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Offre volontaire

Lorsque la volonté de contrôler se heurte à la réalité du contrôle

Existe-t-il un lien nécessaire entre le contrôle au sein du conseil d’administration et le contrôle par le droit de vote d’un actionnaire ? La Commission des OPA (COPA) a été amenée à trancher cette question dans une décision 853/01 du 31 août 2023 dans l’affaire GAM Holding AG. La COPA a en effet dû se pencher sur la validité d’une clause conditionnant une offre volontaire à la possibilité de nommer l’intégralité des membres du conseil d’administration d’une société cotée. Le recours formé contre cette décision au début septembre 2023 a été retiré quelques semaines plus tard, de sorte que cette décision est devenue définitive.

GAM Holding AG (GAM) est une société cotée suisse dont l’actionnariat est concentré, mais non contrôlé. Neuf actionnaires, dont la société elle-même, détiennent indépendamment 51 % des droits de vote au sein de GAM, l’actionnaire le plus important disposant quant à lui de 15 % des droits de vote.

Un groupe d’actionnaires, composé notamment de NewGame SA (NewGame) et Bruellan Holding SA, détiennent ensemble 9,6 % des droits de vote. En juillet 2023, NewGame publie une annonce préalable visant à acquérir des actions supplémentaires correspondant à 17,5 % des droits de vote. Cette offre, comptabilisée avec la participation initiale de NewGame, permettrait de détenir à terme au maximum 27,1 % des droits de vote dans GAM. La participation totale projetée à l’issue de l’offre ne dépassant pas le seuil de 33⅓ % des droits de vote au sens de l’art. 135 al. 1 LIMF, cette offre est qualifiée d’offre volontaire.

Ici, NewGame décide de soumettre son offre à plusieurs conditions, dont une concernant des modifications au sein du conseil d’administration. Dans une clause intitulée « Renouvellement du conseil d’administration », NewGame a en effet conditionné son offre à ce qu’une assemblée générale soit tenue afin de (i) révoquer tous les membres actuels du conseil d’administration de GAM et (ii) élire tous les candidats proposés par NewGame, à l’exclusion de tous les autres candidats. Dans les faits, l’objectif de NewGame est donc de contrôler unilatéralement le conseil d’administration.

Pour rappel, contrairement à une offre obligatoire ou une offre volontaire de prise de contrôle, une offre volontaire n’est pas soumise à la règle du prix minimum. Mais encore, une offre volontaire peut être soumise à des conditions si l’offrant à un intérêt justifié à les poser et qu’elles ne sont pas potestatives (contrairement aux deux autres formes d’offre qui doivent être inconditionnelles, sauf justes motifs ; voir à ce sujet les art. 38 al. 1 OIMF-FINMA et 13 al. 1 OOPA).

La COPA, face à cette condition, commence par rappeler sa pratique dans le contexte d’offres volontaires de prise de contrôle. Dans le cadre de telles offres, l’offrant, qui à l’issue de son offre détiendrait une participation de contrôle, c’est-à-dire plus de 33⅓ % des droits de vote, a un intérêt justifié à prendre le contrôle du conseil d’administration. Une telle condition lui permet en effet d’assurer une transition rapide à la suite de l’offre (notamment mettre en place une nouvelle gestion telle qu’escomptée par l’offrant).

S’intéressant désormais à notre état de fait, la COPA pointe du doigt la différence entre l’offre de NewGame et une offre volontaire de prise de contrôle. L’offre de NewGame vise à obtenir une participation, tout au plus, de 27,1 % des droits de vote. Dans la mesure où NewGame demeure un actionnaire minoritaire (soit un actionnaire détenant moins de 33⅓ % des droits de vote), il est inhabituel et contraire aux principes de bonne gouvernance qu’elle puisse élire tous les membres du conseil d’administration. Mais encore, il serait tout au moins attendu qu’une majorité d’administrateurs indépendants soient également nommés, afin de respecter notamment les principes établis à l’art. 15 du Code suisse de bonnes pratiques pour la gouvernance d’entreprise. La COPA conclut incidemment à l’inadmissibilité et à la suppression de cette condition du prospectus d’offre de NewGame.

Selon nous, la conclusion à laquelle la COPA est arrivée dans cette affaire est correcte. À l’issue de son offre, NewGame détiendrait 27,1 % des droits de vote, mais ne contrôlerait pas pour autant la société. Cela autant d’un point de vue théorique (en application de l’art. 135 al. 1 LIMF) que pratique (les autres actionnaires importants détenant en tout cas 29 % des droits de vote et pouvant incidemment exercer une certaine forme de contre-pouvoir). La question, à notre sens, serait différente en l’absence d’autres actionnaires importants. Dans un tel cas, NewGame, bien que minoritaire, aurait pu tenter de faire valoir un éventuel contrôle de fait pour justifier sa mainmise sur le conseil d’administration. Quoi qu’il en soit, en l’état, la position de la COPA est tout à fait soutenable et NewGame s’y est résignée en retirant son recours contre la présente décision.