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Credit Suisse

Une CEP et une commission d’experts ne suffisent pas

Tous les acteurs impliqués, c’est-à-dire CS/UBS, la FINMA, la Banque nationale suisse et le Département fédéral des finances, devraient commencer par se pencher eux-mêmes sur la reprise ordonnée par les autorités de CS par UBS. Cela constituerait un point de départ et un cadre pour les éclaircissements du Parlement et faciliterait une discussion suisse et internationale fondée sur des faits concernant la réglementation et la surveillance des banques d’importance systémique mondiale comme la future UBS.

Une mise à jour nécessaire

La reprise du CS par UBS, ordonnée par les autorités, soutenue financièrement par des fonds publics et rendue possible par le droit d’urgence des 16 et 19 mars 2023, soulève à juste titre de nombreuses questions et nécessite quelques clarifications.

Ce n’est qu’ainsi qu’il sera possible d’évaluer de manière solide s’il existe des constellations dans lesquelles une banque d’importance systémique peut être dissoute sans soutien étatique en cas de crise. C’est la seule façon d’évaluer sérieusement si les instruments de résolution créés après la crise bancaire de 2011 et étendus en 2015 et 2021 sont appropriés. Ce n’est qu’ainsi qu’il sera possible de juger si la FINMA, en particulier, aurait dû et pu intervenir autrement ou plus tôt auprès du CS. Ce n’est qu’ainsi que la gestion de la crise par les autorités pourra être évaluée sur la base de faits.

CEP et commission d’experts…

Les Commissions de gestion (CdG) des deux Chambres se sont prononcées à la mi-mai 2023 en faveur de la création d’une commission d’enquête parlementaire (CEP) pour « l’examen du comportement des autorités dans le contexte de la crise du CS ». Le Parlement suivra probablement cette recommandation lors de sa session d’été ou d’automne. La question centrale serait de savoir « si l’action des autorités fédérales était légale, appropriée et efficace ».

Le Conseil fédéral a institué en mai 2023 une commission d’experts « Stabilité bancaire ». Indépendante des autorités, elle est chargée de « mener une réflexion stratégique sur le rôle des banques et les conditions-cadres de l’Etat en matière de stabilité de la place financière suisse » et de faire rapport au DFF d’ici août 2023. Ses réflexions devraient aider le Conseil fédéral à « évaluer le dispositif réglementaire TBTF » prévu par l’art. 52 LB pour avril 2024 et à évaluer les nombreuses propositions de refonte de la réglementation et de la surveillance.

… ne suffisent pas pour traiter les faits et les causes

Ni la CEP ni la commission d’experts mise en place par le Conseil fédéral ne suffisent toutefois, à mon avis, à établir les faits et les causes de manière appropriée. La commission d’experts du Conseil fédéral n’a d’emblée pas cette mission. Elle ne pourrait pas non plus s’acquitter de cette tâche dans le délai de trois mois impartis pour la remise de son rapport

La CEP est un instrument de la haute surveillance parlementaire sur les autorités fédérales et l’administration fédérale. Elle ne peut pas examiner les opérations et les actions de la BNS, qui ne fait pas non plus partie de l’administration fédérale décentralisée. Elle peut encore moins enquêter sur les causes de la crise du CS. La CEP peut certes entendre des personnes privées, mais elle ne peut pas enquêter sur des processus, des actions, des omissions et des développements erronés d’une banque privée. Le fait que cette banque soit d’importance systémique et qu’elle soit surveillée par la FINMA n’y change rien.

Travail de mémoire par tous les acteurs…

Une CEP et une commission d’experts ne suffisent donc pas à faire la lumière sur la crise du CS. Comme après le soutien apporté à UBS en octobre 2008 et comme actuellement aux Etats-Unis après la liquidation de deux banques avec le soutien de l’Etat, tous les acteurs sont appelés à y contribuer.

Les problèmes du CS ont été à l’origine de la reprise par UBS, ordonnée par la FINMA, la BNS et le Conseil fédéral, et du soutien de l’Etat fondé sur le droit d’urgence. Ils sont la cause de toutes les conséquences pour les clients, les créanciers, les collaborateurs, les actionnaires de la banque et la place financière suisse.

Le conseil d’administration de CS Group SA ou, après la fusion forcée, d’UBS, a donc l’obligation morale, voire juridique, vis-à-vis des parties prenantes intéressées, d’analyser ou de faire analyser les causes de la faillite du CS. Comme en 2008 et 2010 après le sauvetage de l’UBS, le résultat devrait être accessible au public.

Une enquête indépendante de la FINMA serait également la bienvenue, comme cela a été le cas en 2008 et 2009 après le soutien à UBS.

Elle pourrait exposer et commenter les problèmes du CS et leurs causes, qui ont rendu nécessaires les mesures de mars 2023. Elle pourrait également expliquer comment elle a surveillé le CS depuis 2015 environ, quelles mesures elle a prises pour stabiliser CS et pourquoi elle n’aurait pas pu intervenir plus tôt et plus massivement. Troisièmement, elle pourrait exposer ses préparatifs en vue d’une liquidation du CS et expliquer pourquoi, dans son rapport de résolution 2022, elle a conclu en avril 2023 que le CS pouvait être liquidé, alors qu’elle considérait cette option comme défavorable un mois plus tôt.

Enfin, elle pourrait expliquer si, et le cas échéant, sur la base de quelles informations, y compris des discussions avec des autorités de surveillance étrangères et des réflexions, la FINMA a décidé en mars 2023 de ne pas mener de procédure d’assainissement ou de faillite.

Après le soutien public apporté à UBS en 2008, la Banque nationale suisse n’a pas publié d’auto-évaluation approfondie, contrairement à la CFB/FINMA. Il devrait en être autrement aujourd’hui. Il n’y a aucune raison pour que la BNS ne puisse pas également traiter cette question dans un rapport à publier. Elle pourrait ainsi expliquer l’évolution de l’aide en liquidités accordée au CS pour toutes les monnaies, y compris le dollar américain. La BNS pourrait également expliquer comment et si la collaboration avec la FINMA et le DFF a fonctionné dans la gestion de la crise et ce qui pourrait éventuellement être amélioré.

Dans son rapport, le Département fédéral des finances pourrait décrire l’évolution de la réglementation des banques d’importance systémique mondiale au niveau de la loi et surtout de l’ordonnance, y compris les interactions avec les autorités et les grandes banques à ce sujet. Il faudrait notamment présenter les interactions avec les autorités nationales et étrangères depuis 2022 en ce qui concerne le CS. En outre, il est d’un grand intérêt public de connaître le déroulement exact des préparatifs de la crise à partir de la mi-2022 au moins.

Travail de mémoire et régulation en parallèle

Le CS n’a pas fait belle figure, c’est le moins qu’on puisse dire. Certains éléments laissent penser qu’il pourrait en être de même pour la surveillance et la gestion des crises par les autorités. Toutes les parties concernées ont maintenant l’occasion de se pencher sur ce qui s’est passé. Ils devraient toutefois commencer à le faire rapidement.

Par ailleurs, la discussion sur la réglementation peut être menée en parallèle. Il n’est pas nécessaire d’attendre les résultats des clarifications. Mais il serait bon que les questions pertinentes soient traitées proprement avant de poser les jalons « définitifs » de la réglementation et de la surveillance de l’UBS et d’autres banques d’importance systémique mondiale. La réglementation ne doit pas nécessairement s’appuyer sur des faits, mais cela ne fait pas de mal.

Enfin, le traitement de la crise du CS par tous les acteurs impliqués constituerait une base pour une CEP, qui pourrait et devrait en prendre connaissance, la remettre en question ou la juger.

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