Echange automatique de renseignements
Accord sur l'échange automatique de renseignements fiscaux avec l'Union européenne : un modèle parmi d'autres
Federico Abrar
Le 25 novembre 2015, le Conseil fédéral a adopté le Message concernant l’accord sur l’échange automatique de renseignements en matière fiscale avec l’Union européenne (ci-après « accord EAR ») et soumis l’accord à l’approbation des Chambres fédérales. L’accord EAR met en œuvre, avec l’UE, la nouvelle norme internationale régissant l’échange automatique de renseignements en matière fiscale avec des Etats partenaires de l’OCDE (ci-après « la nouvelle norme OCDE »), approuvée par la Suisse et à l’élaboration de laquelle cette dernière a activement participé.
A l’image d’une société commerciale qui changerait de nom et de but social tout en préservant son numéro d’identification fédéral après sa vente par les actionnaires, l’accord sur l’échange automatique de renseignements n’est, à la forme, qu’un protocole de modification de l’accord entre la Confédération suisse et l’Union européenne de l’accord dit sur la fiscalité de l’épargne.
Que l’on ne s’y méprenne pas : la discrétion apparente de l’acte considéré contraste fortement avec les changements opérés, au fond, par celui-ci. Il met en effet un terme à un système dépassé, la retenue de l’impôt à la source, pour faire place à une institution nouvelle : l’échange automatique de renseignements (ci-après « l’EAR »), rendu possible par l’évolution de la position helvétique quant à son secret bancaire.
A cet égard, quelques commentaires s’imposent.
Si l’accord EAR implémente la nouvelle norme OCDE, il n’est pas un modèle unique mais parallèle à la Convention du Conseil de l’Europe et de l’OCDE concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale (ci-après la Convention CE-OCDE). Dans un environnement conventionnel protéiforme, on gardera à l’esprit les principales différences des modèles coexistants.
Les parties à l’accord EAR, limitées aux Etats membres de l’Union européenne et à la Suisse, sont plus restreintes que celles à la Convention CE-OCDE. Par rapport à cette dernière, l’accord EAR ne devrait cependant pas être considéré comme une lex specialis dans les relations entre la Suisse et un Etat membre de l’Union européenne. Dans l’hypothèse d’un échange sur demande, lequel sera maintenu – et élargi à tous les types d’impôts contrairement à certaines CDI actuellement en vigueur – par ces deux instruments, l’Etat requérant devra simplement préciser la base légale servant de fondement à sa demande. A supposer que ces conditions ne soient pas réunies, contrairement à un acte formateur, l’Etat requérant pourra présenter une nouvelle demande en se fondant sur une autre base légale. Le cas est théorique dans la mesure où les instruments concernés sont, sur ce point, équivalents. (Message relatif à l’approbation de la Convention du Conseil de l’Europe et de l’OCDE concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale et à sa mise en œuvre du 5 juin 2015 ; FF 2015 5121, 5132). Quant à l’échange spontané de renseignements, non prévu par l’accord EAR, il n’aura pour fondement que la Convention CE-OCDE. Pour le surplus, la Suisse ayant émis une réserve à d’autres formes de coopération administrative (assistance au recouvrement de créances fiscales et assistance administrative à la notification de documents), les deux instruments sont équivalents dans leur ensemble.
Il en va également ainsi des modalités de l’échange automatique d’informations, identiques bien que non mentionnées dans la Convention CE-OCDE mais dans l’Accord multilatéral entre autorités compétentes qui la met œuvre. En substance, les renseignements à échanger – concernant, dans les deux cas, des informations portant sur des comptes financiers (soit, notamment, les données concernant le titulaire et l’ayant droit économique du compte, ainsi que le solde ou la valeur portée sur le compte) – et la date du premier échange, au 1er janvier 2018, sont parfaitement similaires. De même, une loi interne d’application sur l’échange automatique est nécessaire aux deux actes.
En revanche, les instruments considérés diffèrent dans leurs mécanismes respectifs de suspension de l’échange automatique de renseignements en cas de manquement grave à l’accord par une des parties à celui-ci. Dans le cas de l’accord EAR, une suspension de l’échange automatique d’informations, prévue à l’art. 7 sous le titre marginal « Consultations et suspension de l’Accord » semble instaurer une acception plus large que celle prévue dans la Convention CE-OCDE, laquelle ne vise qu’une suspension de l’échange de renseignements au sens de l’Accord multilatéral entre autorités compétentes qui la met œuvre. Sur le plan systématique également, une suspension gèlerait, dans le cas de l’accord EAR, la convention dans son ensemble, alors que dans le cas de la Convention CE-OCDE, seul serait remis en cause, à l’exclusion de cette dernière, l’Accord multilatéral entre autorités compétentes. En conséquence, une suspension de l’Accord EAR s’étendrait également aux autres formes d’assistance prévues dans ce dernier, soit également à l’entraide sur demande. A l’inverse, une suspension de la Convention CE-OCDE se limiterait à l’échange automatique de renseignements. En pratique, les conséquences de cette distinction seraient vraisemblablement sans effet, dans la mesure de l’identité des conditions de dénonciation des deux instruments entrainant systématiquement la dénonciation des deux traités.
Ce dernier point n’est pas sans rappeler les multiples difficultés que posera l’échange automatique de renseignements à l’aune des droits du contribuable. Sans entrer ici en matière, comment traiter, en particulier, le cas d’une partie à l’accord qui, à réception des informations, violerait les obligations de confidentialité auxquelles elle est tenue ? Une dénonciation de l’accord a posteriori paraîtra alors vaine autant que la possibilité du contribuable de se prévaloir de la violation susmentionnée devant un Etat qui, au vu de son comportement, risquerait fort de ne pas y faire droit.