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Entraide internationale en matière civile

Qualité de partie de la personne visée par une requête d’entraide en matière civile

Le Tribunal fédéral a récemment rendu deux arrêts portant sur l’entraide internationale en matière civile. Dans la mesure où ces deux arrêts aboutissent à des résultats différents nonobstant des états de faits similaires, une mise en perspective peut être intéressante pour tirer des lignes directrices de la jurisprudence du Tribunal fédéral.

Dans les deux cas, un tribunal étranger a formulé une requête d’entraide en matière civile visant à l’obtention d’informations au sujet d’un compte ouvert dans les livres d’une banque suisse. Les deux requêtes étaient régies par la Convention du 18 mars 1970 sur l’obtention des preuves à l’étranger en matière civile ou commerciale (la « CH70 »). L’exécution de telles requêtes en Suisse est soumise au Code de procédure civile (le « CPC »), comme le prévoit l’article 11a de la Loi fédérale sur le droit international privé.

Dans le premier arrêt (ATF 142 III 116 du 21 décembre 2015, l’« Arrêt 1 »), le Tribunal fédéral a considéré que la requête d’entraide ne pouvait pas être exécutée en Suisse, au motif que le titulaire du compte visé par la requête d’entraide n’avait pas été entendu par le juge étranger avant l’envoi de la requête d’entraide. Selon le Tribunal fédéral, cette violation du droit d’être entendu constituait une atteinte aux principes fondamentaux du droit de procédure civile suisse (c. 3.2). Partant, l’exécution de la requête d’entraide devait être refusée au motif qu’elle portait atteinte à la souveraineté de la Suisse (article 12 (1) (b) CH70).

Dans le second arrêt (arrêt non publié du 29 août 2017 dans la cause n° 4A_167/2017, l’« Arrêt 2 »), le Tribunal fédéral a rejeté le recours intenté par le tiers titulaire du compte visé par la requête d’entraide contre un arrêt de la Cour de justice genevoise lui déniant la qualité de partie, alors même que ce tiers n’avait, lui non plus, pas été entendu par le juge étranger. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a invité ce tiers à « faire valoir ses droits directement devant le juge étranger » (c. 4.3).

Ces deux arrêts peuvent donner lieu aux observations suivantes :

i. En premier lieu, il convient de rappeler que le secret bancaire ne constitue pas un obstacle absolu à l’exécution d’une requête d’entraide en matière civile. La banque ne peut refuser de collaborer que si elle rend vraisemblable que l’intérêt à garder le secret l’emporte sur l’intérêt à la manifestation de la vérité (article 47 (5) LB, article 166 (2) CPC). La banque bénéficie de la qualité de partie dans le cadre de la procédure d’exécution suisse et peut notamment faire valoir son droit propre à refuser de témoigner (article 11 (1) (a) CH70, article 166 (2) CPC). En revanche, la banque n’est pas habilitée à faire valoir les droits propres des parties au procès à l’étranger.

ii. A première vue, la seule différence factuelle entre ces deux arrêts en apparence contradictoires semble être la question de savoir si le tiers titulaire du compte était connu du juge en charge de la procédure étrangère, ce qui était le cas dans l’Arrêt 1. En revanche, la requête d’entraide qui a fait l’objet de l’Arrêt 2 visait précisément à la divulgation du nom de ce tiers.

iii. Cela étant dit, en examinant ces arrêts de plus près, il appert que la distinction principale concerne la phase procédurale dans laquelle chaque arrêt se situe. L’Arrêt 1 porte sur un recours du tiers titulaire de compte contre une ordonnance d’exécution d’une requête d’entraide. L’Arrêt 2 porte sur la question de savoir si le tiers titulaire de compte dispose de la qualité de partie dans le cadre de la procédure qui mène à l’ordonnance d’exécution de la requête d’entraide. Le Tribunal fédéral répond à cette question par la négative, ce qui explique pourquoi le recours au Tribunal fédéral interjeté par le titulaire de compte a été rejeté dans le cadre de l’Arrêt 2.

iv. En revanche, l’Arrêt 2 ne remet, à nos yeux, pas en question la position prise par le Tribunal fédéral dans l’Arrêt 1, qui porte, comme indiqué, sur un recours contre l’ordonnance d’exécution de la requête d’entraide. Le tiers qui est atteint dans ses droits bénéficie de la possibilité de recourir contre l’ordonnance d’exécution pour faire valoir le respect des dispositions qui protège ses intérêts. Ainsi, le tiers visé par la requête d’entraide peut recourir pour faire valoir que son droit d’être entendu a été violé (par le juge étranger) dans le cadre de la procédure de préparation de la requête d’entraide (cf. résumé de l’Arrêt 1 ci-dessus).

Sur ces questions, cf. également Célian Hirsch, La qualité de partie dans la procédure d’entraide judiciaire internationale en matière civile, in : http://www.lawinside.ch/527/