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Placements collectifs de capitaux

Une clarification (bienvenue) de l’obligation d’annonce des participations

Le Tribunal fédéral a récemment clarifié les modalités d’application des normes sur la publicité des participations aux placements collectifs de capitaux (art. 120 ss. LIMF) dans un arrêt 2C_546/2020 du 18 août 2022 destiné à la publication. Il a notamment retenu que la société mère d’un groupe composé de placements collectifs de capitaux devait annoncer les participations de ces dernières de manière consolidée.

En cause dans cette affaire, deux sociétés actives dans les services financiers sises à l’étranger. La première (la société contrôlée), sise aux États-Unis, est principalement active dans la gestion de fortune et la création et distribution de placements collectifs de capitaux. La seconde (la société contrôlante), sise au Canada, détient 94,65 % des droits de vote de la société contrôlée. Ainsi, la société contrôlée et ses filiales constituent un sous-groupe contrôlé par la société contrôlante.

À la fin 2017, les deux sociétés requièrent de la FINMA qu’elle clarifie leur situation juridique concernant leurs obligations d’annonce respectives en Suisse. Il s’agit de savoir qui de la société contrôlée ou contrôlante est soumise à l’obligation d’annonce, selon l’art. 120 LIMF, pour les participations détenues par les placements collectifs de capitaux gérés par la société contrôlée et ses filiales.

Pour rappel, en cas de manquement à cette obligation, les requérantes sont punissables d’une amende pouvant atteindre 10 millions de francs si la violation est intentionnelle et 100’000 francs en cas de négligence (art. 151 al. 1 let. a et 151 al. 2 LIMF).

Les sociétés requérantes soutiennent devant la FINMA que seul l’art. 120 al. 3 LIMF serait applicable en l’espèce pour fonder une obligation d’annonce. Selon elles, l’art. 120 al. 1 LIMF ne serait pas applicable car les placements collectifs de capitaux ne disposent pas d’ayant droit économiques (ADE) au sens de l’art. 10 al. 1 OIMF-FINMA. Mais encore, l’art. 18 OIMF-FINMA ne serait pas applicable, faute d’une délégation législative valable. Dans ce cas, en application de l’art. 10 al. 2 OIMF-FINMA, l’obligation d’annonce retomberait dans les mains de celui qui peut exercer librement les droits de vote (art. 120 al. 3 LIMF).

Sur cette dernière base, aussi bien la société contrôlante (en sa qualité de société mère) que la société contrôlée (en tant que gérante des fonds) seraient habilitées à annoncer les participations. Ainsi, et il s’agit de l’issue recherchée par les recourantes, la société contrôlante ne serait pas obligée d’annoncer dans la mesure où la société contrôlée remplirait déjà cette obligation.

La FINMA rejette cette conclusion des requérantes. Le TAF, saisit sur recours, confirme la décision de la FINMA dans un arrêt B-5291/2018. Les requérantes recourent contre l’arrêt auprès du Tribunal fédéral, lequel est amené à se prononcer sur l’application des normes sur la publicité des participations.

Le Tribunal fédéral commence par rappeler que l’art. 120 LIMF fonde deux obligations d’annonce distinctes. Celles-ci servent à assurer une transparence suffisante de la chaine de détention des droits de vote.

La première, fondée à l’art. 120 al. 1 LIMF, incombe à celui qui contrôle réellement les droits de vote. Il s’agit notamment, en vertu de l’art. 10 al. 1 OIMF-FINMA, des ADE qui contrôlent les droits de vote et supportent le risque économique liés à la participation.

La seconde, fondée sur l’art. 120 al. 3 LIMF, soumet également à l’obligation d’annonce toute personne qui exerce librement les droits de vote liés aux titres de participations. Selon l’art. 10 al. 2 OIMF-FINMA, cette seconde obligation peut être remplie directement par la personne exerçant librement les droits de vote ou, alternativement, par la personne la dominant s’il existe un rapport de domination.

Contrairement à l’avis des recourantes, le Tribunal fédéral trouve ici une application de l’art. 120 al. 1 LIMF. Selon lui, l’art. 10 al. 1 OIMF-FINMA établit une règle de principe selon laquelle l’obligation d’annonce incombe d’abord aux ADE. Or, les placements collectifs de capitaux ne disposent pas d’ADE. Dans ces structures, les investisseurs supportent le risque économique tandis que la direction contrôle les droits de vote. Ni l’une ni l’autre des parties ne remplit donc cumulativement les deux conditions permettant de les qualifier respectivement d’ADE.

Toutefois, dans le cas de placements collectifs de capitaux, la direction ne supporte pas le risque économique, mais conserve tout de même le contrôle ultime des droits de vote. Afin de tenir compte de cette particularité, la FINMA, sur délégation législative valable (art. 123 al. 1 let. a LIMF), a prévu une disposition spécifique applicable aux placements collectifs de capitaux. De ce fait, selon l’art. 18 al. 1 OIMF-FINMA, l’obligation de déclarer au sens de l’art. 120 al. 1 LIMF incombe au titulaire de l’autorisation. Enfin, lorsqu’il s’agit de placements collectifs de capitaux étrangers qui ne sont pas autorisés, mais faisant partie d’un groupe, cette obligation est remplie au sein du groupe (art. 18 al. 4 OIMF-FINMA). Il revient donc à la société contrôlante, en sa qualité de société mère, de remplir cette obligation.

Ainsi, le Tribunal fédéral conclut que :

  • L’obligation d’annonce fondée sur l’art. 120 al. 1 LIMF incombe à la société contrôlante.
  • L’obligation d’annonce fondée sur l’art. 120 al. 3 LIMF incombe alternativement à la société contrôlante ou contrôlée.

Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral, à raison selon nous, reconnaît un champ d’application large à l’art. 120 al. 1 LIMF. En effet, le but de cette norme est de pouvoir tenir compte du plus grand nombre d’opérations ayant des répercussions sur les droits de vote. À cet égard, l’activité des placements collectifs de capitaux doit pouvoir être prise en compte. La FINMA n’apparaît dès lors pas excéder le champ de sa délégation en prévoyant une norme spécifique permettant de parvenir à ce but.