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Garanties bancaires

La CCI publie un guide d’application des RUGD 758

Dix ans après l’entrée en vigueur des Règles uniformes relatives aux garanties sur demande (RUGD, publication CCI no. 758), la Chambre de commerce internationale publie en 2021 les International Standard Demand Guarantee Practice for URDG 758 (ISDGP, publication CCI no. 814), adoptées par la Commission bancaire de la CCI en mars 2021. Le recueil consiste en un ensemble de pratiques (« best practices »), inspirées des usages internationaux et destinées à compléter les RUGD 758. Le texte est publié exclusivement en anglais.

À l’instar des RUGD, les ISDGP n’ont pas force de loi. Il s’agit plutôt d’un guide d’application des RUGD, à lire conjointement avec ces dernières.

Nous abordons ci-dessous certaines dispositions des ISDGP qui sont les plus significatives pour l’interprétation des RUGD.

Les ISDGP apportent d’abord certains éclaircissements s’agissant des notions clefs de l’opération de garantie aux § 9 à 48 ISDGP, la pratique ayant révélé que certaines définitions contenues dans les RUGD (cf. art. 2 RUGD) méritaient des précisions. Les RUGD font ainsi notamment la distinction entre la notion de « donneur d’ordre » et de « partie donnant les instructions » : le donneur d’ordre est la partie mentionnée dans la garantie comme tenue en vertu de la relation sous-jacente à la garantie, tandis que la partie donnant les instructions est celle qui donne les indications pour l’émission de la garantie et qui est tenue d’indemniser le garant. Les ISDGP précisent à cet effet que si le donneur d’ordre n’est pas la partie donnant les instructions, cette dernière peut être une société mère ou une filiale du donneur d’ordre ou toute autre personne ayant un intérêt à l’émission de la garantie (§ 9 ISDGP).

À propos de l’émission de la garantie, qui selon les RUGD se détermine selon le critère du contrôle effectif impliquant que la garantie est émise dès qu’elle quitte le contrôle du garant (cf. art. 4 let. a RUGD), les ISDGP apportent une précision utile : selon le § 68 ISDGP, une garantie qui n’est plus sous le contrôle du garant est considérée comme valablement émise, même si la procédure d’approbation interne dans l’établissement du garant n’est pas complète.

Autre précision bienvenue, lorsque les parties ont convenu d’une présentation sous forme électronique (cf. art. 14 let. c RUGD), il est préconisé que ce mode de présentation comprend également les messages SWIFT, sauf si l’instrument de garantie les a expressément exclus (§ 84 ISDGP).

Les ISDGP consacrent plusieurs paragraphes à la question des demandes de type « proroger ou payer » (« extend or pay », cf. art. 23 RUGD), qui sont assez fréquentes en pratique. En particulier, une demande extend or pay doit désigner précisément la période de prolongation souhaitée (§ 123 ISDGP) et comporter une demande de paiement conforme, afin que le garant soit contraint d’effectuer le paiement si la prolongation demandée par le bénéficiaire n’est pas accordée (§ 122 ISDGP).

Dans une section dédiée au paiement de la somme de garantie au bénéficiaire, le § 160 ISDGP offre un complément à l’art. 20 let. b RUGD, qui prescrit que « lorsque le garant détermine qu’une demande de paiement est conforme, il devra payer », en préconisant que pour être conforme à la pratique standard en matière de garanties sur demandes, le paiement du bénéficiaire devrait avoir lieu dans les trois jours ouvrés après la détermination de la conformité de la demande. Les ISDGP vont ici au-delà des RUGD, qui n’énoncent aucun délai dans lequel le paiement doit avoir lieu, en indiquant quel est le délai standard pour effectuer le paiement afin d’éviter les retards injustifiés.

Les ISDGP concluent par un chapitre intitulé « divers ». Celui-ci aborde le concept d’appel abusif, en rappelant qu’il s’agit d’un thème qui n’est pas réglé par les RUGD, et qui relève du droit applicable à cette dernière (§ 209 ISDGP). Il est également recommandé, en cas de mesures provisionnelles dirigées contre le garant, que celui-ci avertisse sans retard le bénéficiaire de l’impossibilité de procéder au paiement de la garantie en lui remettant une copie de la décision judiciaire (§ 211 ISDGP).

En conclusion et à notre sens, les ISDGP constituent un excellent complément aux RUGD. Si l’on peut regretter que les ISDGP ne soient pas rédigées comme un commentaire article par article, ce qui aurait permis au praticien de retrouver plus directement les explications relatives à un article particulier des RUGD, on doit néanmoins saluer les efforts de la Commission bancaire de la CCI pour codifier dans un recueil une large partie des pratiques internationales normalisées en matière de garantie indépendante.

Il faut encore souligner que dans la pratique des garanties bancaires suisses, les RUGD sont encore peu utilisées, sauf par certaines banques actives dans le Trade finance. Faute donc d’être l’expression d’une coutume ou d’un usage commercial, le juge suisse ne saurait directement se référer aux RUGD et aux ISDGP pour résoudre un litige relatif à une opération de garantie bancaire si celle-ci n’est pas soumise aux RUGD. Le Tribunal fédéral a toutefois soutenu, dans deux décisions relatives à des garanties non sujettes aux RUGD, que celles-ci permettaient de préciser les qualifications et les relations entre les parties à l’opération de garantie, et reconnu que certaines dispositions des RUGD allaient dans le même sens que certaines positions doctrinales suisses (SJ 1997 p. 245, 251 ; ATF 122 III 273, 276). A notre sens, le juge suisse devrait alors pouvoir s’inspirer des solutions contenues dans les RUGD et les ISDGP, attendu que ces textes sont généralement le reflet de la pratique internationale en matière de garanties à première demande.