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Révisions du CP, de l'EIMP et de la LBA

Renforcement de la lutte contre le terrorisme et une coopération internationale plus étroite

Le 21 juin 2017, le Conseil fédéral a mis en consultation un avant-projet visant le renforcement des normes pénales contre le terrorisme et le crime organisé, en vue, notamment, de la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme du 16 mai 2005 et de son Protocole additionnel du 22 octobre 2015 (entré en vigueur sur le plan international le 1er juillet 2017). Sont ici présentées les principales modifications.

Pour satisfaire pleinement aux deux instruments internationaux précités, l’avant-projet prévoit l’introduction, dans le code pénal, d’un art. 260sexies incriminant le recrutement, l’entraînement, ainsi que le voyage et le financement de ce dernier, en vue d’un acte terroriste. La nouvelle infraction étend, largement en amont de l’acte de violence criminelle en tant que tel, la répression de la participation au processus terroriste. Elle inclut la tentative, clause d’extension de la typicité qui ne s’applique pas au soutien à une organisation criminelle au sens de l’art. 260ter CP. La disposition permet par ailleurs une meilleure appréhension de la problématique des « loups solitaires », le lien avec une organisation terroriste (et donc criminelle) n’étant pas exigé. L’infraction de recrutement peut se recouper avec le « recrutement d’adeptes » au sens de l’art. 2 de la loi fédérale urgente interdisant les groupes « Al-Qaïda » et « Etat islamique » et les organisations apparentées, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2018 et destinée à être intégrée à l’art. 74 de la nouvelle loi sur le renseignement (LRENS). Le concours entre les deux dispositions est imparfait. La peine-menace étant la même, l’art. 74 al. 4 nLRENS devrait primer par spécialité. Un concours parfait entre l’art. 260sexies nCP et l’art. 260ter CP est envisageable à condition que le soutien à l’organisation criminelle dépasse les seuls comportements mentionnés dans la première disposition.

Le Conseil fédéral propose également une modification de l’art. 260ter CP, qui porte sur quatre points. Premièrement, la nouvelle norme viserait expressément non plus seulement les organisations criminelles mais également les organisations terroristes (avec une peine-plafond plus sévère pour la participation et le soutien à ces dernières). Sur le plan de la typicité, la modification revêt une portée essentiellement symbolique, dès lors que toute organisation terroriste constitue en principe de toute façon une organisation criminelle. Deuxièmement, la condition du caractère secret de la structure et des effectifs de l’organisation est abandonnée, suite aux critiques de la doctrine et de la jurisprudence à son égard. Cette suppression ne revêtira probablement pas une grande incidence pratique mais elle a le mérite de faire disparaître du texte légal un critère dont l’interprétation porte à confusion. Troisièmement, le soutien à l’organisation ne doit plus se rapporter à « son activité criminelle », mais à « son activité » tout court. La suppression de l’adjectif offre un allègement, à tout le moins théorique, du fardeau de la preuve à charge des autorités, qui n’ont plus besoin d’établir le rapport – même indirect – entre le soutien et les activités criminelles de l’organisation. En pratique, un tel lien n’était probablement pas très difficile à établir. Quatrièmement, la disposition prévoit une infraction qualifiée pour les « gros poissons ».

Sur le plan de la coopération internationale en matière pénale, l’avant-projet consacre deux nouvelles mesures : premièrement, la transmission anticipée, en amont de la décision de clôture de la procédure d’entraide, d’informations et de moyens de preuve (art. 80dbis AP-EIMP) ; deuxièmement, l’octroi aux autorités d’entraide de la compétence pour créer, en collaboration avec leurs homologues étrangers, des équipes communes d’enquête (art. 80dter AP-EIMP).

Last but not least, la révision touche l’arsenal anti-blanchiment. En particulier, elle élargit les moyens d’action du bureau de communication en matière de blanchiment d’argent (MROS) en prévoyant un deuxième « canal » de transmission de données permettant au MROS d’exploiter les renseignements reçus, à savoir les informations provenant d’un homologue étranger. A l’heure actuelle, selon l’art. 11a al. 2 LBA, c’est seulement si le MROS a reçu d’un intermédiaire financier une communication de soupçons au sens des art. 9 LBA et 305ter al. 2 CP qu’il peut demander à d’autres intermédiaires financiers des informations complémentaires en lien avec les soupçons communiqués. Le nouvel art. 11a al. 2bis LBA autorise la même démarche du MROS si ce dernier reçoit les renseignements laissant présager d’une transaction ou relation d’affaires suspectes d’un homologue étranger. La disposition vise notamment à renforcer l’entraide administrative internationale.

Globalement, il nous paraît probable que les mesures procédurales proposées par la novelle, qui s’inscrivent dans le contexte d’une collaboration interétatique, tant en matière pénale qu’administrative, toujours plus étendue, trouvent davantage d’écho sur le plan pratique que les modifications du droit de fond.