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Procédure de scellés

La banque est hors-jeu

La voie des scellés n’est pas ouverte à la banque dont certains employés sont poursuivis pour violation de l’obligation de communiquer (art. 9 et 37 LBA). Le Tribunal fédéral (TF) en a décidé ainsi dans deux affaires (étonnamment) semblables, qui ont fait l’objet de trois arrêts, le premier daté du 14 décembre 2021, les deux seconds du 20 décembre 2021 (1B_49/2021, 1B_461/2021 et 1B_243/2021). Pour faciliter la lecture, les lignes qui suivent se concentrent sur la première décision.

La FINMA a effectué le 7 novembre 2019 une dénonciation au Département fédéral des finances (DFF) visant « les responsables » de la banque A. AG « de même que les éventuelles autres personnes impliquées ». La dénonciation était accompagnée de documents que la banque A. AG avait remis au régulateur dans le cadre de la procédure de surveillance.

L’autorité administrative a en conséquence ouvert une procédure de droit pénal administratif pour violation de l’obligation de communiquer contre inconnu. On comprend de la décision du TF que la poursuite se dirige contre les personnes physiques – en particulier les organes – et non la banque elle-même, mais que les responsables restent à déterminer (cf. c. 2 et 4.4).

Pour son enquête, le DFF a, entre autres, demandé au Ministère public de la Confédération (MPC), par la voie de l’entraide entre autorités, un accès au dossier de la procédure pénale concernant des clients de la banque. Les documents demandés lui ont été remis le 28 février 2020.

À la même période, le DFF a également demandé à la banque, par le biais d’une ordonnance de production de pièces, de lui remettre certains documents. L’établissement a obtempéré, mais lui a transmis les pièces scellées par un mot de passe. En mars 2020, le DFF a requis la levée des scellés.

La banque a aussi requis la mise sous scellés des documents fournis par la FINMA et le MPC. Le DFF les a apposés et a adressé une deuxième demande de levées des scellés auprès du Tribunal pénal fédéral (TPF) en mai 2020.

Les juges de Bellinzone ont joint les deux procédures, admis la première requête de levée de scellés et ne sont pas entrés en matière sur la deuxième au motif que le DFF ne devait de toute façon pas apposer les scellés sur les documents remis par la FINMA et le MPC.

La banque recourt sans succès au TF contre la décision du TPF rendue le 21 décembre 2020 (BE.2020.6, BE 2020.10).

En ce qui concerne le premier volet, le TF a dénié à la banque un intérêt juridiquement protégé à contester la levée des scellés et n’est donc pas entré en matière sur ce point (cf. art. 81 al. 1 let. b LTF).

Il a, en résumé, considéré que la banque ne pouvait se prévaloir d’aucun secret juridiquement protégé par les dispositions en matière d’interdiction de séquestre et de scellés (art. 248 et 264 CPP ; c. 4.3). Elle ne pouvait par ailleurs pas faire valoir d’éventuels secrets et droits de refuser de témoigner dont des tiers – employés de banque ou clients – seraient titulaires (c. 4.4.).

S’agissant du second volet, la qualité pour agir de la banque a été admise puisque la décision du TPF avait pour conséquence de refuser à l’établissement le droit à une procédure de scellés ce qui était susceptible de constituer un déni de justice formel (c. 3 et 5.3).

Sur le fond, les juges de Mon Repos ont cela étant confirmé la décision du TPF. La banque n’était pas détentrice des documents remis (spontanément) par la FINMA et (sur requête) par le MPC au DFF. Le fait que ces documents aient initialement été produits par la banque dans la procédure pénale et celle du droit de la surveillance n’y change rien. L’établissement était d’ailleurs libre – dixit le TF – de faire valoir d’éventuels droits à la protection de secrets ou de manifester son intérêt à l’apposition des scellés dans le cadre de ces procédures.

La jurisprudence en vertu de laquelle d’autres personnes que le détenteur des documents peuvent faire apposer des scellés n’est pas applicable, car elle suppose que l’intérêt à la protection des secrets soit d’emblée reconnaissable. En l’espèce, la banque n’a fait valoir aucun secret propre au sens des art. 170 à 173 CPP (c. 5.7).

L’établissement financier ne peut rien tirer non plus de la décision du TF de novembre 2019 admettant que des documents provenant d’une procédure d’enforcement et transmis par la FINMA au ministère public pouvaient faire l’objet d’une procédure de scellés (1B_268/2019 du 15 novembre 2019, commenté in cdbf.ch/1105/). La constellation n’était pas la même, le TF soulignant en particulier que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt précité, la FINMA n’avait pas transmis spontanément les documents à l’autorité de poursuite, mais uniquement à sa requête et en la rendant attentive au fait que les pièces contenaient des données sensibles (c. 5.9).

Le résultat auquel le Tribunal fédéral parvient ne nous paraît pas choquant, mais le raisonnement nous semble appeler une précision et deux remarques.

Premièrement, tant le secret bancaire que le secret commercial font, sur le principe, partie des secrets protégés par la procédure de scellés même s’ils cèdent généralement le pas devant l’intérêt à la manifestation de la vérité (cf. art. 173 al. 2 CPP). Il est cela étant vrai qu’au contraire du secret commercial, ce n’est pas la banque qui est titulaire du secret bancaire.

Deuxièmement, reprocher à la banque de ne pas avoir fait valoir d’éventuels secrets dans le cadre de la procédure pénale concernant ses clients ou dans la procédure de surveillance de la FINMA ne nous parait pas juste : l’établissement financier n’avait (probablement) aucun intérêt à procéder ainsi, respectivement n’aurait pas davantage pu faire valoir d’intérêts juridiquement protégés.

Troisièmement, vu le statut – matériellement un peu incertain – de la banque dans la procédure de droit pénal administratif c’est, à notre sens à juste titre, que le TF ne tire juridiquement pas grand-chose du fait que la banque n’est pas formellement prévenue (cf. en particulier c. 4.3).