement. Bien qu’elle ne permette pas de couvrir tous les cas de figure, elle apporte néanmoins bon nombre de clarifications. L’avenir dira si la FINMA jugera utile d’apporter d’autres précisions.